Les hommages fusent de partout, artistes, intellectuels, hommes politiques, sportifs du monde entier pour saluer l'immense chanteur d'Ath Yenni disparu avant-hier dans un hôpital parisien. Ils sont unanimes À célébrer un artiste à part qui a bercé des générations, forgé des consciences et creusé le sillon d'un humanisme bien de chez nous. Lounis Aït Menguellet : "Ce que tu as laissé t'assure l'immortalité" Coup dur en cette belle matinée de printemps. Pour moi le départ d'Idir marque la fin d'une époque pour notre chanson. À ma dernière visite, il me disait qu'il était peu probable qu'il monte encore sur scène à cause de sa respiration assistée. On s'était mis à imaginer un moyen de dissimuler une bonbonne d'oxygène à côté de lui sur scène qui lui permettrait de chanter à son aise. Nos idées, argumentées de son sens de l'humour bien connu, se sont transformées en bonne partie en rigolade. La mort n'était pas au programme, aucun de nous n'y pensait. Repose en paix mon ami, ce que tu as laissé t'assure l'immortalité. Zinedine Zidane : "Tu as marqué mon enfance" Triste nouvelle. Aujourd'hui nous venons d'apprendre la disparition d'un homme que nous aimons profondément, un homme courageux et un exemple. Tu as marqué mon enfance en famille. Je n'oublierais jamais notre rencontre. Repose en paix. Yasmina Khadra : "L'envol du rossignol" Idir nous a quittés. Il s'en est allé sur la pointe des pieds pour ne déranger personne. Il s'est éteint comme un chant d'été à la fin de la colonie, comme se taisent les légendes en Algérie, son pays, son angoisse, son inconsolable litanie. Idir n'a fait que quitter un exil de transition pour un exil définitif puisqu'il a été contraint de quitter sa terre natale pour aller chercher ailleurs l'écho de sa voix, tel un troubadour errant en quête de sa voie. Il va beaucoup manquer à nos joies si chahutées de nos jours par nos peines et nos désillusions, mais son absence sera pour nous, Algériens, et pour ses fans de partout, un grand moment de recueillement. Quant à son silence de mortel, ce n'est que politesse afin que retentisse l'hymne de toutes les résiliences , des montagnes de Kabylie jusqu'aux confins de l'Atakor, et du vertigineux Tassili aux plages de Ben M'hidi. J'ai rencontré Idir trois petites fois. La première, à Chenoua-plage vers la fin des années 1960. La deuxième, au CCA à Paris que je dirigeais, lorsqu'il avait accepté d'animer bénévolement deux soirées d'affilée tant la demande était immense et la salle si minuscule pour un artiste de son envergure. La troisième, lors d'un concert auquel il nous avait conviés, mon épouse, mes enfants et moi, à Vitrolles, une ville de Provence. Mais mon meilleur souvenir a eu lieu en Inde, à un festival du livre, il y a une dizaine d'années. Un riche lecteur avait offert une soirée en mon honneur. Il avait une surprise pour moi. Lors du dîner, une troupe de danseuses en sari flamboyant nous a gratifié d'un superbe ballet tandis qu'une chorale chantait Avava Inuva… en hindi. Ce fut une très belle surprise. Repose en paix, Idir. Et dors bien. Nous continuerons tes rêves en écoutant les chansons que tu nous as léguées, en héritage et en serment. Jack Lang : "L'ange protecteur et bienveillant" J'ai une peine immense en apprenant la disparition d'Idir. Chanteur-poète, sa voix douce résonnait puissamment en nous comme le chant d'un berger rêveur et généreux. Idir était un "chasseur de lumière". Il nous berçait de mélodies douces et nous transportait vers les Hauts-Plateaux de la Kabylie dont il était un chantre magnifique et l'ange protecteur et bienveillant. Humble troubadour, véritable conteur, Idir parlait de la belle culture kabyle avec une passion sincère et un enthousiasme militant. Il nous donnait du bonheur, celui des choses simples, celles qui imprègnent et touchent l'âme. Ses concerts étaient des fêtes, à l'image des réunions de famille débordant d'amour et d'allégresse. C'était aussi un fervent artisan d'un monde arc-en-ciel, celui de la fraternité entre les hommes.Il aimait le dialogue, le partage. Il aura collaboré avec beaucoup d'autres artistes, donnant ainsi une identité à la reconnaissance de la diversité culturelle. Il croyait en l'humanité. Il chérissait la France