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"Le procureur est obligé d'ouvrir une information judiciaire"
Me Hakim Saheb revient sur le procès du jeune Walid Nekkiche
Publié dans Liberté le 03 - 02 - 2021

"Ce qui a prédominé hier, lors du procès, était un double sentiment de révolte et de vive émotion du collectif de défense lorsque le prévenu a révélé d'une façon ferme les sévices et les traitements subis."
Liberté : Walid Nekkiche était-il victime d'une affaire montée de toutes pièces au regard du réquisitoire puis du verdict ?
Me Hakim Saheb : À l'évidence, ce procès nous renvoie à son contexte puisque l'arrestation de Walid Nekkiche a eu lieu le 26 novembre 2019, soit à une douzaine de jours de l'élection présidentielle organisée par le pouvoir politique dont le souci, à l'époque, n'était autre que la perpétuation du régime politique au détriment des aspirations massive des Algériens à plus de démocratie, de liberté et de respect de la dignité. Le seul souci du pouvoir était d'organiser une parodie d'élection présidentielle contre la volonté du peuple algérien qui l'avait d'ailleurs boycottée et, d'évidence, nous étions dans ce que nous appelions, quant à la dynamique des pays de l'Est, une machine à fabriquer des procès pour étouffer toute velléité de quête de liberté et d'expression libre. Et justement, l'arrestation de Walid Nekkiche s'inscrivait dans cette optique : il était prisonnier de l'entêtement du pouvoir de l'époque à tenir coûte que coûte une élection présidentielle rejetée massivement par le peuple algérien. Autrement, on était devant un dossier préfabriqué qui ne résiste pas à l'épreuve des faits, ni même du droit.
Nekkiche a été victime d'un hold-up juridique officiel où on ne retrouve aucune trace d'une quelconque réquisition du procureur de la République du 26 novembre, date de la marche organisée par les étudiants à Alger, au 2 décembre, soit durant les six jours où ce jeune a disparu. Il s'agit d'une arrestation extra-judiciaire à base d'accusations préfabriquées. Il faut rappeler que les débats durant le conseil d'hier, ont montré que le dossier ne repose sur aucun fait matériellement établi. Bien au contraire, tout le dossier et toutes les accusations importantes, puisque liées aux atteintes à la défense nationale et à l'intégrité du territoire national, telles que "attentat", "complot" et autres infractions, ne reposent sur aucun fait matériellement établi. Dans ce procès il y a eu des non-dits : on voulait à travers la personne d'un jeune étudiant, sans ressources, issu d'une famille rurale modeste, intenter un procès en sorcellerie contre le "MAK" sans engager un véritable débat sur les questions sociétales. Et l'élément récurrent qui revient dans l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction de Bab El-Oued et de l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'Alger était d'une insoutenable légèreté et repose sur les aveux du jeune, et selon ce prévenu, ce sont des aveux qui ont été arrachés à l'issue de longues souffrances physiques et mentales et qui ont été intentionnellement et volontairement infligées.
Justement, l'opinion publique a découvert, consternée, que Walid Nekkiche a fait l'objet de torture. Qu'est ce qu'envisage la défense à ce sujet ?
En effet, au-delà du préjudice matériel lié, entre autres, au fait qu'il n'a pas pu poursuivre ses études durant ces 15 mois, il faut souligner, et d'ailleurs l'omerta a été levée hier en pleine audience, qu'il y a eu aussi préjudice moral du fait qu'il a subi des sévices sexuels, il a été souillé dans son intimité et sa dignité, paradoxalement, au mépris de tout entendement humain et des textes de lois de la République algérienne. Il a révélé avoir été, durant les six jours de son arrestation, faut-il insister, extra-judiciaire car n'obéissant à aucune instruction émanant du ministère public, torturé et avoir fait l'objet des pires sévices moraux, physiques et sexuels. Cela tout en sachant que le droit pénal algérien, dans son article 263 bis, condamne toute personne qui exerce, provoque ou ordonne un acte de torture sur une autre personne, de 5 ans à 10 ans de réclusion et d'une amende de 100 000 DA à 1 million de dinars.
Et l'article 263 condamne tout fonctionnaire qui exerce, provoque ou ordonne l'exercice d'un acte de torture aux fins d'obtenir des renseignements ou des aveux ou pour tout autre motif de 10 à 20 ans de réclusion et d'une amende de 150 000 DA à 1,6 million de dinars. Et en plus de ces articles du code pénal, l'Algérie a eu à ratifier, en 1984, la convention internationale contre la torture ainsi qu'en mai 1989, une autre convention internationale relative au traitement inhumain dégradant à l'encontre de toute personne humaine et ces conventions ont valeur supérieure à la loi nationale. Selon la convention internationale de 1984, le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infligées aux fins notamment d'obtenir des renseignements ou des aveux, de punir ou d'intimider une personne. Une définition que l'article 263 bis du code pénal algérien reprend d'ailleurs intégralement.
Peut-on comprendre que la défense entreprendra les démarches nécessaires pour réclamer que les auteurs de cette torture soient punis ?
