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En 24 heures, tout s'effondre
Les six derniers jours de bagdad (VII ET FIN)
Publié dans Liberté le 21 - 04 - 2003

Lundi 7 avril. 19e jour de la guerre. Depuis 6h du matin, Bagdad subit de terribles bombardements. Du balcon de l'hôtel où nous résidons, nous voyons des bâtiments en feu, nous entendons de violentes déflagrations, des salves de tirs de la DCA irakienne, des rafales de kalachnikovs. Les affrontements sont très rudes. Une brume noire recouvre la ville. Des colonnes de fumée s'échappent d'un peu partout. Les explosions sont toutes proches. Bagdad est encerclée. Le Tigre n'est plus qu'un fleuve sans vie. C'est terrible ! C'est terrible !
Nous sommes en train d'assister en direct à la prise de Bagdad. Nous voyons des soldats irakiens courir tout le long de l'autre rive. Les Américains ont investi les palais de Saddam dans la région d'Al-Karkh. Les colonies des marines s'apprêtent à donner l'assaut final. Nous avons ce fort pressentiment que les choses vont basculer d'un moment à l'autre.
10h passées. Essahaf fait irruption dans le hall de l'hôtel Palestine. L'heure est grave. il improvise un point de presse sur la terrasse de l'hôtel où les chaînes de télévision ont installé leurs tentes et leurs caméras. En sourdine, de violents combats font rage. Sur fond d'échanges de tirs très nourris, Essahaf maintient que Bagdad résiste. “Bagdad est sécurisée, Bagdad est grandiose. Et les Irakiens sont des héros !” entonne le porte-parole du gouvernement irakien dans une ultime tentative d'aiguillonner le moral des troupes.
Essahaf s'en prend violemment à la chaîne arabe El-Djazira. La chaîne s'est rendue coupable, selon lui, d'avoir dit que les Américains contrôlent d'importantes infrastructures au centre de Bagdad. “Toute la ville est armée. Tous les habitants de Bagdad sont mobilisés. Les Américains ne contrôlent que du vent. Je vous organiserai une tournée à travers ces points soi-disant tombés et vous verrez de vos propres yeux”, promet-il. Un journaliste lui pose la question de savoir si les Nations unies pouvaient encore jouer un quelconque rôle. Essahaf lâche une énormité : “L'ONU n'est plus qu'une maison close !” répond-il d'une cinglante réplique.
11h. Les journalistes sont priés de rejoindre les bus. Le but de la tournée est de prouver que les chars américains ne sont pas au centre-ville. Nous avançons prudemment au milieu d'un épais nuage de fumée et de gravats quand, soudain, en nous engageant dans le quartier d'El-Yarmouk, nous nous voyons pris au beau milieu d'une rafale. Les journalistes baissent la tête par réflexe. Le chauffeur de l'autobus accélère pour nous ramener en urgence à l'hôtel.
Les responsables de l'information irakiens sont très nerveux. Ils ont de plus en plus de difficulté à encadrer les journalistes. Tôt le matin, deux cameramen se sont vu saisir leur matériel. Ils ont filmé des éléments de la garde républicaine en fuite de l'autre côté du Tigre, pendant que les Américains pilonnaient leurs positions autour d'un des palais présidentiels, produisant un boucan infernal. Un autre journaliste se voit saisir son caméscope au moment où il tentait de “voler” quelques plans à partir de l'autobus.
Un moment plus tard, un cortège de voitures fait une entrée tonitruante dans le parking de l'hôtel Palestine à grands coups de klaxon, et en poussant des cris victorieux accompagnés de tirs en l'air. Un vieux policier monte sur le toit de la voiture et lâche furieusement en brandissant son PA : “Nous leur avons donné une bonne leçon. Nous les avons massacrés. Nous ne nous plierons pas !” Un jeune milicien renchérit : “Nous les avons égorgés jusqu'au dernier, comme des moutons. Eux, ils avaient des gilets par balles. Nous, nous les avons affrontés torse nu. Nos gilets sont dans nos cœurs !” La veille au soir, même manège. Des cortèges de camions militaires défilaient devant les caméras pour annoncer que l'attaque contre l'aéroport avait été repoussée. Nous sommes dans une totale confusion. Nous ne savons plus qui croire. La nuit tombée, nous faisons une ronde autour de Sahate El-Firdaws en nous demandant combien de temps encore cette statue de Saddam tiendra-t-elle. A un moment donné, un moineau est venu se poser sur la tête de la statue du dictateur.
