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LES CIBLES DES "TUEURS DE LA REPUBLIQUE"
Responsables du FLN, avocats, réseaux de soutien...
Publié dans Liberté le 03 - 10 - 2020

Une version augmentée des "Tueurs de la République" du journaliste français Vincent Nouzille livre de nouveaux détails sur les opérations de neutralisation réalisées entre 1958 et 1962. Des documents déclassifiés des services français de renseignements confirment que l'Elysée était bien à la manœuvre et élaborait elle-même la liste des personnes à abattre.
Vincent Nouzille enfonce le clou avec une version augmentée des Tueurs de la République, qui vient de paraître aux éditions Fayard. La première ayant été publiée en 2015.
Dans cet ouvrage volumineux et très fouillé, le journaliste indépendant livre plus d'informations et des documents déclassifiés sur les assassinats ciblés qui ont visé sur ordre de l'Elysée, pendant la Guerre d'Algérie, des responsables de la Révolution, des avocats et des citoyens français et européens, qui se sont rangés du côté des indépendantistes algériens, ainsi que des pourvoyeurs de fonds et d'armement au profit du FLN.
Ces meurtres exécutés par une unité spéciale des services de renseignement allaient inaugurer une série d'opérations de même type baptisées "Homo" (homicides) et organisées plus tard, sur plusieurs décennies, pour neutraliser des individus considérés par l'Etat français comme des ennemis.
Le président François Hollande a confirmé au cours de son mandat l'existence de ces opérations et a reconnu qu'il en a lui-même validé quarante. Cette révélation lui a valu une levée de boucliers de certains milieux dans l'armée qui ont défendu les assassinats ciblés, tout en estimant qu'ils doivent être gardés secrets.
En Algérie, les opérations "Homo" deviennent plus récurrentes après l'arrivée du général Charles de Gaulle au pouvoir en janvier 1959. Constantin Melnik, qui était à l'époque conseiller du Premier ministre chargé des affaires de renseignement, les qualifie d'"effroyable dérive".
Selon des chiffres fournis à Vincent Nouzille par d'anciens membres du Service de documentation extérieure et du contre-espionnage extérieur qui ont pris part aux opérations, environ 200 assassinats ont été réalisés, rien que pour la seule année 1960.
Les instigateurs des "Homo" sont Jacques Foccard, secrétaire général de l'Elysée, le monsieur France-Afrique de De Gaulle et, pour un temps, le général Maurice Challe, commandant en chef des forces armées en Algérie entre 1958 et 1960. Les deux responsables ne manquent pas d'établir eux-mêmes les listes des cibles à abattre.
Escadron de la mort
Pour exécuter les sales besognes, le pouvoir français choisit de recruter ses hommes dans le service action, plus connu sous le nom de 11e Choc, un bataillon de parachutistes du Sdece cofondé par le général Aussaresses et érigé en force spéciale avec l'objectif de mener une guérilla non conventionnelle contre le FLN et ses partisans. Le 11e Choc est déjà très bien rodé avant l'arrivée de De Gaulle au pouvoir.
Entre autres actions (destruction de postes radio, de dépôts d'armes, minage d'itinéraires, infiltration et manipulation de ralliés...), il parachute en 1956, dans les Aurès, une radio piégée qui explose quelques jours plus tard dans les mains d'un des chefs de la Révolution, Mustapha Benboulaïd, et le tue.
Avec Foccard et Challe, l'unité se transforme en escadron de la mort. "Eh bien, flinguez le sénateur", aurait ordonné le général Challe à Raymond Muelle, un des membres du 11e Choc, qui se plaignait de la protection dont bénéficiait un parlementaire musulman de la part du gouverneur d'Alger, Jacques Soustelle.
Selon Vincent Nouzille, le général Challe dresse une liste précise d'hommes à abattre hors d'Algérie, avant même d'entrer en fonction. La liste comprend une trentaine de noms dont des trafiquants d'armes allemands et suisses, des personnalités étrangères pro-FLN et des leaders algériens installés au Maroc, en Tunisie et en Allemagne.
