Pour appuyer leur argumentaire, les signataires du document estiment que "l'adoption d'une Assemblée constituante n'est pas seulement la revendication du hirak, mais elle constitue une revendication historique". Dans un document intitulé "Manifeste pour une Constitution du peuple souverain", une quarantaine de personnalités, issues de différentes disciplines et de divers horizons, estiment que l'Assemblée constituante représente "la réponse la plus en adéquation avec l'un des effets de notre révolution populaire les plus chargés de sens politique". Pour les signataires du document, cela répond le mieux à une autre caractéristique du hirak : "Son caractère horizontal qui insiste sur l'action politique collective et qui répudie aussi bien le régime autoritaire militarisé que toute forme de zaïmisme ou de tutelle politique, qu'elle soit civile ou militaire, algérienne ou étrangère." Mais aussi à une aspiration du "peuple uni autour d'objectifs politiques clairs de démocratisation et de citoyenneté, et qui assume son pluralisme et sa diversité dans une démarche pacifique et déterminée dans le respect de ses valeurs ancestrales", précise le document, dont nous détenons une copie, qui ajoute que l'élection d'une Assemblée constituante serait "le meilleur moyen pour que le peuple soit et demeure le principal acteur politique, qu'il s'autodétermine en débattant et choisissant un pacte social et démocratique fondé sur une citoyenneté et des libertés effectives. Cette voie a d'ailleurs été adoptée par plusieurs pays lors de leur sortie de la dictature", arguent les signataires. Les signataires du document dressent un sévère constat de la situation actuelle. Les rédacteurs du document rappellent que la proposition de la révision constitutionnelle intervient "à un moment où une répression féroce est engagée contre les militants du hirak." "Arrestations, condamnations arbitraires et entraves méthodiques à l'exercice des libertés sont la réponse de ce pouvoir au peuple dont il prétend solliciter l'accord". Signé par, entre autres, Mouloud Boumeghar, Lahouari Addi, Belaïd Abane et Aïssa Kadri, des politiques comme Ali Brahimi, Jugurtha Abbou ou Tarik Mira ou encore des militants des droits de l'Homme comme l'avocat Noreddine Ahmine. En plus de son incapacité à "satisfaire les revendications du hirak", le texte proposé par la présidence est une "Constitution autoritaire issue de l'idéologie de la pensée unique et s'inscrit dans la tradition du zaïmisme", dénoncent les rédacteurs du manifeste. Pour mieux appuyer leur argumentaire, les signataires du document estiment que l'adoption d'une Assemblée constituante n'est pas seulement la revendication du hirak. Elle constitue une "revendication historique" du peuple algérien depuis le mouvement national. "Depuis 1933, pour l'Etoile nord-africaine (ENA) puis le Parti du peuple algérien (PPA), en passant par l'additif au Manifeste du peuple algérien de 1943", la revendication d'une Assemblée constituante "est étroitement associée à l'indépendance de l'Algérie, l'istiqlâl, que réclame encore aujourd'hui le peuple". Mais depuis la première Constitution de 1963, "les Constitutions et les lois de la République qui en découlent sont des textes formels et largement ineffectifs qui servent à créer l'illusion d'institutions fondées sur le droit et régies par lui". "En réalité, ajoutent les signataires, ils ne consacrent ni l'Etat de droit revendiqué par le hirak ni la transparence nécessaire dans les rapports de pouvoir, ses contre-pouvoirs et ses équilibres." Donc, seule une Assemblée constituante, dont le mode d'élection n'est pas précisé, permettra de rédiger une Constitution qui "consacrera la souveraineté matérielle et réelle du peuple, tandis que la proclamation de l'Etat civil et démocratique respectueux des libertés individuelles et collectives permettra de tourner la page de cet Etat profond qui étouffe et brise les aspirations du peuple depuis l'été 1962", résume le Manifeste. Ali Boukhlef