Mardi 8 avril. 20e jour de la guerre. Depuis 7h du matin, un chasseur américain sème la terreur dans le ciel de Bagdad. C'est pratiquement la première fois depuis notre arrivée à Bagdad que nous voyons l'aviation américaine à l'œuvre. Bientôt, un deuxième appareil va se joindre à ce F16. Les deux chasseurs vont s'acharner contre les bâtiments qui longent Le Tigre. La rumeur court que Saddam, entouré de ses fils, Qoussaï et Oudaï, a convoqué un conseil de guerre qu'il tiendrait dans le palais d'en face, El-Qasr El-Djoumhouri. Les avions font des loopings avant de piquer en lâchant des bouquets de “roquettes intelligentes” qui s'abattent, sous nos yeux, sur les bâtiments ciblés. Un bruit de tonnerre emplit le ciel. Des étincelles rougeâtres éclatent çà et là. L'opération “choc et stupeur” est à son paroxysme.
Tous les journalistes, le personnel humanitaire, les boucliers humains, les responsables irakiens de l'information, pêle-mêle, se sont regroupés au bas de l'hôtel et suivent les mouvements furtifs des F16 et autres F18 américains. Les cameramen ne ratent rien.
Pendant ce temps, nous préparons nos sacs pour partir. Etant dans l'impossibilité de communiquer avec notre rédaction faute d'un téléphone satellite (même le Thuraya est interdit en Irak), nous prenons la décision d'aller à Mossoul avec l'espoir de trouver un téléphone qui fonctionne dans le Kurdistan irakien. Nos confrères nous dissuadent de quitter l'hôtel Palestine, le site le plus sécurisé de Bagdad (à telle enseigne que plusieurs officiels y ont installé leurs familles pour les mettre à l'abri). Notre décision était prise : nous devions nous mouvoir pour pouvoir témoigner de ce que nous avions vu. Un journaliste interdit, c'est comme un soldat sans fusil. Et puis, nous voulions voir ce qui se passait dans d'autres régions d'Irak. Le taxi qui nous emmène à la rue El-Khalidj, dans Bagdad El-Djadida se fraye, pour ainsi dire, un chemin entre les bombes. De même que toutes les vitres de notre chambre manquaient d'exploser tant les déflagrations étaient fortes et la voiture vibrait sous le choc des détonations.
Nous n'étions guère certains de trouver un bus en direction de Mossoul. Aussi, quelle ne fut notre surprise lorsque nous avons trouvé un autocar, comme s'il nous attendait. Il faut noter que les mouvements de populations ont été tout de même assez importants à l'intérieur de l'Irak. Les familles qui ont un pied à terre dans des régions plus sûres n'hésitent pas à y aller pour fuir l'enfer de Bagdad. C'est le cas de ces familles qui quittaient la capitale en larmes pour chercher refuge dans le nord.
Sur la route de Mossoul
400 km séparent Bagdad de Mossoul. Le trajet était globalement paisible. Du bus, vous ne manquez pas de voir des chars, du matériel d'artillerie, des lance-roquettes, des FM et autres bazookas à chaque coin de rue. Nous avons été, là encore, surpris, de voir l'impressionnante circulation d'armes dans l'Irak populaire.
Nous avons été étonnés et même choqués de constater que, sur des centaines de kilomètres, l'armée officielle irakienne était inexistante. Les points de contrôle sont le plus souvent tenus par des civils. Les chars, les batteries antiaériennes et autres blindés sont embusqués derrière des monticules de terre ou des buissons, sans aucune protection. A un moment donné, nous avons intercepté sur l'autoroute un camion à benne transportant un chargement entier de kalachnikovs, du moins 5 000 pièces, sans escorte ni mesure particulière, comme s'il s'agissait d'un vulgaire chargement de tomates. D'ailleurs, nous avons pu voir la conséquence de ce “dilettantisme” quand un camion, réduit à néant par l'aviation américaine et renversé sur le bas-côté, laissait deviner des caisses entières de munitions transportées sans nul doute dans les mêmes conditions.
