L'année 2016 s'achève et commence l'année 2017. Quel est le bilan de l'économie algérienne afin de tracer les perspectives futures entre 2017-2020-2025 ? Malheureusement, après plus de 50 années d'indépendance, c'est la prédominance de la rente des hydrocarbures qui irrigue toute l'économie et le corps social : Sonatrach, c'est l'Algérie et l'Algérie, c'est Sonatrach. Le cours du pétrole le 23 décembre 2016 est coté à 54,75 dollars le Brent et 52,64 dollars le Wit. En référence aux moyennes mensuelles internationales boursières, moyennes des cotations quotidiennes du Brent daté en clôture à Londres, nous avons eu 79,44 dollars le baril en 2010, 111,22 dollars en 2011, 111,66 en 2012, 108,68 dollars en 2013, 99,02 dollars en 2014, 52,35 dollars en 2015 et 42,65 dollars en 2016, le FMI prévoyant une fourchette de 50/60 dollars en 2017, sous réserve du respect des décisions récentes des pays de l'Opep (posant problème en cas de stabilisation de l'Irak et de la Libye) et non-Opep, surtout de la Russie et des USA (pétrole/gaz de schiste), ces derniers représentant 67% de la production commercialisée mondiale. Je propose de dresser le bilan des indicateurs financiers, ceux de la sphère réelle avant de proposer les perspectives. 1.- Indicateurs financiers Sonatrach a engrangé entre 2000 et 2016 plus 800 milliards de dollars en devises selon les bilans officiels. Cela a permis une dépense publique sans précédent depuis l'indépendance politique. La rente des hydrocarbures a permis également d'importantes réserves de change – moyen et non-facteur de développement. La cotation du dinar par rapport à l'euro a été la suivante : 2001- 77,29 dinars un dollar- 2005- 73,35 dinars un dollar- 2010- 74,39 dinars un dollar-2015 -100,46 dinars un dollar- 23 décembre 2016 111,10 dinars un dollar. Avec une dette extérieure évaluée à 23,203 milliards de dollars au 31 décembre 2003 et inférieure à 5 milliards de dollars à la fin 2015, les réserves de change fonction des recettes d'hydrocarbures, qui tiennent la valeur du dinar à plus de 70%/80%, ont été estimées entre 2000/2016 officiellement ainsi : 2000, 11,9 milliards de dollars - 2001, 17,9, milliards de dollars - 2005, 56,2 milliards de dollars-2010, 162,2, milliards de dollars- 2011, 182,2, milliards de dollars-2012, 190,6 milliards de dollars - 2013, 194,0 milliards de dollars - 2014, 179,9 milliards de dollars-2015, 144,1 milliards de dollars - à la fin septembre 2016 à 121,9 milliards de dollars. Selon le rapport du FMI clôtureront à 113,3 mds usd à la fin 2016 et 92,3 mds usd en 2017. Avec des réserves de change entre 10/20 milliards de dollars, le cours s'établirait à environ 200 dinars un dollars, d'où l'importance entre temps d'aller vers un endettement extérieur ciblé qui ne concernera que les secteurs productifs. Ces réserves incluent le prêt au FMI et les dotations de DTS de l'Algérie déposés au FMI, l'Algérie ayant augmenté sa quote-part au Fonds monétaire international (FMI) de 705,2 millions de DTS (équivalent de plus d'un milliard de dollars) la portant de 1,25 milliard de DTS (environ 1,9 milliard de dollars) à 1,96 md de DTS (près de 3 mds de dollars), selon un décret présidentiel publié au Journal-Officiel, cité par l'APS donnant un montant cumulé de 8 milliards de dollars au niveau du FMI. Les 173 tonnes d'or dont le stock selon le FMI au 31/12/2015 n'aurait pas évolué depuis 2009 alors qu'il ya production d'or dans la région de Tamanrasset est-il inclus ? Ces réserves garantissent plus de trois années d'importation. Le placement de ces réserves se fait actuellement à travers des dépôts auprès des banques centrales, le reste se faisant à travers des obligations, des bons du Trésor et des actifs, auprès d'établissements bénéficiant d'un bon rating, soit la notation triple. En 2013, selon les déclarations officielles, alors qu'en 2010, la répartition qui était de 45% en dollars, 45% en euros, 5% en livre sterling et 5% en yen japonais, toujours selon le gouverneur à l'époque, ce panier des devises étrangères a évolué et est composé du dollar américain (52%), de l'euro (37%) et de la livre sterling (9,6%). Cette manne a permis à l'Algérie d'éteindre la dette extérieure de l'Algérie et d'éponger artificiellement une partie de sa dette intérieure. Le FMI a classé l'Algérie au titre du pays le moins endetté des 20 pays de la région MENA dans un rapport spécial sur les perspectives économiques de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, Mais, d'une