La mise en œuvre et à marche forcée de la feuille de route de la médiation ouest-africaine n'a fait que radicaliser l'opposition qui refuse toute forme de chantage politique. Des dizaines de milliers de Maliens ont répondu hier après-midi à l'appel de la coalition de l'opposition à un grand rassemblement dans la capitale Bamako, pour réaffirmer leur détermination à obtenir la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), dénonçant entre autres la présence française au Mali et les menaces de la médiation ouest-africaine. "Nous sommes un peuple debout", "IBK dégage", "Justice pour les 21 morts" du rassemblement réprimé du 10 juillet dernier, "Boubou (Cissé, le Premier ministre) et la France : dégagez !", "La France est la plaie du Mali", peut-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants qui ont commencé à affluer sur la place de l'Indépendance dès les premières heures de la matinée, à l'appel du Mouvement du 5-Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Cette coalition a réussi à rassembler autour d'elle de nombreux partis de l'opposition, des leaders religieux, politiques, associatifs et de la société civile, issus de différents horizons idéologiques ou confessionnels, au nom du respect de la volonté populaire qui exige aujourd'hui "plus que jamais" le départ d'IBK pour "mauvaise gouvernance". Cest une véritable démonstration en termes de mobilisation autour du M5-RFP, dont un des membres, le leader religieux Mahmoud Dicko, a reçu de nouveau lundi le représentant de la Communauté économiques des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'ex-président nigérian Goodluck Jonathan, pour tenter de désamorcer une crise qui se complique de jour en jour. Car, depuis le 11 juillet, le M5-RFP refuse toute concession en dehors de la satisfaction de son exigence de démission d'IBK, alors que la Cédéao considère cette question non-négociable et la qualifie de "ligne rouge". M. Goodluck est arrivé lundi à Bamako pour assister à la prestation de serment des neuf membres de la Cour constitutionnelle, accusée d'avoir touché aux résultats des dernières législatives pour permettre à des candidats du parti au pouvoir de gagner dans 31 circonscriptions. C'est ce qui a provoqué cette contestation qui s'est transformée en une remise en cause du régime en place. "La communauté internationale sait qu'il y a des difficultés au Mali. Nous tentons d'aider le peuple malien à les résoudre", a déclaré son envoyé spécial au Mali, l'ex-président du Nigeria, Goodluck Jonathan, lors d'une conférence de presse lundi soir à Bamako. "Il n'y a donc plus lieu d'organiser continuellement des manifestations", a dit M. Jonathan, appelant à "rester strictement dans le cadre du dialogue". Après avoir suspendu son appel à la désobéissance civile, en signe de bonne volonté pour dialoguer avec le pouvoir en place sur un mécanisme de transition politique favorable à tous (mais excluant IBK), le M5-RFP ne compte pas s'arrêter là. Fort d'une base militante soudée autour de ses leaders, en plus d'être constituée majoritairement de jeunes blasés par des années d'errances politiques, le mouvement du M5-RFP maintient donc la pression, tout en laissant une porte ouverte aux discussions, dans un contexte marqué par une dégradation inquiétante de la situation sécuritaire dans le centre et le nord du Mali, où les attaques terroristes se sont multipliées ces derniers mois. Le dernier en date remonte à la nuit de lundi à hier, durant laquelle un gendarme et un garde pénitencier ont été assassinés dans l'attaque d'une prison et d'une brigade de gendarmerie dans le centre du pays.