Sur cette question, notre consœur Me Nacéra Haddouche a eu déjà à déposer une plainte auprès du procureur général de la cour d'Alger en juin 2020 sur les traitements inhumains subis par le prévenu Walid Nekkiche, et qui est restée sans suite. Elle a eu également à déposer auprès du juge d'instruction de Bab El-Oued la demande de la désignation d'un médecin aux fins d'effectuer une expertise médicale, physique et psychologique, pour relever la véracité de ces faits que Walid Nekkiche avait révélé au lendemain de son incarcération. Une demande d'expertise médicale à laquelle on avait opposé un refus net du juge d'instruction, considérant abusivement qu'elle n'avait aucune relation avec les chefs d'inculpation et les accusations évoquées. Or, le procureur de la République est légalement obligé d'ouvrir une information judiciaire dès qu'une victime révèle avoir fait l'objet de torture. Paradoxalement, au lieu d'aller dans le sens de cette obligation et de la Convention internationale ratifiée par l'Algérie, nous avons vu que ce représentant de l'ordre public a plutôt requis la réclusion à perpétuité contre cette victime que je dirais "institutionnelle".
Peut-on savoir comment les révélations sur ce traitement inhumain dont a été victime Walid Nekkiche ont été accueillies dans la salle d'audience ?
Globalement, ce qui a prédominé hier, lors du procès, était un double sentiment de révolte et de vive émotion du collectif de défense lorsque le prévenu a révélé d'une façon ferme les sévices et les traitements subis en disant que tout ce qu'il a avoué s'est fait sous la torture. Et là, la question que je me pose en tant que citoyen algérien car elle interpelle avant tout ma conscience humaine et de défenseur des droits de l'Homme est : comment se fait-il que la torture pratiquée durant la période coloniale par les forces coloniales dans des proportions dangereuses contre les populations algériennes, en général, et tous les militants nationalistes, en particulier, continue d'être pratiquée encore aujourd'hui. Nous avons été naïfs de croire qu'au lendemain de l'indépendance, l'Algérie officielle allait rompre avec ces pratiques honteuses, inhumaines et indignes, notamment après les cris de révolte et du cœur, entre autres, de la Gangrène de Bachir Boumaza, mais nous avions très vite déchanté, parce qu'en plus de l'exclusion de la marginalisation des pères fondateurs de la Révolution, il y a d'autres tortures qui ont été pratiquées sur d'autres patriotes, tels que Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Krim Belkacem, puis Bachir Hadj Ali, torturé jusqu'à le rendre presque aphasique et qui a une œuvre majeure : L'arbitraire, une poésie qui explicite, on ne peut mieux, la déchéance humaine des bourreaux. Nous avons cru que cela était fini dans l'Algérie post-indépendance, hélas, puisque je dois aussi rappeler les cris du cœur des militants du mouvement culturaliste berbère et du combat démocratique qui ont fait l'objet dans les années 80 de sévices de la part des forces de l'ordre, et je pense plus particulièrement au témoignage d'Arezki Abbout sur 1980 et les conditions d'incarcération de sa personne et de ses camarades. Je pense aussi au Procès des hommes libres d'Arezki Aït Larbi qui a été injustement incarcéré pour avoir été membre fondateur de la première Ligue algérienne des droits de l'Homme et la première Association des fils de chahids. Hélas et mille fois hélas, cette pratique continue et ne cesse de se généraliser, mais aussi d'interpeller la conscience humaine quand bien même l'Algérie aurait été l'un des rares pays africains à ratifier la convention onusienne contre la torture.
Peut-on parler d'un acharnement judiciaire ?
C'est plus qu'un acharnement ! Cette situation nous enseigne que le pouvoir algérien est un mauvais élève qui ne retient nullement les enseignements de l'histoire. Au lieu d'investir dans cette jeunesse en lui ouvrant des pistes pour qu'elle soit partie prenante du destin national, on continue de fonctionner avec les vieilles méthodes, telles que l'intimidation, la répression et tout ce qui peut annihiler toute velléité d'expression démocratique et d'expression libre. Pis encore, on continue à user de la notion d'atteinte à la souveraineté et de l'unité nationale, alors que justement, les véritables personnes qui menacent aujourd'hui l'intégrité et l'unité nationale sont les auteurs de la dilapidation des ressources nationales. Donc continuer à user de cette notion est plus qu'un procédé injuste et abusif pour instrumentaliser le droit, mais il ajoute une sanction de parti pris politique à une situation peu reluisante et même dramatique. Ce procès est l'expression d'un malaise institutionnel. Il nous renseigne combien la déliquescence de nos institutions se confond avec une régression éthique et morale de ceux qui sont à la tête d'institutions aussi majeures et aussi importantes pour le bon fonctionnement et la régulation des rapports sociaux dans notre pays. Comme le disait le digne fils de notre pays, saint Augustin : "Les royaumes sans la justice ne sont que des entreprises de brigandage."
Entretien réalisé par : Samir LESLOUS


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