L'Algérie vient de connaître une opération coup de poing pour casser les marchés de l'informel éparpillés dans tous les coins et recoins du pays. Si l'informel est un secteur calamiteux pour la macroéconomie, et les recettes fiscales, il est pour la microéconomie, une soupape d'oxygénation palliative donnée aux illégaux pour soutenir la consommation des ménages, et surtout pour absorber le chômage dans un marché du travail asphyxié par une demande sans cesse en progression. Que faire en Algérie, ou ailleurs, quand on a vingt ans, ou un peu plus, pour subvenir à ses besoins quand le travail vient à manquer, sinon verser dans la débrouille. Nous avons, après l'éradication partielle des illégaux, ces derniers temps, 70% du commerce informel qui serait toujours en activité, selon M. Benbada, ministre du Commerce. Toutes les villes d'Algérie se sont mises dans la frénésie du commerce. Entre deux commerces, il y a au moins trois commerces de proximité imposant une concurrence farouche à ceux qui étaient installés dans la légalité. S'Il est évident que tous les Algériens ont droit au travail, personne de sensé ne se hasarderait à dénier ce droit à des millions d'Algériens arrivant dans un monde du travail saturé. Des années de réflexion au niveau des plus hautes compétences de l'Etat n'ont rien apporté pour créer des opportunités d'emploi fixe ou temporaire en sus de ce que le marché classique de l'emploi permet. Que faire face à cette déferlante imposante, toujours recommencée de la demande d'un travail !? Rien, sinon de promettre, de s'engager à admettre que malgré la politique de plein emploi dans les secteurs étatiques, la pléthore ne suffit pas à absorber les produits d'une natalité toujours aussi vigoureuse. Ni les microcrédits alloués aux jeunes désireux de se lancer dans les affaires, ni les contrats à durée limitée, ni les grands projets structurels des deux plans quinquennaux, ni les départs à la retraite, ni les décès, n'arrivent à inverser la poussée du chômage atteignant plus de 10% de la population active. Il faut préciser que l'Algérie enregistre au moins 800 000 naissances par an. Un chiffre à mémoriser par son importance, vu qu'en terme de prospective, il faut nécessairement prévoir, outre la nourriture, et l'habillement, toutes les autres conditions d'accueil se matérialisant par des structures de santé publique, d'enseignement, de logement individuel, de circulation piétonne et routière, et bien entendu d'emploi. Ce n'est pas un hasard si le chômage touche principalement les jeunes qui viennent frapper aux portes du marché du travail. Principales victimes, les jeunes hommes et les jeunes femmes qui ont fait des études universitaires. Principales menaces pour la paix sociale, les jeunes qui n'ont trouvé que la mal vie, et les produits dérivés menant au pénitencier qu'on nomme étonnamment : «maison de rééducation». Le printemps arabe s'est déclenché en plein cœur de l'hiver, normal pour les Arabes que le printemps tombe en hiver puisqu'ils comptent l'année selon le principe des cycles lunaires qui amputent le mois solaire de 2 jours et demi par mois. Ce qui donne un décalage de 10 jours dans l'année ; il fallait le savoir pour comprendre le retard que mettent les dirigeants arabes à réagir devant une situation d'urgence imposant des plans de relance, sans user de violences. Les dictateurs partis, la démocratie a pris les commandes des affaires publiques, et nos jeunes dos au mur se sont aperçus que la démocratie n'était pas nourricière. Alors, il fallut pour les Tunisiens copier la méthode des Algériens consistant à se débrouiller sans cogiter en s'appropriant les espaces publics. Le ministre du Commerce tacitement déclara que tous les commerçants à la sauvette devaient être régularisés en les dotant d'un registre du commerce. Une idée géniale, qui fera des émules jusque dans les sphères des travailleurs de la fonction publique ou du secteur public pour squatter les trottoirs, et des rues entières préalablement réservées à la circulation piétonne ou automobile. Parmi les fonctionnaires, il a été remarqué un policier métamorphosé en marchand de fruits, il était peut être là pour jauger la température de la rue. D'aucuns parleraient d'anarchie, d'autres de solutions palliatives, d'autres encore de salariés absentéistes contribuant à la croissance du commerce, et du PIB, au détriment des budgets de fonctionnement du secteur public. D''autres verraient que la pléthore dans le secteur public a quelques raisons d'être rentabilisée, d'autres enfin estimeraient que la CNAS qui vient de régler ses problèmes de déficit peut payer à présent les congés de maladie. L'essentiel est de valoriser le travail, même si ce travail ne nécessite pas des neurones performants, et des réajustements structurels. L'Algérie, à l'instar de la Belgique, ou de l'Italie pourrait se passer de gouvernement, l'important étant que nous soyons dotés d'institutions solides par ailleurs pour faire tourner les affaires économiques. Un travail stable, un salaire stable, des perspectives de reclassement et de rappel, puis un deuxième travail plus rentable dans une période où le chômage contamine les économies occidentales avec en arrière-fond le spectre de la récession, voilà qui est non seulement rassurant, sécurisant, et néanmoins incitant à faire de nous tous des commerçants.