Attendu depuis des mois, l'instant est enfin arrivé. Et cet instant-là, c'est la visite d'Etat de Jacques Chirac en Algérie. Des deux côtés de la Méditerranée, l'événement ne laisse pas indifférent. Il emballe Algériens et Français, médias et opinions publiques. Mais de toute évidence, c'est du côté d'Alger que l'on attend tout de ce moment, à tel point que l'on est même prêt à donner des airs “messianiques” à ce pèlerinage de Jacques Chirac. L'événement exceptionnel, il est vrai, prend ainsi toute sa place dans la presse de l'Hexagone. A commencer par le quotidien Le Monde qui, même ébranlé par la publication récente d'un livre-réquisitoire contre ses dirigeants, ne laisse pas passer l'“instant” franco-algérien. Dans sa livraison d'hier, Le Monde trace l'itinéraire du séjour de Chirac en Algérie et replace la visite dans son contexte politico-historique. “Accueil exceptionnel dès l'aéroport, marée humaine dans les rues d'Alger, puis d'Oran. La visite de Jacques Chirac en Algérie — la première d'un président français depuis l'Indépendance de ce pays — promet d'être spectaculaire. Les autorités algériennes ont tout fait pour cela, acceptant d'avance, et de bonne grâce, que fusent des Chirac président quand le chef de l'Etat français prendra ses bains de foule. Car la popularité de Jacques Chirac est telle, à l'heure actuelle en Algérie, que Abdelaziz Bouteflika risque fort, durant les trois jours de cette visite, de devoir tenir le rôle de figurant”, écrit, à juste titre, Le Monde. Quant au contexte, c'est “dans un esprit de refondation que M. Chirac effectue ce déplacement”, ajoute encore le quotidien qui approuve que “désormais, une fois par an, un sommet réunira les deux chefs d'Etat. Les ministres des Affaires étrangères feront de même, au rythme de deux rencontres par an”. Et c'est l'Algérie qui “devient donc un partenaire traité par Paris sur un pied d'égalité que plusieurs pays de l'UE ou… le Maroc, l'allié prévilégié de la France dans la région…”. Le quotidien révèle que Chirac compte, à travers ses activités, délivrer des messages ciblés. D'abord devant les deux Chambres du Parlement, demain où “il évoquera les destinées communes de la France et de son ancienne colonie. Il fera l'éloge de la démocratie et plaidera en faveur des difficiles réformes économiques en cours en Algérie”. A Oran, mardi, “c'est à la jeunesse que le président français s'adressera”. Contre les tenants du “choc des civilisations, il célébrera le dialogue, devant des étudiants réunis à l'université”. Préparatifs côté algérien, Le Monde écrit “depuis plusieurs jours, la capitale algérienne, que de fortes pluies ont transformée en pateaugeoire, est quadrillée par les forces de sécurité. Toutes les habitations situées dans les quartiers où le président français ira à la rencontre de la foule ont été soigneusement inspectées. La quasi-totalité des vieux immeubles coloniaux du Front-de-mer ont, par ailleurs, été rafraîchis jusqu'à la dernière minute, à grands coups de peinture blanche, sous l'œil ironique des Algérois...” Selon Le Monde, l'heure sera “à la politique, pas à l'économie et la signature de gros contrats...” De son côté, le quotidien Le Figaro évoque la visite de Chirac sous tous ses aspects, politiques, économiques mais aussi symboliques. Et la symbolique sera “la remise par Jacques Chirac à Abdelaziz Bouteflika du sceau du dey d'Alger. Ce pendentif en argent, orné de versets coraniques, fut remis le 5 juillet 1830 au maréchal De Bourmont, qui commandait le corps expéditionnaire français, lors de la reddition du dey”. Le Figaro évoque aussi “l'exceptionnelle dimension bilatérale de l'événement” et cite la porte-parole de l'Elysée, Catherine Colonna qui, tout en faisant un parallèle avec ce qui a été fait avec les Allemands, estime que “bien que la relation franco-algérienne n'ait guère de rapport culturellement ou historiquement, avec la relation franco-allemande, elles se rejoignent sur un point essentiel, la volonté de surmonter le passé sans l'oublier et de se tourner vers l'avenir...” Le quotidien souligne aussi l'arrière-plan diplomatique de la visite de Chirac. “La crise irakienne donne à la visite de Jacques Chirac un arrière-plan diplomatique qui devrait permettre au président de la République de délivrer un message international, en mettant, à nouveau, l'accent sur ses positions contre la guerre et pour un monde multipolaire”. De son côté, le quotidien Libération, en reprenant les dépêches d'agences, souligne la volonté du président Chirac de vouloir “aller de l'avant, sans oublier le passé”. Le différend des autorités algériennes avec Air France est évoqué avec l'espoir que “les discussions entre Air France et les autorités algériennes pourraient aboutir rapidement à la reprise des liaisons avec l'Algérie”. Par ailleurs, le quotidien Le Parisien continue, de son côté, sa série spécial Algérie. Dans sa livraison d'hier, il publie un reportage consacré à la jeunesse algérienne dans lequel il évoque les frustrations des jeunes à Bab El-Oued. “Exceptionnelle !”, tel est le qualificatif des médias français à propos de la visite de Jacques Chirac en Algérie. Un Jacques Chirac qui découvrira, à partir de demain, un pays ravagé par quarante années d'injustice et de despotisme, de corruption et de mensonge. La France est l'antidote aujourd'hui... tant le pouvoir algérien en mal de tout, voit dans cette visite de M. Chirac son unique salut. H. B. Canal+ décrypte l'Algérie Le magazine “90 minutes” de Canal + consacre son édition du lundi 3 mars à l'Algérie. Quatre reportages seront diffusés dans ce magazine dirigé par Paul Moreira. Le 1er reportage sera consacré aux conditions d'implantation du groupe Daewoo en 1986. Selon Abdelhamid Brahimi, Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac lui-même aurait aidé Daewoo à s'implanter en Algérie en contrepartie du financement du RPR. Le second reportage “La corruption au quotidien”, évoque le financement des logements sociaux. Le 3e volet du magazine a pour thème le milliardaire Khalifa. L'émission s'achève sur un reportage consacré aux suicides dans les prisons algériennes. Lundi 3 mars, à 21 heures. R. N.