“Je ne suis pas dans l'opposition car vous n'êtes pas sans savoir qu'entre l'Algérie et le RND, mon choix est vite fait.” Ce propos d'Ouyahia n'est pas sans rappeler l'assertion de Slimane Amirat “entre l'Algérie et la démocratie, je choisis l'Algérie”. L'engagement innocent de son auteur est à l'origine de ce que la phrase fut élevée au rang de devise patriotique. Elle nous permet de nous souvenir du militantisme du défunt que sa sincérité un peu candide prémunit, auprès de tous, de la sévérité de la critique. Car, en effet, ce choix ne peut être un : l'Algérie indépendante n'engageait que par la liberté promise à ses citoyens. L'absurdité d'une alternative entre l'Algérie et le RND est encore plus nette. Si l'incompatibilité entre une patrie et un parti était un risque, pourquoi l'avoir créé ? Mais c'était au temps où le RND ambitionnait d'être l'Algérie, où l'Algérie devait se dissoudre dans un appareil qui allait remplacer le FLN réduit à raser les murs devant l'hégémonie brutale de l'islamisme. La formule, loin d'énoncer le patriotisme, au demeurant incontesté, de Ouyahia sert à expliquer pourquoi lui et le RND ne se conçoivent pas dans l'opposition. D'ailleurs, si le FLN-parti a détourné le potentiel symbolique du FLN-front, c'est pour s'approprier son capital historique de lutte. Mais le RND est l'unique formation politique qui n'a été conçue ni dans la lutte ni dans l'opposition. C'est donc un état inconnu et inconcevable du point de vue de son personnel, et n'ayant pas fait le chemin politique naturel, en système multipartite, il ne saurait faire l'itinéraire inverse. L'énoncé serait tout à fait conforme à l'expérience du secrétaire général du RND et compris comme tel, s'il ne contenait pas une sentence d'exclusion pour l'opposition. Sa définition populiste et spécieuse du patriotisme voudrait que celui-ci soit l'exclusivité des gens de la majorité et que ceux qui sont dans l'opposition aient choisi leur parti à l'Algérie. C'est trahir la nature réelle d'un parti politique qui est d'être un projet pour la nation et non un appareil pour squatter les institutions et empêcher, à partir de cette position, toute alternance et, partant, priver l'Etat national de toute solution alternative à l'emprise autoritaire de ses occupants. Sous le régime du parti unique, les fonctionnaires avaient encore l'obligation de traiter les candidats, à l'exception du candidat à la présidence de la République qui était unique, de manière équitable. Les candidats aux élections locales étaient multiples et avaient chacun la prégnance d'être du parti du pouvoir. Par le processus même de sa génération, le RND devint, parmi les partis du pouvoir, le parti de l'administration. Avec la banalisation de l'abus de pouvoir, les conséquences de cette dérive anti-démocratique se sont aggravées. Pour les élections en cours, certaines wilayas “de plein exercice” sont allées jusqu'à choisir les têtes de liste, les candidats et même jusqu'à éliminer ceux qui leur paraissaient ne pas convenir à la fonction élective. Peut-être pourrait-on répliquer qu'entre l'Algérie et la loi, ou entre l'Algérie et la démocratie, on a choisi l'Algérie. Les exclusions se drapent souvent de l'intérêt, défini par celui qui a le pouvoir d'exclure, de la patrie. M. H. [email protected]