Dans la plupart des bourgades que nous avons traversées, ce sont les tribus, el-achaïr comme on les appelle ici, qui assurent leur propre sécurité. Ils ne sont guère encadrés par des “professionnels” de l'armée irakienne ; une armée pourtant réputée forte de 500 000 hommes, sans compter les 150 000 éléments de la garde républicaine. Eh bien, hormis les milices du Baâth et des fidayis de Saddam, pour un pays en guerre, nous avons croisé peu d'hommes en uniforme. Tout le long du trajet Bagdad-Mossoul, nous n'avons rencontré aucun barrage irakien digne de ce nom, aucun dispositif solide. Aucune coordination. L'organisation est primaire et artisanale, à l'image de la logistique de l'armée irakienne, une armée folklorique que les Etats-Unis trouvent le moyen d'accuser “innocemment” de détenir des armes de destruction massive ! Le plus triste dans tout cela, c'est que, à aucun moment, nous n'avons senti une quelconque stratégie de défense, encore moins un “style nouveau de combat”, comme le prétendait Essahaf. Saddam a floué son peuple, le dopant à coups de diatribes dithyrambiques avant de le livrer en pâture aux snipers yankees. Autre signe édifiant : sur les toits de plusieurs maisons, voire des villages entiers, vous pouvez apercevoir des drapeaux noirs ou verts qui, renseignement pris, révèlent avoir valeur de drapeau blanc. Ils sont surtout répandus dans les localités à dominante chiite, traditionnellement hostiles au pouvoir. 17h. Nous passons devant le village Aoûdja, à quelque 220 km au nord de Bagdad. Aoûdja est la ville natale de Saddam Hussein. Le jour anniversaire de Saddam est fête nationale. Bientôt nous allons passer par Tikrit. La ville se prépare à faire un accueil spécial aux Américains. Sur les voix d'Esmahan et d'Oum Keltoum, nous poursuivons notre paisible voyage en admirant les beaux paysages de la plaine irakienne.
N'étaient les images de bâtiments et autres casernes réduits en poussière par l'aviation américaine, nous étions bien loin de l'atmosphère oppressante de Bagdad et sa sinistrose. A un moment donné, un jeune Irakien vient nous susurrer quelque chose à l'oreille. Nous sachant journalistes, il nous prie de publier un message. “J'ai un frère qui s'appelle Dhiaz Abd Essalam. Je ne l'ai pas vu depuis le 12 juin 1988. Il avait 19 ans à l'époque. Il avait été enrôlé dans la guerre contre l'Iran un mois avant le cessez-le feu. Nous n'avons plus eu de ses nouvelles”, affirme-t-il. Le jeune homme regardait autour de lui pour s'assurer qu'il n'était pas épié. Il était terrorisé. Il le disait clairement : “Je ne prendrai pas les armes pour défendre Saddam. Nous vivons dans la terreur. Si tu médis de Saddam, tu seras pendu sept fois par minute.” Il est 19h. Le chauffeur de bus allume la radio : le flash des informations nous coupe le souffle quand il annonce que le journaliste Tarek Ayoub de la chaîne El-Djazira avait péri le matin suite aux intenses bombardements qui ont touché le bureau de la chaîne à Bagdad. Dans la foulée, on apprend que l'hôtel Palestine a été également touché de plein fouet et que deux autres journalistes y avaient trouvé la mort. Si Abdelbaki et nous-mêmes étions sans voix. Nous l'avions échappé belle. Nous avions été épargnés de justesse. Quand le taxi qui nous conduisait au bus de Mossoul avait vibré sous le coup de violentes explosions, c'était donc cela. C'est terrible ! C'est abominable ! C'est stupéfiant comme la mort se joue de nous ! C'est une sacrée enquiquineuse, et bien malin est celui qui peut se targuer de connaître ses ficelles. Nous contenons difficilement notre émotion. Un torchère apparaît au loin. C'est le totem du dieu pétrole. Les premiers camps de l'or noir annoncent la somptueuse Mossoul, la ville de Salah-Eddine El-Ayoubi. Il est 20h. Bonne nouvelle : des lampadaires sont allumés. Nous descendons dans le premier hôtel que nous rencontrons. Nous espérions trouver un téléphone qui marche. Hélas, là aussi, ni fax ni téléphone. La présence de l'armée officielle irakienne est à peine visible. La ville compte une importante communauté kurde, et les kurdes ne sont pas connus pour être très chauds pour lever les armes contre les Américains. La nuit se passe sans grabuge. Un fidayi syrien partage notre chambre. Il se prénomme Merouane. Il a 25 ans, et il est originaire d'Alep. Merouane est nouveau marié. Il a laissé sa femme et son boulot et il est venu faire la guerre aux Américains. Il n'en revient pas encore de ce qu'il a vécu : “J'étais à Samaoua dans le sud, près de Bassora. Nous nous battions contre les américains, et les irakiens nous tiraient dessus, dans le dos, en nous disant : laissez-les faire leur travail.”
