La sortie est autant étonnante qu'inattendue : deux magistrats du tribunal de Sidi M'hamed assurent qu'il "n'existent aucun journaliste en prison". Dans une incursion médiatique, fait assez rarissime, mais probablement inspirée, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed, Allaeddine Bouchib, et le procureur général adjoint, Hakim Maazouzi, ont balayé d'un revers de main les accusations selon lesquelles les journalistes Khaled Derarni et Sofiane Merakchi ont été mis aux arrêts dans le cadre de l'exercice de leur métier. "Nous confirmons que nous n'avons pas de cas de journalistes en prison. Il n'y a pas de personnes qui ont le statut de journaliste qui ont été mis aux arrêts lors de l'exercice de leur métier. Les faits incriminés n'ont rien à avoir avec le métier de journaliste mais avec le droit public", a déclaré vendredi soir à la télévision publique, Allaeddine Bouchib. Pour sa part, Hakim Maazouzi a déclaré que "la majorité des poursuites contre les journalistes se sont faites sur la base de plaintes de citoyens, d'institutions ou d'organismes car touchant à la vie privée ou relevant de la diffamation et de la propagande". Ces assertions des deux magistrats n'ont pas manqué de susciter de vives réactions parmi les avocats de la défense. Selon Abdellah Haboul, avocat et ancien magistrat, le parquet général a "plaidé" à la télévision publique la "défense du Gouvernement des accusations d'emprisonnement de journalistes". Pour sa part, Me Abdelghani Badi, dans une démarche didactique, rappelle au directeur de la télévision algérienne, Ahmed Bensebane, les normes devant présider à un travail journalistique "honnête", lequel n'existe pas, selon lui, par la soumission au pouvoir. "L'Etat et le service public ne signifient pas le pouvoir politique et le système de pouvoir", écrit-il sur son compte Facebook. "Lorsque le procureur de la République et le procureur général adjoint de la République sont venus mener une campagne de ‘blanchiment' des précédents du pouvoir vis-à-vis des droits de la presse, vous deviez, au moins, par professionnalisme et sous l'angle de l'avis contraire, accorder un droit à la défense des journalistes emprisonnés de donner leur point de vue et d'informer l'opinion publique sur la nature des dossiers. Ce que vous avez fait constitue un parti pris en faveur du parquet dans sa confrontation aux avocats et aux journalistes. Vous avez donné la parole à la télévision avant le procès alors que la loi (article 147, alinéa 1 du code pénal) interdit explicitement toute influence sur la décision de justice avant son établissement", assène-t-il. "Mais c'est à ce que vous vous êtes livré hier (vendredi soir, ndlr) en exploitant le service public, en plus de déclarations de magistrats de nature à influencer la décision des juges", déplore-t-il.