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"Le hirak n'a pas vocation à conquérir le pouvoir"
Abdesselam Ali Rachedi, ex-ministre et ancien député
Publié dans Liberté le 27 - 01 - 2020

Ancien ministre délégué aux Universités dans le gouvernement Mouloud Hamrouche et ex-député FFS, Abdesselam Ali Rachedi livre, ici, son analyse de la situation politique du pays estimant qu'actuellement, "il y a un face-à-face entre pouvoir et peuple, et que l'espace entre les deux est vide". Selon lui, "il ne s'agit pas de structurer le hirak ou de créer un soi-disant parti du hirak ou un parti du Président, mais de libérer le champ politique et médiatique pour permettre l'émergence de nouveaux partis s'inscrivant dans le nouveau paradigme".
Liberté : Que pensez-vous du choix des premières personnalités qui se sont entretenues avec le président Tebboune ?
Abdesselam Ali Rachedi : Depuis toujours, le pouvoir a été coutumier des faux dialogues, en appliquant le principe du "tout changer afin que rien ne change". Quel est l'objectif de ces concertations ? Apparemment, elles sont limitées à un échange de vues sur la révision de la Constitution. Or, le hirak n'a jamais demandé une révision de la Constitution, mais une constituante souveraine et le changement ou le départ du "système".
Par ailleurs, le choix des premiers interlocuteurs témoigne d'une certaine improvisation. Pas étonnant quand on sait que le Président a un déficit considérable de légitimité. Il faut dire que tous les dirigeants du pays depuis l'Indépendance étaient issus de la lutte de Libération. Même s'ils étaient formellement élus, ils devaient leur légitimité surtout à leur passé révolutionnaire, réel ou supposé, et non aux urnes. Bouteflika a été le dernier de cette lignée. Avec Tebboune, accède au pouvoir le premier Président à n'avoir pas participé à la lutte de Libération. Cela lui interdit d'emblée de se légitimer en manipulant les symboles du nationalisme à son profit.
Au même moment, accède à l'âge adulte une génération chez qui le discours national-populiste ne porte plus. Tebboune ne peut donc bénéficier de la légitimité nationaliste. Mais, ayant fait toute sa carrière dans les arcanes du système, il n'a aucune crédibilité pour incarner la légitimité démocratique. Et le très faible taux de participation à l'élection du 12 décembre en témoigne. C'est donc un Président doublement fragile qui tient les rênes du pouvoir alors qu'un soulèvement populaire de grande ampleur secoue le pays depuis près d'une année.
La révision de la Constitution est-elle une priorité ?
La Constitution ne fait que constater au plan juridique ce qui existe au plan politique. Ce n'est donc pas une question d'experts en droit, mais une question éminemment politique. Si urgence il devait y avoir, ce serait donc d'agir par des gestes forts au plan politique et non de se cacher derrière une énième révision de la Constitution pour tenter de préserver un statu quo obsolète.
La Constitution algérienne énonce la plupart des droits et libertés, reconnus universellement, mais les dispositions concernant ces droits et libertés sont renvoyées à des lois pour leur application. Or, dans la pratique, ces lois sont liberticides quand elles ne sont pas carrément anticonstitutionnelles. De plus, que valent ces lois quand elles sont promulguées sous forme d'ordonnances ou adoptées par un Parlement "élu" par la fraude et la corruption ? Dans un régime démocratique, la liberté est la règle et l'interdiction l'exception. Dans un régime autoritaire, tel que le nôtre, c'est exactement l'inverse.
Dans un régime démocratique, il n'y a ni loi sur les partis ni code de l'information. Les réunions publiques sont totalement libres et les manifestations ne sont soumises qu'à une déclaration pour raison d'ordre public. Au lieu de chercher à triturer une nouvelle fois la Constitution, dans l'espoir vain de préserver un statu quo rejeté massivement par les citoyens et les citoyennes depuis le 22 février, le pouvoir serait mieux inspiré en abrogeant tout l'arsenal de lois liberticides.
