L'auteur Hamma Meliani revient sur un sujet qui lui tient à cœur : la Palestine. On lui connaît déjà, en 2008, Le Siège et De l'Andalousie à la Palestine, de Mahmoud Derwich. En mai 2020, il publie la pièce de théâtre l'Orange aux éditions Tangerine Nights. Ce fruit gorgé de soleil, au parfum de la Méditerranée, rafraîchissant, ne fait pas, ici, le bonheur d'amateurs d'orangeades. Son odeur de sucre est censée adoucir les passions humaines et les conflits qu'elles ne manquent pas de générer. Les passions, la Palestine ne manque pas d'en soulever. Hamma Meliani, qui structure sa pièce en 7 actes et 38 scènes, fait évoluer ses personnages à un rythme soutenu. Même s'il subsiste au début des énigmes sur certaines filiations des hommes et des femmes en présence, on sent bien que les amitiés et parfois les liens familiaux sont forts. Des juifs, des chrétiens et des musulmans évoquent la vie dans les mêmes villages, les mêmes quartiers, dans l'insouciance de la jeunesse, y compris, pour certains, celle vécue en Algérie. "C'est que la Palestine...vivait comme tout le monde, c'était le bazar des peuples et des mœurs, il y avait des musulmans, des juifs, des chrétiens, la ronde des travaux et des jours, les olives et les oranges, des noms et prénoms de toutes sortes, des rencontres, des familles et leurs vendettas..." Mais il y avait aussi des postulats qui vont servir de sous-bassement aux positions des personnages : Saul, le chef des ultras : "Ici, c'est aussi mon village, Massud. Ne l'oublie pas. Il ne vous reste qu'une poignée de terre constellée de colonies en Cisjordanie et la minuscule bande de Gaza. Adieu Palestine !" Massud ne l'entend évidemment pas de cette oreille : "Tu rêves Saul. La Palestine vivra ! Nous nous battrons jusqu'au dernier pour reconquérir notre pays et notre souveraineté." La pièce est une "chronique de deux familles, une arabe et une juive, dont les rameaux, au détour des ans, des saisons et des amours, se sont tellement enchevêtrés que les identifiés se défont, deviennent incertains, s'échangent". Mais ces identifiés, lit-on dans la préface de Jean-Loup Thébaud, "se figent... chacun parle pour une ‘cause' qui s'empare de lui comme une bête étrangère, qui le tue et le fait tuer". À l'implantation de nouvelles colonies israéliennes s'oppose la résistance des Palestiniens, mais aussi des Israéliens hostiles à l'annexion de nouvelles terres et à tout ce qui pourrait hypothéquer les chances de paix. L'amour, les enchevêtrements familiaux, le désir de sécurité et de paix, les bonnes volontés, la sagesse et la nécessité de travailler pour vivre se fracassent contre le "mur" de la colonie qui, par définition, ne peut prospérer qu'au détriment des "colonisés" qui subissent injustices et humiliations. À ceux qui, des deux côtés, prônent la paix et croient en l'instauration de deux Etats voisins qui coexisteront pacifiquement, les colons opposent leurs milices comme "arguments" pour s'imposer. L'amour-fraternité, des deux côtés, tente désespérément de s'interposer, d'appeler à la sagesse, à la paix, au vivre-ensemble dans le respect des uns et des autres. La grand-mère, Om Ysmael (qui est un peu l'ancêtre commune) : "Mes enfants, ne sommes-nous pas une famille ? Arrêtons le massacre ! Que le sens de la fraternité nous éveille, que naisse par amour une larme de grâce sur nos visages qui rendront à notre joie la terre des miracles, où colombes et faucons, palestiniens et israéliens vivront ensemble. Arrêtons le carnage." Né à Aïn M'lila, diplômé en sciences politiques de la Sorbonne, réalisateur, metteur en scène et romancier, Hamma Meliani est un auteur prolifique dont plusieurs œuvres ont obtenu des distinctions. L'Orange est, en définitive, "une fable qui se joue à mettre en lumière la rupture entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi l'espoir de vivre une concorde durable". Malka et Jalel, de la nouvelle génération, veulent enraciner leur engagement pour la paix. "Bras tendus vers la fraternité, cette jeune fille et ce jeune homme en appellent à une justice véritable." ALI BEDRICI L'Orange, théâtre, de Hamma Meliani, Tangerine Nights, 95 pages, mai 2020.