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Comment déniche-t-on les best sellers ?
Publié dans La Nouvelle République le 01 - 08 - 2017

Rarement le rôle des éditeurs de petits formats aura été si déterminant dans un marché en léger déclin. Plongée dans un univers en pleine mutation, où l'on agit de plus en plus en amont.
Francfort, octobre 2014. The Girls, premier roman d'une inconnue américaine, fait sensation. Parmi les éditeurs français qui participent aux enchères, c'est Alice Déon, patronne de la Table ronde, qui remporte le morceau. Mais elle ne part pas seule à l'aventure. Comme la plupart de ses confrères, à partir d'un certain montant, qu'on évaluera ici entre 60 000 et 80 000 euros, elle s'assure de la participation d'un éditeur de poches, en l'occurrence 10/18. Histoire de partager les coûts et les risques...
Paris, septembre 2015. Anne Assous, directrice de Folio, reçoit, en provenance d'un "correspondant étranger (sic)" le manuscrit du premier roman d'un certain Olivier Bourdeaut proposé par la petite maison bordelaise Finitude. Elle le lit dans la foulée, s'enthousiasme, joint l'éditrice Emmanuelle Boizet, et lui propose un preempt, soit une offre ferme sur un temps limité, de l'ordre de 30 000 à 40 000 euros selon nos sources. A prendre ou à laisser... Emmanuelle Boizet, qui ne sait pas encore qu'en attendant Bojangles sera l'un des méga-sellers surprise de 2016, prend. Banco!
«Etre le premier et le plus rapide»
Fini, l'édition de poches de papa, qui consistait à rééditer tranquillement les ouvrages à succès. Aujourd'hui, on tope avant même la première publication. Le «banquier» de l'édition, dont le taux de rentabilité est trois fois supérieur à celui du grand format, se fait acteur à part entière avec, comme credo, la prise de risque. «Le must, confirme Stéphanie Vincendeau, directrice éditoriale de J'ai lu, c'est d'être le premier et le plus rapide». «Et plus vous vous activez tôt, plus le ticket d'entrée est censé être raisonnable», poursuit Thierry Diaz, ancien directeur commercial d'Univers poche propulsé à la tête de Points.
Pour accompagner cette mutation, dopée par la concurrence du numérique, une nouvelle génération d'éditeurs, qui ont entre 30 et 40 ans, vient de prendre les commandes des grandes maisons de poches: Thierry Diaz à Points, donc, mais aussi Carine Fannius chez Pocket et 10/18, Véronique Cardi au Livre de poche, Anne Assous pour Folio, Jocelyn Rigault chez J'ai lu... Sur leurs épaules pèsent, en ces temps de mollesse du marché du grand format, de multiples missions: aide à l'achat de livres étrangers, animation du catalogue, réactivation des best-sellers, voire propulsion sur le devant de la scène d'ouvrages passés inaperçus lors de leur première vie - c'est ainsi que Pocket a fait la fortune de Michel Bussiet que le Livre de poche a multiplié par 100 les ventes de Mémé dans les orties, d'Aurélie Valognes, publié par Michel Lafon. Tous ont aussi à affronter la concentration de l'édition et sa radicalisation. Avec, pour règle, la préférence pour les titres du groupe, afin que l'argent ne sorte pas de la maison, crise oblige. Reste à jouer avec les (nombreux) cas singuliers.
«Les éditeurs de poches au taquet»
En premier lieu, il faut savoir chasser auprès des petits éditeurs indépendants, le plus souvent dépourvus de collection de poche, chez qui, phénomène nouveau, l'on voit surgir sporadiquement des best-sellers. Dès son arrivée à Folio, au début de 2014, l'ancienne directrice du marketing Anne Assous met la main sur Le Liseur du 6h27, de Jean-Paul Didierlaurent, auréolé d'un très bon buzz à Francfort et publié par la modeste maison gardoise Au diable Vauvert. Le tout sous le regard goguenard de ses petits camarades de l'illustre maison mère, Gallimard. Bilan: 220 000 exemplaires vendus, de quoi forcer le respect des hiérarques des lieux.
Tous les éditeurs de poches sont au taquet, confirme Anna Pavlowitch, ex-directrice de J'ai lu, aujourd'hui chez Flammarion, car tout le monde a peur de passer à côté d'une Anna Gavalda. Anna Gavalda? La poule aux oeufs d'or. Son Je l'aimais (le Dilettante) s'est écoulé chez J'ai lu à plus de 1 million d'exemplaires. Autres belles prises de la maison, Fred Vargas (publiée alors par Viviane Hamy) ou Philippe Torreton, dont le Mémé a cartonné chez l'Iconoclaste et qui sortira en poche en février 2017.