manière générale, il faut se méfier des artifices comptables où selon le rapport du gouverneur cité précédemment, le déficit du compte courant de la balance des paiements s'est encore accentué entre 2014/2016. Car, il ne faut pas se limiter à la balance commerciale, mais étudier la balance de paiements qui montre que le montant poste assistance technique étrangère est passé de 2 mds de dollars en 2002 à 10/12 mds de dollars entre 2009/2015 et les transferts légaux de capitaux. Ce qui donnerait un déficit de la balance de paiements d'environ 30 milliards de dollars à la fin 2016. Cela témoigne de la fragilité de la balance des paiements extérieurs devant les chocs externes. La léthargie d'une économie rentière renvoie à la valeur réelle de la monnaie. On peut établir un coefficient de corrélation entre la cotation du dinar et l'évolution du cours des hydrocarbures pour un taux d'environ 70%, 30% étant dues aux phénomènes spéculatifs et aux sections hors hydrocarbures bien que limitées. Concernant justement la cotation du dinar pour la banque d'Algérie qui parle de glissement et non de dévaluation, le dinar est fixé par le marché interbancaire où interviennent 19 banques de la place en plus de la Banque d'Algérie, le gouverneur minimisant la question de la perte de change, surcoût supportés tant par les entreprises que par les consommateurs. Mais cela n'explique pas le paradoxe d'un glissement à la baisse du dinar tant par rapport au dollar et l'euro alors que leur cotation est inversement proportionnelle. L'explication est de voiler l'importance du déficit budgétaire en gonflant artificiellement la fiscalité hydrocarbures mais également les taxes sur les produits importés toujours via les hydrocarbures ainsi que le fonds de régulation des recettes (épuisé à la fin 2016) où le dollar et l'euro sont reconvertis en dinars algériens, accentuant par là l'inflation importée. C'est grâce aux réserves de change dues aux hydrocarbures et non au travail (l'Algérie étant classée pour la productivité un des derniers de la région MENA entre 2012/2013) que le taux de change officiel est maintenu à 110 DA un dollar en ce mois de décembre 2016. Quant aux libertés économiques, parmi les facteurs les favorisant, il est retenu la taille du gouvernement, la structure juridique du pays en matière de protection des biens de propriété, la valeur de la monnaie, le libre-échange avec les pays du reste du monde et la réglementation des crédits, du travail et des entreprises. Le rapport publié par la fondation Heritage et le Wall Strett Journal en date du 25 janvier 2016 pour l'année 2015 classe les 178 pays étudiés en 5 grandes catégories sur une échelle allant de 40 points (les moins libres) à 100 points (les plus libres) : «libres» (80-100 points), «plutôt libres» (70-79,9 points), «modérément libres» (score 60-69,9 points), «plutôt pas libres» (50-59,9 points) et «réprimant la liberté» (40-49,9 points). L'Algérie a été déclassée de onze places, la 157e position sur 178 pays. Ce rapport place l'Algérie dans la catégorie des pays où la liberté économique est «réprimée» avec un score global de 48,9 points, soit 1,9 point de moins que l'année 2014, ce score global restant inférieur à la moyenne aussi bien régionale que mondiale. Par ailleurs, le think tank canadien Fraser Institute dans son édition de 2016 sur 159 pays, classe l'Algérie à la 151e place avec un score de 5,15/10. En matière de taille du gouvernement, l'Algérie est classée 157e, pour la liberté de commerce 154e, le système légal, pour le droit de propriété 106e place et la force de la monnaie 113e. Aussi, face à l'incertitude politique, outre le fait que nombre de responsables vendent leurs biens pour acheter des biens à l'étranger, nombre de ménages se mettent dans la perspective d'une chute des revenus pétroliers et commencent à acheter les devises sur le marché informel, au lieu de l'or qui a chuté depuis deux années, accentuant l'écart entre le cours officiel et le cours sur le marché parallèle qui est coté le 23/12/2016 à 186 euros. 2.