Ecrite dans le style cartésien du commandement, l'œuvre du triumvirat Merkal Chabane dit Amar, Aïnouche Rachid et Hamdan Ahmed est fertile en chiffres, mais aussi d'un album d'illustrations d'armements façonnés par la compétence d'armuriers de chez nous et de personnalités politiques. L'histoire de notre illustre Armée de libération nationale (ALN) s'est sanctifiée avec l'apport des mémoires écrits par un trio de compagnons d'armes et unifiés en un seul volume intitulé Les Services de la logistique de l'Armée de libération nationale (éd. Dahlab, 2020). C'est le cas de dire que l'escadron a fait bon usage d'une retraite qu'il a su fertiliser à l'écriture chiffrée d'un pan méconnu de notre histoire. Sur ce point, l'acte d'écriture du chapitre "Les services de l'armement 1954-1962" se veut l'ultime mission pour ce peloton de baroudeurs à l'automne de leurs carrières. Il s'agit de Merkal Chabane dit Amar, de Aïnouche Rachid et de Hamdan Ahmed qui ont réussi le challenge d'emboîter leur pièce au puzzle Algérie. À ce propos, l'éternel Novembre n'est pas né d'une providence, mais d'un schéma dûment pensé jusqu'à l'épineuse question de l'arsenal guerrier. "Le 1er Novembre 1954 n'est pas tombé du ciel (...) Tout est minutieusement répertorié dans cet ouvrage", a écrit l'ancien officier de l'ALN, Boudaoud Mohamed dit Si Mansour, en guise de préface. À ce propos, "l'arme était rare" et la logistique reste ce nerf de la lutte qu'il fallait trouver, selon la devise du regretté Didouche Mourad (1927-1955), dit Si Abdelkader : "Si tu as deux cartouches dans ton fusil, c'est suffisant. C'est à toi de prendre l'arme de ton ennemi !" En ce qui a trait à l'achat des armes acheminées au cœur des Aurès, cela a commencé en Libye par des membres de l'Organisation secrète. Mieux, "un premier atelier a été créé au Maroc, permettant la fabrication de bombes artisanales et de grenades qui étaient acheminées avec d'autres armes vers l'intérieur du pays", lit-on en introduction. Si tant que la dotation de notre révolution en matière d'armement obéissait à des graphes, où était inventorié et évalué l'arsenal guerrier selon des schémas établis lors du Congrès de la Soummam, le 20 août 1956 : "L'activité d'approvisionnement en armes s'est amplifiée avec la création d'un Département de l'armement et du ravitaillement général (DARG) dirigé par le colonel Amar Ouamrane (1919-1992) surnommé Bu Qqaru." De ce point de vue, "c'était la première fois que des révolutionnaires d'un pays en guerre avaient réussi cette véritable prouesse qu'est la fabrication d'armes", a ajouté le préfacier. Ecrite dans le style cartésien du commandement, l'œuvre du triumvirat d'officiers est fertile en chiffres, mais aussi d'un album d'illustrations d'armements façonnés par la compétence d'armuriers de chez nous et de personnalités politiques. À ce sujet, il y a lieu de lire Seghir Mostefaï (1926-2016) et non pas Chawki Mostefaï (1919-2016) au bas de la photo imprimée à la page 201. Autant dire que l'œuvre collective de Merkal Chabane dit Amar, de Aïnouche Rachid et de Hamdan Ahmed doit intégrer l'école, eu égard à son poids d'authenticité littéraire, puisqu'il y a dedans l'essentiel sur notre révolution. À noter que les auteurs ont étayé leur odyssée livresque par des documents d'Aït Ali Boubekeur, Les Mémoires d'un combattant du défunt Hocine Aït Ahmed et La Préparation du 1er Novembre 1954 de Mohamed Boudiaf. Louhal Nourreddine * Les Services de la logistique de l'Armée de libération nationale. Les Services de l'armement 1954-1962, éditions Dahlab, 2020, 279 pages, 1000 DA.