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Le Nil, source de vie... et de conflits
Tensions entre l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie sur le contrôle de son eau
Publié dans Liberté le 11 - 07 - 2020

C'est un fleuve autour duquel est née une des plus vieilles civilisations. Irriguant des terres fertiles, parti de la région des Grands Lacs avant de se jeter dans la Méditerranée orientale, le Nil représente une question de sécurité nationale pour les pays qu'il traverse. Notamment trois pays qui se disputent le contrôle de ses eaux, l'égypte, le Soudan et l'éthiopie. Il est une source de tensions permanentes. Il suffit d'une goutte d'eau pour provoquer un torrent qui risque de tout emporter sur son passage.
Le gouvernement éthiopien est décidé à maintenir son calendrier de remplissage du Grand barrage de la Renaissance (GERD), "même sans accord" avec l'Egypte et le Soudan, qui contestent ce projet depuis son lancement en 2011. "Si l'Ethiopie ne remplit pas le barrage, cela signifie que l'Ethiopie a accepté de détruire le barrage", a déclaré le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.
"Sur les autres points, on peut prendre le temps lentement de trouver un accord, mais sur le remplissage on peut trouver et signer un accord cette année", a-t-il expliqué devant les députés à Addis-Abeba. Cette sortie est intervenue au lendemain de deux jours de discussions (dimanche et lundi) pour tenter de trouver un terrain d'entente, sous l'égide de l'Union africaine, entre l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie, qui a annoncé fin juin son intention d'entamer le remplissage du GERD d'ici à la fin du mois de juillet, affirmant, via son ministre de l'Irrigation, Silshe Bagli, que "le remplissage du réservoir du barrage de la Renaissance prévu pour ce mois courant fait partie de la construction du barrage".
Pour le Soudan, ces discussions sont éminemment techniques et les différences sont "limitées", tandis que l'Egypte parle d'une question "existentielle", expliquant avoir présenté des propositions "conformes aux normes internationales reconnues et permettant d'atteindre l'objectif éthiopien en matière de production d'électricité tout en évitant un préjudice grave aux intérêts égyptiens et soudanais", selon son ministre de l'Irrigation, Mohamed Abdel-Ati.
En réponse, Addis-Abeba affirme être en conformité avec les normes internationales et continue d'assurer que le remplissage de son barrage, sur le parcours du Nil Bleu, n'aura pas d'incidence sur la quantité d'eau dont a besoin Le Caire.
Tous les experts dans les questions de l'eau sont unanimes à dire que le GERD permettra à l'Ethiopie d'accélérer son développement économique, grâce aux 6 000 mégawatts d'électricité que produira ce barrage, le plus grand en Afrique. "Maintenant, pour les autres pays de la région, c'est moins évident", affirme Marc Lavergne, chercheur au Centre national de recherche scientifique (CNRS, France), dans un entretien téléphonique. "Pour le soudan, cela n'aura pas un impact énorme, mais quand même assez positif, parce que cela va permettre de réguler les crues du Nil", assure-t-il, expliquant que "chaque année il y a des crues, ce qui n'a rien de dramatique. Mais ce barrage permettra de réguler ces crues, ce trop d'eau. Donc, les Soudanais sont très contents, car cela leur fera de l'électricité qu'ils pourront acheter, dans la mesure où ils n'ont plus le pétrole sud-soudanais, après la scission de ce pays en 2011. C'est très intéressant d'avoir une nouvelle source d'énergie bon marché pour leur économie".
Pour Luc Descroix, chercheur en hydrologie et environnement à l'Institut de recherche et de développement, la décision éthiopienne "pourrait avoir un impact négatif si le remplissage du barrage de la Renaissance se fait trop vite", d'ailleurs, explique-t-il encore, "les négociations portent là-dessus. Mais elles ont échoué au début. L'Egypte demande à ce que ce barrage soit rempli en une douzaine d'années, alors que l'Ethiopie veut que cela se fasse le plus vite possible, c'est-à-dire dans quatre ou cinq ans". Le Caire met en avant cette crainte de manquer d'eau. Un point de vue qu'appuie M. Descroix, en affirmant que "le risque, c'est que le Soudan et surtout l'Egypte viennent à manquer d'eau, surtout pendant la crue, qui sera moins importante.
Il n'y aura que l'eau du Nil Blanc qui va arriver". Pour Laurent Goetschel, enseignant en sciences politiques à l'université de Bâle et directeur de la fondation suisse pour la paix Swisspeace, "il est clair qu'il y aura une réduction de l'eau qui sera à la disposition de l'Egypte et du Soudan, mais les Etats en question vont devoir trouver une position négociée. Il y aura certains effets négatifs pour les deux pays en aval (Soudan, Egypte). Mais il y a des possibilités pour gérer cela, et on pourrait trouver une solution, à condition que le gouvernement éthiopien n'utilise pas ces possibilités et ce barrage comme une arme politique. Ce serait quelque chose d'intenable, surtout pour l'Egypte".
Enjeux géopolitiques
Cela dit, les deux chercheurs n'omettent pas de souligner que la persistance de ce conflit répond aussi à des considérations géopolitiques, notamment de l'Egypte, alors que le Soudan a réaffirmé lundi que ce dossier "est un dossier purement technique et non politique", a rapporté l'APS. "Le débat se situe sur le nombre d'années qu'il faudra pour le remplir. Mais ce débat est celui de techniciens, d'experts. Ce n'est pas un débat politique", appuie M. Lavergne, insistant sur le fait que, "soit avec le régime de Morsi ou avec al-Sissi, ils sont dans la même situation qui est de trouver un ennemi, de rassembler les Egyptiens".