des couleurs et le beau métissage culturel. Citoyen du monde et ménestrel au cœur tendre, Idir était unique. Il nous laisse un répertoire inoubliable. Avava Inuva cher Idir. Ali Bensaâd : "Avava Inouva est un passeport universel" Idir est mort. Grâce à lui, la culture amazigh s'est invitée à la table de toutes les familles algériennes, de toutes les régions, elle a enjambé les tranchées idéologiques haineuses, pour pénétrer avec naturel les chaumières les plus improbables, prendre la main de tous, y compris les non amazighophones, et même ceux qui étaient dans sa négation, pour les reconnecter tous au socle amazigh commun Qui en Algérie n'a pas écouté Idir, n'en a pas été ému, ne l'a pas fait écouter voire lui-même fredonné ? Au-delà du pays, il a été l'ambassadeur de la culture amazigh et algérienne. La chanson Avava Inouva est un passeport universel. Le particulier n'est pas un enfermement mais un chemin vers l'universel. Et même dans ma tristesse d'aujourd'hui, je lui suis reconnaissant de l'émotion qu'il fait monter en moi comme une sève, malgré et dans le deuil. François Hollande : "Un immense poète algérien" Idir a envoûté des générations entières au rythme de ses mélodies douces, généreuses et émouvantes. C'était un grand ambassadeur de la culture kabyle et un immense poète algérien. Ses œuvres seront chantées encore longtemps des deux côtés de la Méditerranée. Hacène Hireche : "Il a rendu notre monde plus vaste" Il est l'un des porte-paroles les plus talentueux de notre culture. J'en suis profondément attristé. Peiné lors même que la nouvelle était prévisible étant donné la souffrance qui le tenaillait depuis un moment. Né en 1945 et non en 49 comme l'a diffusé la presse ici en France, il avait 75 ans. Mais c'est trop tôt de partir à cet âge là pour celui qui, sa vie durant, a incarné la fraîcheur d'une culture ancestrale. Avec un pouvoir secret d'attraction et de fascination, il a ouvert de grandes portes à ce vaste univers du sens que renferme l'amazighité. Il a contribué à revivifier ce que l'on croyait trop vieux, à reconstruire ce que les idéologies stupides ont voulu détruire. J'ai connu Hamid en 1971 dans le cours de berbère dispensé par le célèbre écrivain Mouloud Mammeri à l'université d'Alger. Difficile de parler de l'un sans évoquer l'autre. Hamid y était assidu alors qu'il était étudiant en géologie. Il était déjà très lié au grand maître : même village (At Yani), même vivier culturel autour d'experts bijoutiers et des amusnaws, ces érudits ancestraux souvent analphabètes mais lettrés et savants. La vie réserve, parfois, de curieuses surprises. Deux hommes parmi les plus grands génies de notre culture sont nés à deux kilomètres à peine l'un de l'autre, à moins de trente ans d'intervalle, se retrouvent pour donner, chacun à sa manière, une dimension internationale à l'amazighité. La défendre, l'enrichir et transmettre ses plus belles pages et ses plus agréables sonorités aux générations futures. La carrière artistique d'Idir a démarré en 1973 avec la célèbre chanson "Avava Inuva" grâce au concours de Kamel Hamadi et de Ben Mohamed. Un succès retentissant. Je l'ai vu cette année-là, tout timide, sur scène à la cité universitaire de Ben Aknoun. Ce fût tout de suite un triomphe. Le miracle Idir est né, avec lui un paysage poétique et acoustique qui éclaire notre vie. Sa capacité à émouvoir l'accompagne en exil. Arrivé en France en 1975, il a conquis aussi bien le public immigré que le public international. C'est que ses chants sont à la fois sacrés et profanes, savants et populaires, ancestraux et modernes. Que l'on comprenne le kabyle ou non, ils rendent notre monde plus vaste, plus harmonieux et plus éclectique. Merci Idir, tu restes vivant. Arezki Aït Larbi : "Sa voix va manquer" Idir, pionnier de la chanson moderne kabyle, vient de nous quitter. Son tube, Avava Inouva, a été adapté dans plusieurs langues étrangères, portant ainsi la voix de tamazight aux quatre coins de la planète. Depuis Avril 80, son soutien aux prisonniers politiques n'a jamais fait défaut. Par ces temps d'incertitude, sa voix va manquer. Sa disparition marque la fin d'une époque. Son nom est déjà au panthéon des grands hommes de ce pays. Qu'il repose en paix.