"Les listes sont amendées au fil du temps, certains noms étaient rayés, d'autres ajoutés. Chaque cible fait l'objet d'un épais dossier de renseignement établi par le Sdece qui constitue une petite cellule ad hoc, appelée Brain Trust Action", écrit le journaliste.
Le collectif des avocats du FLN à Paris ciblé
Cité dans le livre, un des membres de la cellule, le colonel Raymond-Finville, souligne le caractère ultrasecret des opérations "Homo". "Toute communication à ce sujet doit être verbale. De même, l'ordre nous parviendra de la War Room de Matignon sous forme orale. Dans nos archives, pas une seule note d'opération, pas un seul papier ne doit faire référence sous quelque forme que ce soit, même en code, à ces arrêts de mort prononcés à huis clos par les plus hauts responsables de l'Etat", témoigne l'ancien barbouze.
Pourtant, malgré les consignes, des traces écrites subsistent. Un an après la publication de la première version des Tueurs de la République, Vincent Nouzille est mis en présence de documents rendus publics lors d'une exposition sur les services secrets dont un ordre d'exécution signé Jacques Foccard. La cible est un ressortissant allemand, Shultz-Lesum, résidant à Tétouan, au Maroc, désigné comme le chef d'une organisation de désertion de légionnaires français et qui soutient le mouvement algérien pour l'indépendance.
Une seconde archive datant aussi de 1958 dresse une liste de 9 objectifs classés en trois catégories, des trafiquants d'armes (un médecin algérien notamment, chargé par le FLN des achats d'armes au Maroc), des politiques et des français pro-FLN dont un Jacques Favrel, journaliste à Alger.
"L'existence de cette catégorie prouve que le pouvoir est prêt à enfreindre toutes les règles, y compris en assassinant des Français", souligne Vincent Nouzille.
À l'Elysée, Jacques Foccard s'érige en véritable patron occulte des services. Il est décrit par Melnik comme un "gourou", "l'âme damnée du général De Gaulle". Le puissant conseiller note le manque d'efficacité du Service action (celui-ci avait notamment raté l'assassinat d'Ahmed Ben Bella) et exige des résultats.
C'est ainsi que les attentats se multiplient. Selon Nouzille, "le 11e Choc sert de bras armé pour toutes les missions effectuées en Algérie". Des réservistes complètent le dispositif mis en place. Pour camoufler ses crimes, le Sdece les impute à une organisation secrète imaginaire, la Main rouge qui serait tenue par des colons ultra.
"Avec l'embrasement algérien, la SA étend son rayon d'action. Elle envoie toujours ses tueurs pour des missions ponctuelles en Algérie, en Tunisie et au Maroc, mais traque aussi sans relâche aux quatre coins de l'Europe, les dirigeants et les avocats du FLN, y compris des citoyens français sur le territoire national, ainsi que des marchands d'armes et des pourvoyeurs de fonds du parti indépendantiste algérien", écrit Vincent Nouzille.
L'avocat Ameziane Aït Ahcène, chef de l'antenne du FLN en Allemagne de l'Ouest, est exécuté à la mitraillette, près de la ville de Bad Godesberg en 1958. Ordre a été donné aussi de s'en prendre au collectif des avocats du FLN à Paris, dont Jacques Vergès. Me Auguste Thuverny est tué par une bombe placée dans sa voiture le 28 novembre 1958. L'avocat Amokrane Ould Aoudia connaît le même sort une année plus tard.
Des représentants du FLN en Europe sont également ciblés, en Espagne et en Belgique notamment. Le 5 juillet 1959, le négociant d'Evian, Tayeb Boulehrouf, échappe de justesse à un attentat à la voiture piégée à Rome.
Outre les liquidations physiques, le 11e Choc organise des opérations de sabotage contre des cargaisons d'armes au profit du FLN.
La machine à tuer continue à fonctionner jusqu'en 1962. À la veille de l'indépendance de l'Algérie, les services secrets français se divisent. Certains membres du Sdece prennent fait et cause pour les généraux putschistes d'Alger et pour l'OAS. Raymond Muelle avoue même avoir été chargé de tuer le général De Gaulle, accusé par les putschistes d'avoir trahi les Français d'Algérie. Il est arrêté puis relâché pour manque de preuves.

De Paris : SAMIA LOKMANE-KHELIL


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