- Indicateurs de la sphère réelle L'économie algérienne se caractérise par 96%/97% d'exportation d'hydrocarbures à l'état brut et semi brut (sur les 3%/4% restant 50% sont constitués de dérivées d'hydrocarbures) donnant en réalité 98% provenant des hydrocarbures, et important 70-75% des besoins des ménages et des entreprises dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, quelles soient publiques ou privées. Selon le FMI, plus de 40%-45% du produit intérieur brut (PIB) sont générés par les hydrocarbures mais en réalité, tenant compte des effets indirects de la dépense publique via toujours les hydrocarbures, le BTPH, qui tire la croissance actuelle, il reste moins de 20% pour les véritables producteurs de richesses. Comme le reconnaît le Premier ministre algérien lors d'une récente réunion le 18 mai 2013, les assainissements répétés des entreprises publiques n'ont pas eu les effets escomptés. Je le cite : «1 000 milliards de dinars d'assainissement seulement ces dernières années sans résultats probants.» Mais ces montants s'ajoutent au 50 milliards de dollars entre 1971/2011. Côté importations aussi, l'Algérie se trouve dans une situation peu reluisante. Les différents rapports entre 2010/2015 réalistes mais alarmants de la Banque d'Algérie montrent que les importations poursuivent leur tendance haussière, avec un léger fléchissement en 2016. Mais il existe un paradoxe, malgré l'importance de la dépense publique, car le PIB reste modeste, encore que l'indice du développement humain (IRH) est un indicateur plus fiable que le PIB. Le produit intérieur brut (PIB) toujours à prix courants, il a évolué ainsi de 2001 à 2015. 2001, 4 227 milliards de dinars- 2005,7562 milliards de dinars, - 2009, 9 968 milliards de dinars (effet de la crise), - 2010,11191 milliards de dinars, - 2015,16 952 milliards de dinars, soit un fléchissement rapporté au cours actuel du dollar donnant au cours de 2015 environ 160 milliards de dollars. Paradoxe, certaines données officielles donnent un taux de chômage en baisse, alors que la croissance en valeur est en baisse. Entre 2000/2016, le taux de croissance moyen en Algérie n'a pas dépassé les 3%, alors qu'il aurait dû être de plus de 10%, malgré une dépense publique sans précédent depuis l'indépendance politique. Bien que ce taux puisse faire rêver bien des pays européens, il faut relativiser. En termes de calcul, le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente et qu'un accroissement appliqué à un produit intérieur brut faible (PIB) donne globalement un taux faible. Cela montre un divorce entre la bonne santé financière de l'Etat, due aux hydrocarbures, et à la sphère réelle de l'économie, avec cet adage, un pays riche mais une population de plus en plus pauvre du fait de la concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière, expliquant le malaise social. Tenons-nous à deux indicateurs fondamentaux : l'inflation le chômage. Cancer de la rente l'inflation a évolué ainsi : 2001, 3,0%, - 2005, 1,9%,- 2010, 5,0%,-2015 4,8% , août/septembre 2016, 5,8%. La perception de l'inflation est différente d'un ménage qui perçoit le SMIG consacrant plus de 70% de son modeste revenu aux produits de première nécessité que celui qui perçoit 500 000 dinars net par mois. L'inflation accélère la concentration excessive du revenu national au détriment des revenus fixes avec la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité pouvant conduire, non maîtrisée à une déflagration, sociale et politique. Selon l'ONS, à la fin 2015, le salaire net moyen mensuel a été de 37 800 DA, sachant que le salaire net moyen est composé du salaire brut diminué des différentes retenues (IRG, sécurité sociale et retraite). Au niveau national, le salaire de base représente en moyenne 60% et les primes et indemnités 40% de la rémunération brute totale. Le salaire net moyen mensuel a été globalement de 39 200 DA en 2015 à raison de 54 700 DA dans le secteur public contre 32 100 DA dans le privé avec des écarts des salaires selon la qualification et les secteurs d'activités assez élevés dans les activités liées aux hydrocarbures et les banques par rapport à la moyenne nationale. Mais pour avoir une vision objective du salaire réel qui détermine le pouvoir d'achat, il faut déflater le salaire nominal par l'évolution du taux d'inflation. Car il faut se méfier d'un indice global. L'analyse objective de l'inflation doit relier le processus d'accumulation, la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales, afin de déterminer la politique salariale protégeant les plus démunis, mais en évitant un nivellement par le bas, facteur de démobilisation. Aussi, une question s'impose. Celle de savoir comment un Algérien, qui vit au SNMG, (200/250 euros par mois, alors que le kilo de viande est de 10 euros, fait face aux dépenses incontournables : alimentation, transport, santé, éducation. (A suivre)