Qui des Mascaréens voire des Oranais ne connaît pas ce prestigieux homme de culture et de religion cheikh Aïchouba Mostefa ? Il est beaucoup plus connu sous le titre d'érudit cheikh Si Safa qui, dans la langue de Molière, signifie clarté. C'est un nom qui lui a été donné pour rappel par son ancien maître et chef spirituel du soufisme en l'occurrence cheikh Bentounès de la zaouïa alawite, confrérie de Mostaganem dont la fédération Aisa dirigé par cheikh Khaled Bentounes avait été récemment reconnue par l'ONU comme étant une organisation non -gouvernementale (ONG) internationale avec le statut «consultatif spécial» auprès du Conseil économique et social de l'ONU. Cette confrérie faut-il le souligner a des disciples dans tout le monde musulman. Loin de la vulgate islamiste, le soufisme est une école d'humilité, de tolérance, de solidarité... L'érudit, l'homme de paix, de culture et l'homme de religion, cheikh Aïchouba Mostefa «Si Safa» nous a quittés il y a dix neuf ans jour pour jour. Il s'est éteint à l'âge de 80 ans à Mascara, sa ville natale où il est considéré parmi les grandes figures de l'histoire de la cité de l'Emir Abdelkader. Cheikh Si Safa est issu d'une des grandes familles de fouqaha pour qui, l'éducation religieuse doit à la fois constituer la base et l'aboutissement de la formation de l'être. Il est né le 22 janvier 1915 et reçoit une première éducation de son père feu cheikh Moulay Benmadani , un maître dans le domaine de l'ijtihad et de la linguistique, par la suite auprès des maîtres éminents comme le grand jurisconsulte Ahmed Ben chergui avec qui il apprend et assimile entièrement le Coran et ce — tenez-vous bien — à l'âge de 10 ans. Deux ans plus tard, soit à 12 ans, en 1929, plus exactement, on le charge d'accomplir sa première prière du tarawih dans le vieux quartier de la ville de Mascara et plus précisément à la mosquée de Sidi Bouskrine en qualité d'imam. Son père cheikh Moulay Benmadani contribue à enrichir ses connaissances en lui inculquant les grands axes des éminentes figures de la pensée musulmane à travers les œuvres d'Alfiat d'Ibn Malik, Sidi Khellil, Katr Ennada .... Pour l'anecdote, Si Safa alors qu'il n'avait que 17 ans, demande à son père qu'il le laisse partir parachever ses études en Tunisie, mais son père, avec amertume et un pincement au cœur, ne pouvait exaucer ce vœu, car il ne pouvait imaginer une séparation, aussi éphémère soit-elle, avec sa progéniture. C'est alors qu'il lui répondit : «Mon cher fils, je comprends tes sentiments de déception, mais si tu veux obtenir mon assentiment, tu vas te rendre compte que ta Zitouna est ici auprès de moi.» Si Safa n'avait alors qu'à se résigner, et pour élargir ses connaissances, il a côtoyé les très grands maîtres de son temps tels que cheikh Sidi Mostefa avec qui il a appris l'art du tedjwid et les cheikhs Belgarde, Abdelkader Benchelih et le grand muphti de Mascara Bekara Belhachemi...Le leader de la confrérie alaouite Sidi Adda Bentounès de Mostaganem qui l'avait adopté ne cessait de l'appeler Safa, autrement dit clarté, tellement il était subjugué par les talents du jeune Aichouba Mostefa. Trois quarts de siècle, Si Safa les a consacrés à prôner l'unité nationale rejetant fermement l'extrémisme «étranger à notre religion». Ce pédagogue exhortait les jeunes et les moins jeunes qui venaient prier dans sa mosquée située au quartier populaire de Baba Ali à se référer à nos prestigieux aïeux et s'éloigner de tout discours qui distille la fitna... Même sur son lit de mort, Si Safa trouvait la force pour dicter des leçons de morale et de patriotisme à ces derniers. Il faut rappeler que cheikh Si Safa ne partageait pas les idées des islamistes salafistes de Abbassi Madani et ses acolytes ... Les œuvres de cheikh Si Safa ? On cite succinctement un grand ensemble de communications et de prêches compilés, écrits et enregistrés lors de rencontres religieuses nationale et internationale. Des écrits concernant la religion, la littérature, ainsi que des recueils de poèmes d'éloges au Prophète... Si Safa était aussi artiste, il s'adonnait avec passion à la calligraphie. Il laisse aux archives de nombreuses résolutions de problèmes relatifs à la jurisprudence... Des quotidiens nationaux et régionaux ont consacré des colonnes élogieuses à l'homme de paix, de religion et de culture et son œuvre juste après l'annonce de sa disparition un certain 16 mars 1995. En 2005 la radio régionale Beni Chougrane lui a consacré une émission spéciale à l'occasion des dix ans de sa mort, c'était à la mesure de l'envergure de cheikh Si Safa qui mérite tous les honneurs... En somme, Mascara, l'Oranie et l'Algérie toute entière ont perdu en Si Safa un parfait serviteur de la patrie. Il convient de souligner que les autorités locales et militaires ont décidé quatre ans après sa disparition de baptiser une école primaire, située dans le quartier des 614 Logements en son nom. Il est intéressant de signaler que pour le 20e anniversaire de sa disparition, le 16 mars 2015, les amis, la famille et les gens de la culture à Mascara comptent organiser un colloque en hommage à cet homme d'envergure nationale ... A l'occasion du 19e anniversaire de la disparition du cheikh Si Safa, la famille Aïchouba de Mascara, ses enfants et ses petits enfants ainsi que la famille révolutionnaire et les Mascaréens en général demandent à tous ceux et celles qui l'ont connu d'avoir une pieuse pensée en sa mémoire. Reposez en paix cheikh Si Safa et que votre repos soit aussi doux que l'était votre cœur.