Notre point de vue est que les dispositions constitutionnelles concernant les libertés fondamentales ne doivent pas faire l'objet de lois, la liberté devant être la règle et non l'exception. Parmi les gestes forts, il y a aussi l'impératif de dissoudre le FLN, ses satellites et ses clones. Le FLN est le premier véhicule de la propagande populiste, islamo-nationaliste. Or, le populisme sert de fondement à l'autoritarisme. Le FLN n'est pas un parti politique, mais un appareil destiné à relayer le discours nationaliste en affirmant son soutien au pouvoir et en recrutant des clientèles. Il n'est, bien entendu, pas le seul dans ce rôle, mais c'est l'appareil principal.
Toujours dans l'objectif de démanteler les instruments de la propagande populiste, islamo-nationaliste, constituant le socle de l'autoritarisme, les ministères de l'Information, des Moudjahidine et des Affaires religieuses devraient être supprimés. Concernant les Affaires religieuses, il s'agit surtout de libérer la mosquée de l'emprise exercée sur elle par le pouvoir et à son profit. Ce sont là quelques mesures concrètes à même de libérer les champs politique et médiatique, certainement beaucoup plus urgentes à mettre en œuvre qu'une énième révision de la Constitution. On peut remarquer que ces mesures ne nécessitent ni dialogue ni concertation.
La libération de plusieurs dizaines de détenus a été suivie par de nouvelles arrestations lors des dernières manifestations. Pourquoi ce paradoxe dans la gestion sécuritaire du hirak ?
Votre question a trait, je pense, aux détenus politiques. Le pouvoir qui espérait certainement que le hirak allait s'essouffler au bout de quelques semaines a dû se résoudre à recourir à sa politique habituelle de répression dans l'espoir de pouvoir reprendre les choses en main. Il faut d'abord dire que la plupart des détenus n'ont fait qu'exercer leur droit constitutionnel de manifester.
Ensuite, il faut dire que les détentions préventives ont été quasi systématiques au mépris du droit et des usages. L'arrière-pensée étant de présenter les libérations comme une mesure de clémence, alors que la détention n'avait pas lieu d'être pour commencer. On a d'ailleurs parlé, à juste titre, d'otages et non de détenus. D'autant qu'il ne s'agit souvent que de liberté provisoire ou de détenus ayant purgé leur peine.
Le Pacte de l'alternative démocratique appelle au dialogue national. Sur quoi pourrait déboucher une telle initiative qui semble vouloir constituer un contrepoids aux concertations en cours du pouvoir ?
Je ne m'inscris pas dans cette initiative. Mon point de vue part d'une approche sociologique. Pour résumer, disons que, dans une situation normale, la société politique doit pouvoir jouer un rôle d'intermédiation entre la société civile et l'Etat. La société civile présente une diversité considérable en termes d'intérêts et d'aspirations. Cette diversité est le fondement du pluralisme et du multipartisme. Mais la société civile ne peut qu'exprimer ses aspirations et faire pression pour que ses diverses attentes soient satisfaites. C'est le rôle des partis politiques d'agréger ces demandes, d'en faire des programmes et d'aller à la conquête du pouvoir pour appliquer ces programmes.
En fonction des intérêts exprimés par les uns ou les autres, il y aura donc une gauche, une droite et un centre, sans parler des extrêmes. Le problème, chez nous, c'est le populisme. C'est une vision qui ne reconnaît pas la diversité, qui considère le peuple comme un tout homogène, qui ne reconnaît pas les élites et qui prétend avoir le monopole de la représentation populaire. Dans cette vision, il y a généralement un leader charismatique, un zaïm, qui s'adresse directement au peuple. Il n'y a donc, dans cette optique, aucune nécessité d'une médiation entre la société civile et l'Etat et donc pas de nécessité d'avoir des partis politiques et des élus, sauf des appareils dédiés au soutien du zaïm au nom du peuple.
