L'opération de contrôle technique prend des allures de campagne. Un peu comme si le pays devait, dans l'urgence, annihiler un mal dont il vient de découvrir l'existence, les différentes générations de véhicules se télescopent devant le scanner. Non seulement, on impose le contrôle que tout le monde fait depuis des décennies, mais on va faire mieux : on va diagnostiquer même les véhicules neufs. Il paraît qu'en matière de mécanique, l'invalidité n'a pas d'âge. Les autorités ne tiennent pas compte de leur propre incapacité technique à tester le parc automobile national tout entier. Pas moyen pour le citoyen de satisfaire aux exigences réglementaires dans la commodité. Il faut qu'il paie de sa personne pour compenser la précipitation, l'insuffisance ou la désorganisation des mesures qu'on prend à son intention. “Au besoin, les délais seront prolongés”, a déclaré le directeur général de l'Entreprise de contrôle technique, Enacta. Le ministre des Transports a repris le même argument supposé rassurer les usagers. On pousse un maximum d'automobilistes devant les portes des agences de contrôle ; ils s'y bousculent comme ils peuvent, y passent la nuit parfois et si le délai reste insuffisant, on le prolonge. Un peu comme on essaie un pyjama de plus en plus grand. Le procédé dispense de la prévision. Avec un parc de près de quatre millions de véhicules, l'encombrement devant un entonnoir de cent-quatorze agences agréées était pourtant peut-être prévisible. Pour y ajouter déjà les voitures neuves, il fallait rechercher l'étouffement du dispositif, manifestement insuffisant. Pourquoi, au lieu d'instituer un contrôle préalable à la mise en circulation, est-ce à l'acquéreur de prendre en charge les vérifications des normes techniques exigées par la réglementation nationale au moment où il achète son véhicule. Comme tout autre produit, la voiture ne doit-elle pas parvenir au client avec la garantie de conformité ? Au demeurant, si le véhicule neuf est sujet à expertise, l'argument de la lutte contre les risques d'imperfection technique qui a justifié l'interdiction d'importation des véhicules d'occasion s'effondre : la nouveauté d'un véhicule n'est donc pas, non plus, une garantie de parfait état. Après la suspicion jetée par le ministre de la Santé sur la qualité des médicaments produits ou importés, c'est donc la tutelle des Transports qui refuse de parier sur la sécurité des véhicules neufs mis sur le marché national. Au bon vieux temps du “bon” Sonacome, le véhicule était un privilège de catégories sociales et professionnelles. Depuis, par la multiplication des constructeurs et l'avènement du crédit-véhicule, la voiture s'est démocratisée, y compris dans ses gadgets. On est loin de l'époque où l'allume-cigare ou le repose-tête constituaient des options. Peut-être doit-on justement cette démocratie automobile à une moindre attention dans le montage, délocalisé et automatisé. C'est peut-être là qu'il faudrait engager les autorités techniques et commerciales : dans une vigilance préventive envers les produits proposés au consommateur. Sinon, comme cela semble se passer, le peu de confort auquel il accède est contrebalancé par les tracas et les frais qui l'accompagnent. M. H. [email protected]