Nous brandissons le fait que “cinq Algériens suspectés de terrorisme acceptent d'être extradés” comme un motif de fierté. Pour une fois que des jeunes quittent Londres en lui préférant leur coin d'Algérie ! C'est dommage tout de même qu'il n'y ait plus que les terroristes, réels, présumés ou potentiels, pour se sentir “ici mieux que là-bas”, comme dit la chanson populaire. Car au moment où la presse sème la bonne nouvelle de ce choix patriotique, elle nous apprend (El Watan d'hier) que, la veille de l'Aïd, une dizaine d'embarcations, avec à leur bord des pêcheurs et leurs clandestins passagers, avaient quitté Sidi Salem, dans la région de Annaba, pour tenter la traversée vers les côtes italiennes et que, quelques jours plus tard, sept jeunes d'El-Kala avaient mis pied à terre en Sardaigne. À l'Ouest, le rivage de la wilaya de Aïn Témouchent seul a été le théâtre de quarante-trois affaires d'émigration clandestine. Hier, à l'occasion du 1er Salon national de l'emploi, il était question d'un taux de chômage de 15%. Un taux trop élevé au regard des ressources actuelles, mais qui a sérieusement décru au regard de ce qu'il était il y a quelques années. Mais, il faudrait peut-être autre chose que cette prospérité statistique qui amplifie l'investissement et dégrossit le taux de chômage sans réduire le désespoir. Il y a comme une obsession politicienne qui fait de l'économique et du social un terrain d'appui au discours politique. Nécessairement apologétique, celui-ci se détache de la réalité et installe les autorités dans une vie socioéconomique parallèle, où il n'est question que de programmes, de délais, d'emplois et de logements quantifiés dans des rapports de circonstance. Jusqu'ici relativement épargnés par l'appel du large qui pousse des vagues de jeunes Africains vers d'hypothétiques eldorados, les Algériens succombent aujourd'hui, de plus en plus nombreux, à la tentation de l'émigration clandestine, avec son cortège de drames et d'humiliations. Il fallait que l'horizon fût à ce point bouché pour beaucoup d'adolescents pour qu'ils se rabattent, au risque de leur vie, sur celui, défendu et hasardeux, de la Méditerranée. Pendant ce temps-là, le pouvoir s'attache soigneusement à régler le moindre centime qui “revient”, d'après les textes d'application de la loi sur la concorde civile, à des repentis qui ne connaissent du repentir que les indemnités. Et s'occupe à montrer, avec force arguments budgétaires, qu'Alger est bien une capitale culturelle arabe. Le genre de réalisations qui, contrairement aux projets porteurs d'emplois, semblent épargnées par les désagréments bureaucratiques. La notion “harraga” a fini par renvoyer à une catégorie d'adolescents gâtés qui succombent au vertige du vide. Galvaudée et frappée d'une insinuation condescendante et amusée, elle finit par être désarmée de son côté tragique. Une notion désincarnée qui ne serait que l'expression d'une réalité de malvie de notre jeunesse. Les “harragas” ne sont que ceux, parmi nos enfants, malgré la “paix”, les programmes et les statistiques, nous avons désespérés. Ceux d'entre eux qui y laissent leur vie ou leur dignité constituent les coûts humains de nos choix politiques. M. H. [email protected]