Si le chercheur tient compte des arguments économiques avancés par Le Caire, il estime toutefois que "les Egyptiens exagèrent (...) La dimension de cette crise de l'eau, c'est plus une crise politique interne. C'est-à-dire de la part des Egyptiens qui sont en train de chercher des causes externes à leurs problèmes, qui sont des problèmes de pollution, de démographie, d'incapacité de produire des choses qui soient utiles pour le marché mondial. Ils ne sont pas compétitifs et ils sont coincés entre les Européens et les Chinois en quelque sorte".
Il explique : "C'est-à-dire que l'agriculture, pour les Egyptiens, ça ne compte plus beaucoup. L'Egypte vit du tourisme et du gaz de la Méditerranée, des envois des émigrés qui sont dans les pays du Golfe, beaucoup plus que de l'agriculture. C'est fini le coton. Il y a beaucoup de gaspillage d'eau en Egypte. Disons, contrairement à ce que dit le président al-Sissi, il y a trop d'eau. Je fais référence à Essed al-Aali ou le grand barrage d'Assouan qui retient suffisamment d'eau et même trop parce que l'eau est gratuite en Egypte pour les paysans qui disposent aujourd'hui de moyens modernes pour pomper d'importantes quantités d'eau." Ces derniers "mettent trop d'eau dans les champs et cela fait trente ans que ça dure, même plus, puisque le barrage a été construit en 1977", rappelle M. Lavergne. "Clairement, côté égyptien, il y a un problème de pouvoir géopolitique. C'est qu'effectivement l'Egypte, en aval de l'Ethiopie, a peur qu'Addis-Abeba utilise ce pouvoir de bloquer l'eau" contre Le Caire et Khartoum pour exercer sa pression contre ces deux capitales, appuie M. Descroix.
En 1979, lors d'un de ses discours, le défunt président égyptien Anouar al-Sadate a affirmé à l'adresse de l'Ethiopie que "l'eau est le seul mobile qui pourrait conduite l'Egypte à entrer de nouveau en guerre", après celle dite des Six Jours contre Israël en 1976. À l'époque, Addis-Abeba avait affirmé son intention d'engager des projets d'aménagement du lac Tana, le plus grand lac du pays et où le Nil Bleu prend sa source, provoquant la réaction immédiate du Caire.
En effet, pour Sadat et ses successeurs, le Nil est une question de vie ou de mort. "La prochaine guerre de l'eau se déroulera dans les eaux du Nil", avait déclaré aussi, en 1987, le diplomate égyptien et ancien SG de l'ONU Boutrous-Ghali, à ce propos. Et c'est ce qui a failli arriver en 1994/95 lorsque le Soudan a annoncé la construction d'un nouveau barrage sur le Nil, menaçant parallèlement de dénoncer le traité de 1959, fixant les règles du partage des eaux entre ses deux voisins.
Qu'en est-il de la situation aujourd'hui avec le changement des équilibres internes et des rapports de force sur les plans régional et international ? Pour les experts, le risque d'une guerre reste minime pour des raisons objectives. "Normalement, nous les géo-politologues, on considère qu'il ne peut pas y avoir de conflit armé lié à l'eau, parce que l'eau, c'est quelque chose de très important. Puisque l'eau, c'est quelque chose de vital, un don de Dieu, on considère qu'il ne peut pas y avoir de conflit là-dessus", a affirmé Luc Descroix, estimant que "le gouvernement égyptien, faisant un effort d'armement, il a des arguments qui sont là, peut-être, seulement pour faire peur à l'Ethiopie. Mais moi, objectivement, je n'y crois pas".
Pour sa part, M. Lavergne croit que "le conflit va se régler, comme souvent, avec un accord qui va être trouvé pour garder la face de chaque partie". Mais les deux chercheurs sont surtout d'accord sur le fait que l'Egypte est incapable de mener une guerre. "En fait, l'Egypte est très clairement en position de faiblesse, parce que même si elle est forte militairement, je ne crois qu'il y ait la possibilité d'une intervention majeure. Des bombardements peut-être, mais pas une intervention terrestre", tranche M. Descroix.
Je serais très étonné si les discordes qui existent actuellement devaient mener à l'éclat d'un conflit armé. "Je pense plutôt qu'il s'agit de négocier certaines modalités, et pour les deux parties de garder la face par rapport à ce qu'il y a en jeu", estime M.Goetschel. "Mais le principe, si on retourne un peu l'histoire, au début, quand le gouvernement éthiopien a annoncé la construction de ce barrage, l'Egypte a déjà déclaré qu'un projet serait une raison de guerre. Mais d'autre part, il était bien clair que d'une manière ou d'une autre, l'Ethiopie avait besoin d'utiliser ses ressources pour son développement économique, à différents niveaux, et la question qui se pose, c'est de négocier les modalités de la gestion de l'eau sous de nouvelles conditions", détaille le politologue suisse.
"Les Egyptiens sont incapables de faire la guerre. Ils sont incapables de la faire en Libye, ils sont incapables de la faire nulle part. Ils n'ont pas d'armée en fait, c'est-à-dire qu'ils ont du matériel militaire, mais ils n'ont pas de soldats capables de mener une guerre. De plus, ils ne peuvent pas aller bombarder par-dessus le Soudan", soutient M. Lavergne, précisant que ce que pourraient faire les Egyptiens "c'est de soutenir des mouvements, disons, de division ethnique en Ethiopie, avec de l'argent.
Mais cela non plus, ce n'est pas très positif pour qui que ce soit, de voir déstabiliser la région". M. Goetschel reconnaît que "mutuellement, il y a une tradition de dialogue très corsée entre l'Egypte et l'Ethiopie, mais je pense qu'il vont trouver une solution", car, "de toutes les études faites, la question de la gestion des ressources, à elle seule, ne suffit pas à enclencher des conflits violents".
Par : Lyès Menacer


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