Les américains auraient promis une prime de 1500 dollars pour qui leur livrerait un fidayi arabe. Merouane comprend le manège et s'enfuit. “J'ai marché à pied de Bassora jusqu'à Bagdad. J'étais entre deux feux. Je devais à la fois esquiver les américains et éviter les villes où nous étions indésirables”, dit-il. Merouane nous confie que les fidayin étaient totalement livrés à eux-mêmes. “Nous étions dans les tranchées, en première ligne de front. Quand nous faisions tomber des tanks américains ou des hélicos apache, les moukhabarate irakiens venaient récupérer le butin et prenaient la fuite, nous abandonnant à notre sort”, affirme-t-il.
Retour à Damas
Mercredi 9 avril. Il est 9h40. Nous nous apprêtons à quitter Mossoul pour la Syrie. Les frontières syriennes sont à 90 kilomètres. Nous étions dans un boui-boui en train de prendre un sandwich falafil quand un raid aérien tout à fait inattendu a largué des bombes à quelques dizaines de mètres de nous en produisant une explosion tonitruante. Tout le monde se jeta à terre. Le raid ne dura que quelques secondes et une colonne de fumée noire est montée d'un bâtiment officiel abritant le parti Baâth, selon les uns, les moukhabarate, selon les autres. “Chaque jour, c'est le même scénario. Ils nous harcèlent avec leurs bombes. Ils frappent toujours les mêmes cibles. Ils les ont rasés de la carte et malgré cela, ils reviennent”, indique le restaurateur excédé. Les sirènes hurlent. Les ambulances investissent la rue El-Djoumhouria à vie allure, c'est là la dernière image d'un Irak croulant sous les bombes que nous emporterons avec nous. Un taxi nous conduit au poste-frontalière de Rabéah. Chemin faisant, une escouade du parti Baâth nous détourne de notre chemin pour nous emmener dans une localité située à une vingtaine de kilomètres à l'est de Mossoul, en pleine campagne. On est traduit devant un chef en uniforme dont on ignore le grade. Après avoir fouillé nos bagages et passé au crible nos papiers, nous sommes relâchés avec les honneurs. Nous comprenons que sortir de l'Irak est considéré comme un acte de haute trahison par les tenants du régime. Voilà qui explique qu'aucun réfugié irakien ne soit enregistré dans les camps installés par le HCR aussi bien aux frontières syriennes que jordaniennes.
12h25. Nos passeports sont estampillés après quelques formalités légères. Jusqu'au dernier mètre, l'administration irakienne semble fonctionner normalement, et jusqu'aux derniers mètres, nous sommes sur nos gardes, guettant quelque frappe-surprise. Nous franchissons la frontière sains et saufs, en rendant un long soupir ne réalisant pas avoir échappé à ce guêpier. Nos pieds étaient libres, mais notre cœur était là-bas, à Bagdad, avec Bagdad, avec les civils irakiens, avec ce peuple martyre, ce peuple courageux qui sortira certainement grandi de cette débâcle, car il est écrit que les peuples dignes ont toujours le génie de se réinventer et de s'inventer de nouveaux horizons… (Fin.)
M. B.


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