C'était son dernier match officiel avec l'Algérie. Cruel pour Madjid Bougherra, car cela se termine sur une élimination en quart de finale de la CAN-2015 contre la Côte d'Ivoire (1-3). Lui, qui espérait soulever ce trophée africain tant désiré par son pays. Avec 70 sélections au compteur sous le maillot d'El-Khedra, le défenseur central aura marqué l'histoire pendant plus d'une décennie. Histoire. Avec son équipe d'Algérie, Madjid Bougherra a tout connu. Ce sont dix années de parcours jalonnées de désillusions cruelles avant que la courbe ne s'inverse vers des cimes que Boogy (surnom affectueux), n'avait peut-être pas imaginé lorsqu'il a endossé pour la première le maillot d'El-Khedra le 20 juin 2004 contre le Zimbabwe (1-1). A 32 ans, l'aventure prend fin. Le 15 novembre dernier, c'était déjà son ultime tour de piste face à l'Ethiopie dans son jardin de Blida. Là où l'ancien roc des Glasgow Rangers a renversé des collines comme celles de la plaine de la Mitidja, qui surplombent cet écrin si fascinant. Arrivé sur la pointe des pieds en 2004, dans une sélection tombée dans l'anonymat, loin de son prestige passé, Madjid Bougherra était encore loin de penser qu'il allait devenir l'un des plus grands joueurs de l'histoire du football algérien, et sans aucun doute l'un des cinq meilleurs défenseurs centraux de tous les temps de son pays. Quand il prendra sa retraite internationale, juste après la CAN-2015 comme il l'a laissé entendre, il rejoindra au panthéon le mythique Mustapha Zitouni de l'équipe du FLN, Miloud Hadefi, surnommé : «Le Kaiser Africain» par le roi Pelé, l'élégant Fodil Megharia ou le duo Kourichi-Guendouz de la grande équipe d'Algérie des années 80. Un coup d'œil dans le rétroviseur. Plusieurs moments clés resteront. Ce mardi 19 novembre 2013, dans le sanctuaire de Blida, le défenseur central envoie tout un pays au paradis en délivrant les Fennecs d'un but qualificatif face au Burkina Faso pour le Mondial-2014. Quatre ans plus tôt, le 19 novembre 2009 au Soudan, dans un match de barrage épique face à l'Egypte (1-0), il ne cède rien et se qualifie avec ses potes Karim Ziani, Rafik Djebbour ou Rafik Halliche au Mondial 2010, après 24 ans d'absence. «C'est clairement le point d'orgue de sa carrière. La qualification en Coupe du monde 2010, je ne l'avais jamais vu comme ça», nous confie Farid Ayad, son conseiller sportif et intime du joueur. Pour les Algériens, il est devenu «Magic» Bougherra ! Avant le bonheur, les galères... Les matchs en bois à Rouen, à Goussainville avec une équipe aux résultats fragiles, et quasi rayée de la carte. C'est ce qui a construit l'ancien défenseur central de Glasgow. De la souffrance, la ténacité née. Hors de question de lâcher. Comme lors de ce quart de finale de CAN-2010 face à la Côte d'Ivoire (3-2 ap) que Nadir Belhadj, son ami et ancien coéquipier avec les Fennecs nous raconte : «On s'est pris un but assassin de Kader Keïta en fin de match, on est mené 2-1. Madjid que je connais depuis Gueugnon me regarde, et me dit : «Vas-y, je monte, mets là moi. On me décale le ballon, et je centre, il fait le reste de la tête.» Le reste c'est une image gravée dans les esprits des Algériens pour toujours comme une réaction de «Nif» (réaction d'orgueil et de fierté). Les deux poings rageurs vers la tribune... en direction des médias français qui avaient annoncé que les Fennecs allaient se faire par pulvériser par la Côte d'Ivoire de Didier Drogba. «C'est un guerrier qui a tout donné son pays. Il aime son pays, il ne calcule pas. Il est rentré dans l'histoire du football mondial. Les Algériens ne l'oublieront pas, estime son ancien coéquipier en sélection, Rafik Saïfi. C'est comme un petit frère. C'est quelqu'un d'humain, il est un peu sentimental. C'est un fils de bonne famille. Mais sur un terrain, il ne lâche rien.» Même si Bordeaux, l'OM et le Paris-SG l'ont approché tour à tour, Madjid Bougherra ne s'est jamais fait un nom en France. L'ancien Gueugnonnais s'est forgé à l'étranger. Avec les Rangers, il devient le dernier Roi d'Ecosse. Considéré comme le taulier, il a remporté le championnat à trois reprises (2009, 2010 et 2011). En Algérie, il a été élu deux fois meilleur joueur algérien (2009 et 2010), lors de cette période faste, il a également récompensé à deux reprises du titre de meilleur joueur du monde arabe. En dehors du terrain, Madjid Bougherra s'est également investi. Il est avec Rabah Madjer l'un des deux ambassadeurs algériens auprès de l'Unicef. En décembre 2012, il crée la fondation Bougherra. Dans une discrétion choisie par le capitaine d'El-Khedra, elle aide des enfants orphelins ou handicapés. «Depuis qu'il est arrivé en équipe d'Algérie, il n'a jamais dit non aux sollicitations des journalistes même lorsque les résultats n'étaient pas au rendez-vous. Il n'a jamais attrapé le melon, le gars est resté égal à lui-même dans ses rapports. Et croyez-moi, il ne l'a jamais fait pour la galerie», nous explique Mamâar Djebbour, animateur vedette de la chaîne III à la Radio algérienne. Egal à lui-même comme lors du dernier Mondial, alors que les ego de Didier Drogba ou Samuel Eto'o ont pesé négativement sur leur sélection. Un autre homme africain, lui aussi, renvoyé sur le banc, s'est plutôt comporté en leader positif. Avant le match face aux futurs champions du monde allemand, il a rassemblé ses coéquipiers pour les galvaniser et les mettre face à leurs responsabilités. Lors de cette CAN, encore une fois, il s'est comporté en patron sur le terrain, et évidemment en dehors au moment où la barque a tangué. Titularisé face au Ghana, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, Bougherra a réussi des prestations convaincantes comme à ses plus belles heures. Et lorsqu'on lui demande si sa décision est irrévocable, le roc acquiesce : «Il faut savoir partir, et tourner la page», nous confie-t-il. Si l'histoire est close en match officiel, il affrontera le Qatar en amical en mars prochain en forme de jubilé. Bonne route «Magic» Madjid.