Le populisme est donc autoritariste par nature. Il se trouve que les partis nés dans le sillage d'Octobre 88 sont tous marqués par le populisme. En guise de multipartisme, a vu le jour une multitude de partis uniques, calqués sur le modèle du FLN. Ils s'adressent, en effet, au peuple dans sa globalité et non à l'individu, citoyen et acteur politique. Ils ne disent jamais s'ils sont de gauche, de droite ou du centre. Ils ne peuvent donc jouer leur rôle de médiation entre la société civile et l'Etat. Ils sont aujourd'hui totalement discrédités et ne peuvent qu'être à la remorque du hirak au lieu d'en être la locomotive.
D'ailleurs, si les citoyens et citoyennes, dans leur diversité, ont pris leur courage à deux mains et se sont vus contraints de sortir dans la rue pour exprimer leurs aspirations, c'est bien parce qu'il n'y avait pas de partis pour les prendre en charge. On voit bien d'ailleurs, aujourd'hui, qu'il y a un face-à-face entre pouvoir et peuple, et que l'espace entre les deux est vide.
Plus d'une centaine de signataires dont Lakhdar Bouregâa, des universitaires et des avocats ont appelé dimanche 19 janvier à une conférence fédératrice du hirak, dans le but de trouver une solution à la crise en adéquation avec les aspirations populaires. Voyez-vous un point de convergence entre cette démarche et celle du PAD ?
Encore une fois, le problème est mal posé. Nous sommes toujours dans l'illusion populiste. Le hirak en tant que société civile, dans sa grande diversité, n'a pas vocation à conquérir le pouvoir, ni à se transformer en un parti du hirak, qui serait, dans le meilleur des cas, un néo-parti unique. Ce qui manque, en revanche, ce sont des initiatives pour créer de nouveaux partis politiques représentatifs de la diversité de la société civile. Car il n'y a qu'une manière pacifique de conquérir le pouvoir en démocratie : c'est le recours aux urnes.
Ce dont l'Algérie a besoin, c'est d'un véritable changement de paradigme pour sortir de la légitimité populiste et entrer dans la légitimité démocratique. Quant à la notion de crise, il faut la relativiser. La crise est celle du régime qui n'a plus de légitimité et la sortie de crise est représentée par le hirak. Au fil des semaines, la rue est devenue une véritable école de la démocratie où s'apprennent l'acceptation de la diversité et l'autonomie du sujet.
Le chef de l'Etat Abdelmadjid Tebboune a laissé entendre à Djilali Soufiane qu'il n'était pas opposé à la création d'un parti du hirak. Que signifie cette suggestion ?
Elle signifie qu'on ne peut concevoir de parti, qu'un parti unique et que tous les partis ne peuvent être que des clones du FLN. Il s'agit justement de rompre avec cette logique pernicieuse. Il ne s'agit pas de structurer le hirak ou de créer un soi-disant parti du hirak ou un parti du Président, mais de libérer le champ politique et médiatique pour permettre l'émergence de nouveaux partis s'inscrivant dans le nouveau paradigme.
Pour moi, il s'agit de la nécessité d'un changement de paradigme dans une vision où ce n'est plus le peuple considéré comme un tout indivisible à qui s'adresse le discours politique, mais l'individu-citoyen libre, porteur de droits et acteur. Sans l'individu libre, il n'y a pas de démocratie. L'avènement de la démocratie ne peut se faire qu'en changeant de perspective, c'est-à-dire en sortant de la légitimité nationale-populiste et islamo-populiste pour se fonder sur la légitimité démocratique. Les crises économique et sociale ne sont en réalité que la conséquence de la nature populiste autoritaire du pouvoir.
Pour maintenir son hégémonie, le pouvoir a bénéficié jusqu'ici de la manne pétrolière qui lui a permis d'entretenir une clientèle avide et prédatrice, et aussi d'acheter la paix sociale. L'autoritarisme et son pendant économique le dirigisme ont pu ainsi se maintenir durant plusieurs décennies en s'appuyant sur un contrat implicite qu'on pourrait énoncer comme suit : "L'Etat vous accorde des droits sociaux, mais, en contrepartie, vos droits politiques sont confisqués." Les limites de cette politique sont atteintes aujourd'hui. Le changement est devenu une urgence. Le hirak est l'instrument de cette mutation historique.

Interview réalisée par : Nissa Hammadi


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