Les derniers développements relatifs à la situation sécuritaire dans la région du Maghreb, l'axe Algérie-Tunisie-Libye en particulier, risquent-ils d'avoir des incidences sur les économies touristiques de ces pays ? Déjà, l'Autriche vient de déconseiller à ses ressortissants de se rendre en Algérie et, à un degré moindre, en Tunisie. Par ricochet, comme on est en face des mêmes tours opérateurs qui organisent les voyages pour la clientèle germanophone, les touristes allemands sont eux aussi visés, indirectement, par ce pessimiste travel warning. Pour la destination Tunisie, le kidnapping reste toujours au stade de cas isolé, donc aux conséquences gérables. Hier, aucun tour opérateur n'a annulé des réservations. Une réaction qui rassure le gouvernement tunisien. En effet, près de 25% de la clientèle de cette destination se recrutent dans ces pays que sont l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse. En Tunisie, le tourisme saharien est un segment stratégique. Pour rappel, le premier Conseil des ministres présidé par Ben Ali en qualité de chef d'Etat a été consacré au tourisme saharien. Il fut tenu le 12 novembre 1987, juste après son accession à la présidence du pays. Depuis 1995, chaque 12 novembre, la journée est célébrée en tant que fête du tourisme saharien. Et depuis, soit durant ces 13 dernières années, le nombre de lits dans le Sud a dépassé 10 000, alors qu'il était juste 3 000 en 1987. Le nombre des touristes ensorcelés par le Sud tunisien a dépassé, lui, le seuil de 1 million depuis des années déjà. Pour l'Algérie, déjà depuis les derniers attentats du 11 avril dernier, tout l'élan qui a commencé à se faire sentir depuis 2003 a été freiné. Les derniers évènements ne vont que confirmer la tendance de régression. En effet, en 2007, seuls 2 000 touristes ont visité le Sud algérien. Soit sur 6 mois, une moyenne mensuelle de 340 arrivées, l'équivalent d'un vol charter pour toute une année. Une seconde lecture est plus inquiétante. À chaque fois qu'Al-Qaïda au pays du Maghreb est citée, l'Algérie est invoquée malgré elle. C'est le cas lors de l'annulation du rallye Paris-Dakar cette année. Sur les chaînes TV étrangères, l'information a été donnée, accompagnée de fonds documentaires sur les attentats d'Alger. Comme si le lieu des actes est négligeable par rapport aux origines des auteurs des menaces et attentats. Un fait unique mais qui renseigne sur la mauvaise gestion de l'information et de l'image de l'Algérie par les instances en charge de la question. Reste que la destination Algérie peut bénéficier de la contre-offensive médiatique attendue de la part des Tunisiens et même des Marocains, car c'est tout le Maghreb qui est menacé. Justement, plusieurs économistes ont appelé, hier, à la retenue de la part de certains nouveaux analystes de la situation sécuritaire. “Le terrorisme est transmaghrébin, et la lutte contre ce phénomène doit aussi avoir une dimension régionale”, explique l'un d'eux, en commentant les écrits de ceux qui voient dans l'incident une brèche pour un éventuel conflit politique dans la région. Un froid politique entre les gouvernements des pays de la région ferait l'affaire d'Al-Qaïda, comme c'est le cas dans d'autres régions du monde où les groupes terroristes jouent sur les querelles des uns et des autres pour durer. Mourad KEZZAR