Un appel à manifester devant le siège du Parlement tunisien, le 11 décembre, contre le discours islamiste rétrograde à l'égard des femmes a été lancé sur les réseaux sociaux, dans un contexte de grogne sociale grandissante. Des députés du bloc démocratique tabassés et des propos haineux et avilissants à l'égard de la femme tunisienne : l'Assemblée des représentants du peuple (ARP, Parlement) tunisienne est devenue une arène pour la violence physique et verbale de la coalition islamiste, dont certains parlementaires vont jusqu'à narguer le président de la République, Kaïes Saïed. Lundi, dans les couloirs du Parlement, le député Anouar Benchahed, élu du Courant démocrate, a affirmé avoir été agressé par les députés d'Al Karama, qui ont tenu aussi des propos insultants et rétrogrades envers des élues dans l'hémicycle, sans que cela suscite la réaction du président du Parlement, Rached Ghannouchi, également président du parti islamiste Ennahdha, qui détient la majorité parlementaire. "On ne peut rien dire, ni négocier, ni donner notre avis ! Les députés d'al Karama veulent que l'on se taise par leurs intimidations, et aujourd'hui ils ont dépassé toutes les limites. Le terrorisme est arrivé à l'Assemblée", a dénoncé M. Benchahed, après son agression par les élus islamistes qui ont nié en bloc toute implication dans ces violences. Sa collègue Samia Abbou affirme, elle aussi, avoir été victime de violences physique et verbale des islamistes à l'intérieur du Parlement, lors de leur accrochage avec les élus du mouvement Ettayer, pointant du doigt également Rached Ghannouchi, en guerre froide avec le président de la République qui a menacé de dissoudre l'ARP, même si la loi l'en empêche. Pour rappel, ces violences ont contraint la Commission de la femme de reporter sa réunion. Qualifiant le parti islamiste Al-Karama d'"organisation criminelle", l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a dénoncé le silence du président de l'ARP, Rachad Ghannouchi, et les agissements du parti Al Karama, contre lequel la centrale syndicale a déjà déposé plusieurs plaintes toujours pas abouties. "Le Parlement est devenu un lieu propice à la création de problèmes et à l'aggravation des crises politique, économique, sociale, voire sécuritaire", a dénoncé l'UGTT dans son communiqué lundi soir. Les partis islamistes sont devenus un véritable cheval de Troie au sein du Parlement tunisien, mais sont aussi accusés de tout bloquer, entraînant le pays vers l'inconnu, dix ans après la révolution populaire de 2010 qui a renversé l'ancien régime du défunt président Zine al-Abidine Ben Ali. Tout en affichant son rejet de toute forme de violence au Parlement, Kaïes Saïed a averti en effet qu'il ne "laissera pas la Tunisie s'effondrer", dans une vidéo diffusée par la présidence sur les réseaux sociaux. "J'adresse mes avertissements à tout le monde. Nous allons riposter, et nous sommes au courant de tout ce qui se passe, même des moindres détails", a-t-il encore dit. Mais les députés d'Al-Karama, qui ne sont pas à leur première violence verbale, ont affirmé dans une autre vidéo diffusée lundi soir qu'il ne reconnaissent carrément pas l'autorité du chef de l'Etat, se cachant derrière une immunité qui a donné lieu à tous les dérapages. De nombreux collectifs de femmes et de la société civile ont dénoncé ces violences, appelant à un rassemblement devant le siège de l'ARP pour le 11 décembre et les autorités à agir avant que cela ne soit trop tard. Car il s'agit là d'un processus de remise en cause des acquis de la révolution du Jasmin et des droits des femmes en Tunisie.