Depuis deux jours, des dizaines de citoyens, munis de bouteilles d'oxygène vides, font le pied de grue devant l'unité de stockage Aurès Gaz sise dans la zone industrielle de Hassi Ameur, à une vingtaine de kilomètres au sud-est d'Oran. "Je suis là depuis avant-hier et, comme vous le voyez, le portail est fermé et on ne sait pas si on aura de l'oxygène aujourd'hui ou demain. L'agent de sécurité reste évasif et il n'y a pas d'autre interlocuteur. C'est vraiment l'anarchie !", s'insurge un quadragénaire dont le père, contaminé par le coronavirus, est dans le besoin urgent d'une oxygénothérapie. Assis à l'abri du soleil, tout au long du mur d'enceinte de l'unité de stockage, bouteilles d'eau à portée de main, ces hommes venus de Tlemcen, de Mostaganem, d'Aïn Témouchent, de Relizane ou de Mascara attendent impatiemment de pouvoir repartir chez eux avec le précieux produit. "Hier, un habitant de Tlemcen qui attendait avec nous est reparti en pleurs. Un coup de téléphone lui a appris que sa mère avait succombé", continue notre interlocuteur qui n'est pas tendre avec des "autorités incompétentes" qui "ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités". D'autres sources d'approvisionnement ? "Il y a bien une autre unité de stockage à 300 mètres, mais il n'y a pas d'oxygène, là-bas non plus. Il paraît qu'ils attendent des instructions du wali", jette un trentenaire, assis à côté de deux bonbonnes d'oxygène. Selon un responsable de l'unité Aurès Gaz joint par téléphone, la distribution d'oxygène est, en effet, gérée par la wilaya depuis l'installation d'une cellule de crise régionale le 28 juillet dernier. "Nous ne pouvons plus vendre d'oxygène sans l'autorisation spéciale de la wilaya. C'est, désormais, la cellule de crise qui élabore les schémas de distribution d'oxygène à travers les 15 wilayas de l'Ouest, selon les besoins exprimés. D'ailleurs, nous avons été destinataires d'une notification nous interdisant de vendre de l'oxygène sans l'aval de la wilaya", indique notre interlocuteur en évacuant toute forme de responsabilité de son entreprise dans la "pénurie" d'oxygène qui frappe la population : "Notre logistique est à la disposition de la wilaya. Nous attendons que les autorités fixent la quantité qui nous revient et désignent leur destination. Notre rôle est de convertir l'oxygène liquide en gaz et de l'acheminer vers les centres hospitaliers", conclut le responsable. Quant aux particuliers qui souhaitent acquérir des bouteilles, ils devront se rendre dans les points de vente de Linde Gaz qui met en vente quotidiennement 6 000 litres répartis sur Oran et Sidi Bel-Abbès, indique la même source. Il n'est, cependant, pas impossible qu'Aurès Gaz reprenne la transformation de l'oxygène liquide en gaz pour pouvoir répondre aux besoins aussi grandissants qu'urgents de malades soignés à domicile. Rappelons que ces dispositions interviennent au lendemain de l'installation par le ministère de l'Industrie pharmaceutique du comité de veille et de suivi de la disponibilité de l'oxygène médical et l'approvisionnement des établissements hospitaliers. Le 28 juillet, pour rappel, une réunion avait regroupé l'Industrie pharmaceutique, les ministères de l'Intérieur et de la Santé à des représentants de cinq producteurs d'oxygène médical : Linde Gas, Calgaz, Sidal, Ryanox et Aures Gaz. L'objectif étant de mettre en place un plan d'action pour l'approvisionnement des établissements hospitaliers en oxygène. Selon les chiffres rendus publics, l'Algérie produit actuellement 430 000 litres d'oxygène liquide, soit 400 millions de litres gazeux. La région de l'Ouest bénéficierait, elle, d'un peu plus de 70 000 litres liquides qui doivent être distribués aux établissements hospitaliers des 15 wilayas. Une quantité qui est loin de suffire vu les protestations de colère enregistrées dans plusieurs hôpitaux.