Le Liban, qui vit une triple crise sanitaire, économique et politique, frôle l'effondrement. La persistance des rivalités politiques n'ont fait qu'aggraver cette crise, qui a plongé une bonne partie de la population sous le seuil de la pauvreté. Au moins deux manifestants sont morts et plus de 300 autres ont été blessés, dont 102 jeudi seulement, durant les manifestations qui secouent de nouveau le Liban depuis lundi, selon la presse locale. Les deux victimes avaient été blessées par balles lors des affrontements qui ont opposé des manifestants à Tripoli, deuxième plus grande ville du pays, où le siège de la municipalité a été incendié et des domiciles de personnalités politiques libanaises influentes ont été attaquées dans la nuit de jeudi à hier, ajoutent les mêmes sources. Tripoli, plus grande ville du nord du Liban et la plus pauvre, avec plus de la moitié de ses habitants qui vivent sous le seuil de la pauvreté, a été au cœur des mouvements de colère fin 2019 contre la classe politique, au pouvoir depuis trente ans. Le renforcement des mesures de restrictions sanitaires, en raison de la pandémie de coronavirus, a aggravé cette situation sociale, poussant les Libanais à redescendre dans la rue pour dénoncer leurs conditions de vie difficiles et les blocages politiques que vit le pays depuis des mois. Le Liban est sans gouvernement depuis le mois d'août, après la démission du Premier ministre Hassan Diab, dans le sillage des explosions du port de Beyrouth, qui ont fait des dizaines de morts et détruit une grande partie de la capitale libanaise. Ce dernier a dénoncé les violences de jeudi à Tripoli, accusant indirectement des parties cherchant à nuire à cette ville et à sa réputation. "Les messages de condamnation ne suffisent pas à compenser le prix élevé que Tripoli a payé en étant exploité pour délivrer des messages politiques enflammés", a-t-il affirmé dans son message, relayé par l'agence de presse officielle NNA. Son successeur, Saâd Hariri, a abondé dans le même sens, en affirmant que "ce qui s'est passé à Tripoli cette nuit est un crime organisé", accusant les services de sécurité, sans les citer, d'avoir laissé la situation dégénérer en saccages des biens publics et privés. "S'il y a un plan pour que l'extrémisme s'infiltre dans la ville, qui est en train de lui ouvrir les portes ? Comment l'Etat peut-il permettre cela dans l'une des pires et des plus dangereuses étapes de l'histoire du Liban ? Tripoli ne tombera pas entre les mains des instigateurs. Son peuple la protégera, espérons-le", s'est interrogé. En recevant hier la ministre de la Défense sortante Zeïna Akar, le président libanais, Michel Aoun, a exigé l'ouverture d'une enquête sur ce qui s'est passé à Tripoli, demandant "la traduction en justice des vandales qui se sont glissés dans les rangs des manifestants pacifiques et qui ont incendié les propriétés publiques et privées", a rapporté encore NNA. Si des parties inconnues portent la responsabilité de ces dérapages, il n'en demeure pas moins que la situation que vit le Liban exige des actions concrètes de la classe dirigeante, accusée d'incompétence et de corruption par une rue loin de se calmer et de croire aux promesses de jours meilleurs du régime en place. Lyès Menacer