Liberté : Comment lisez-vous cette reprise du Hirak avec cette forte mobilisation, cela était-il prévisible ? Louisa Dris-Aït Hamadouche : Pour moi, il n'y a pas de reprise du Hirak, parce que le Hirak ne s'est pas arrêté. Seules les manifestations ont été interrompues en raison de la crise sanitaire. Le reste des activités et des actions liées au soulèvement populaire s'est poursuivi par d'autres moyens. Elles se sont poursuivies sur les réseaux sociaux, les réseaux de solidarité pendant la crise de la Covid-19, à travers le soutien aux détenus politiques et d'opinon, à travers les initiatives qui sont apparues ces derniers mois. Aujourd'hui, on observe des manifestations populaires, le jour symbolique de la date-anniversaire du déclenchement du Hirak. Ce qui est important à travers ces manifestations et toutes ces activités au sein du Hirak depuis février 2019, c'est effectivement cette revendication qui reste constante, à savoir l'amorce d'une transition démocratique ordonnée, qui aboutisse à un vrai changement, dans la préservation des institutions de l'Etat et de façon pacifique. De ce point de vue-là, le Hirak n'a pas changé d'un iota. Les mobilisations du 22 février sont-elles un prélude à la reprise des traditionnelles manifestations du vendredi ? C'est très difficile à dire. Mais ce qui me semble important, c'est que ces manifestations ont montré de façon visible, pacifique et civilisée que les revendications du Hirak n'ont pas changé. Donc, pour moi, que les manifestations du vendredi reprennent ou pas, l'essentiel est de dire que toutes les mesures, toute la politique poursuivie depuis décembre 2019 n'ont absolument pas répondu aux aspirations du soulèvement populaire et qu'elles restent, deux ans après, aussi fortes qu'auparavant. Quelles leçons peut-on tirer des marches qui ont eu lieu partout dans le pays ? Contrairement à ceux qui pensaient qu'il avait pour but d'empêcher un cinquième mandat, il considère que changer de président, dans les mêmes conditions et selon les mêmes procédures, n'est pas acceptable. Le Hirak a une vision beaucoup plus globale, beaucoup plus profonde du changement politique. Le Hirak veut une véritable transition démocratique. C'est ça le message des marches du deuxième anniversaire du mouvement. Pensez-vous que ces fortes manifestations qui ont eu lieu à travers le pays vont influer sur les choix politiques du pouvoir ? Le dispositif mobilisé pour empêcher les manifestations est une preuve que les autorités voulaient absolument les empêcher. Or, cela n'a pas été possible dans la capitale et les autres wilayas. Mais surtout dans la capitale, c'est très symbolique. Le fait que ces manifestations se déroulent de manière pacifique montre qu'effectivement, elles étaient une source de pression supplémentaire. Cela devrait montrer aux autorités politiques que les choix qui sont faits depuis décembre 2019 ne peuvent, en aucun cas, résoudre la crise politique profonde que vit notre pays.