Belaid Abane, professeur de médecine, politologue et écrivain spécialiste du mouvement nationaliste algérien et neveu de l'architecte de la Révolution, est revenu, hier samedi, à Tizi Ouzou, sur les principes adoptés au congrès de la Soummam (Ifri Ouzellagen, Béjaïa), la primauté du politique sur le militaire et de l'intérieur sur l'extérieur qui, a-t-il indiqué, «ne pouvait susciter que des résistances ». S'exprimant lors d'une conférence à la maison de la culture Mouloud- Mammeri de Tizi Ouzou, l'intervenant a estimé que ces primautés qui correspondent parfaitement à la vision rationnelle, d'Abane Ramdane et à sa manie institutionnelle, portent, néanmoins, dès leur origine, le germe qui va signer leur mort programmée. Ce «travers» originel, c'est, a-t-il dit, d'abord la défaillance des congressistes, d'Abane au premier chef, à expliquer leur sens profond. Ces principes ou primautés, pourtant futuristes et modernes dans leur essence, ajoutés à la personnalité d'Abane, sa vision unioniste, jacobine et sacralisée de la Révolution, ne pouvaient, a-t-il fait observer, susciter que des résistances, tout en mettant en avant un double problème de légitimité. D'un côté, de la part des responsables, politiques ou militaires, installés ou décidés à s'installer à l'extérieur d'autant qu'à partir du printemps 1957, les organes dirigeants, CCE et CNRA, étaient déjà à l'extérieur. Et, de l'autre, en dépit de l'important travail de politisation fait par Abane, au cours des années 1955 et 1956, les hommes et les structures de la Révolution restaient irrémédiablement imprégnées de l'esprit militaire. Notamment, a-t-il poursuivi, dans les Aurès où les hommes attendaient, armes aux pieds, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu'on leur donne le signal de passer à l'action. On comprend, dès lors, avec quelle facilité ont été répudiées, à la réunion du CNRA au Caire le 20 août 1957, les primautés de l'intérieur et du politique, perçues, a encore fait observer le neveu de l'architecte de la Révolution, comme des subterfuges de politiciens, et sans le moindre débat. «La disgrâce de ces principes, signait du même coup celle d'Abane qui les avait portés, et qui l'avaient porté. D'Ifri au Caire, le paradigme soummamien du politique et de l'intérieur aura vécu une vie éphémère», a poursuivi Belaid Abane. Abane Ramdane et «ses» primautés ont, a encore estimé le conférencier, connu le même sort, la même trajectoire, ascendante d'abord durant les années 1955, 1956 et le 1er semestre 1957, puis déclinante, à partir de l'été 1957 avant d'être marginalisé puis éliminé pour l'un, et définitivement mises au rancart, pour les autres dès l'été 1957. «Régnera alors la primauté du militaire installé à l'extérieur». Faisant cas d'aucun développement, en effet, dans la plateforme de la Soummam, comme si tout allait de soi. Inévitablement, a encore poursuivi le conférencier, c'est la compréhension au premier degré qui prévaudra, les militaires seront sous la coupe des politiques et tous ceux qui militent à l'extérieur subordonnés aux chefs de l'intérieur.