Même réactivité chez Pocket qui s'empare de La Fille du train, de Paula Hawkins (Sonatine), un succès planétaire, et chez Points, qui acquiert tous les titres de Craig Johnson (père de la série des Longmire), publiés par l'indépendant Gallmeister.
Le Livre de poche n'est pas en reste : en 2007, Cécile Boyer-Runge, la directrice de l'époque, s'enflamme pour Elle s'appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay, nouvel auteur (encore confidentiel) d'Héloïse d'Ormesson. On connaît la suite : adaptation au cinéma, 450 000 exemplaires vendus... Rebelote en 2013, avec un premier roman au titre impossible, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea... publié par le Dilettante. Véronique Cardi, qui récupère, à 33 ans, en avril 2014, les rênes du navire amiral d'Hachette, n'a pas non plus les deux pieds dans le même escarpin.
Etre partout et tout le temps, aux réunions des libraires organisées par les maisons du groupe, aux foires internationales, aux divers cocktails, remises de prix et Salons du livre qui égaient la vie des «clubbeurs» littéraires: telle est la devise de la pimpante éditrice. Comme ses confrères, elle tisse méthodiquement ses réseaux et ses liens avec les écrivains.
A chacun ses coups de filet
Des amitiés qui permettent d'exfiltrer les auteurs plus ou moins délaissés par leur éditeur de poches maison. Au risque de traumatismes durables. «Plus jamais ça!» répétait-on encore au Livre de poche longtemps après l'affaire Da Vinci Code. En 2003, Isabelle Laffont, PDG de Lattès, achète le futur best-seller de Dan Brown et le soumet, comme il se doit, à Dominique Goust, alors patron de la filiale poche.
Qui le refuse et alerte même le super-boss d'Hachette de l'inconséquence de certains de ses éditeurs... Pocket s'engouffre dans la brèche, et écoulera 2,5 millions d'exemplaires du roman.
«Le plus important, c'est d'être enthousiaste", insiste Thierry Diaz, qui vient de signer Romain Slocombe, estampillé Robert Laffont. "L'Affaire Léon Sadorski était le seul polar à figurer dans la première sélection du Goncourt. J'ai adoré ce texte, et je l'ai fait savoir, alors que Pocket était moins emballé que nous».
Chez Univers poche, le leader du marché, on s'enorgueillit des captures de gros poissons de groupes concurrents: Jean-François Parot (Lattès), Agnès Ledig et Maxime Chattam (Albin Michel), Alexandra Lapierre (Flammarion)... De l'enthousiasme et de la ténacité. Durant deux ans, Stéphanie Vincendeau fait le siège de Plon, éditeur heureux de Stéphane De Groodt, dont les Voyages puis le Retour en absurdie prospèrent en 2013 et 2014, jusqu'à ce que l'auteur se décide à en céder les droits, «pas très cher», selon l'éditrice de J'ai lu.
Mais combien? Soudain, les interlocuteurs les plus bavards se taisent, à croire que l'on essaie de leur extorquer leur numéro de Carte bleue. C'est pour ne pas susciter de jalousie entre écrivains, prompts à réclamer les mêmes montants que leurs copains, invoquent en choeur les éditeurs. Sans parler du spleen des laissés-pour-compte dont les livres ne sont pas, ou plus, publiés en poche. On se contentera donc de généralités sur les à-valoir que se partagent à égalité éditeurs de grands formats et écrivains.
L'immense force de frappe du poche
La moyenne des premiers romans prometteurs est de 15 000 euros, celle des auteurs confirmés dépasse les 100 000 euros, tandis que les dix plus grosses pointures empochent de 500 000 à 1 million. De quoi faire flancher les plus endurcis. Seul le rusé Bernard de Fallois, éditeur du méga-seller de Joël Dicker, est resté inflexible. Alors que toute la place de Paris lui faisait la danse du ventre, il a pris son temps et a fini par publier lui-même La Vérité sur l'affaire Harry Quebert dans une collection ad hoc.
Un marketing efficace et un bon tempo. La force de frappe du poche est immense grâce, notamment, aux promotions semestrielles, en janvier et en juin (3 livres pour 2 achetés, histoire de contourner l'interdiction de solder), et la publication de rééditions parées des habits de Noël pour les fêtes. Pas étonnant donc que certains auteurs soient boostés, voire révélés par le petit format. Ainsi, le Livre de poche a multiplié par 10 les ventes de La Mémoire des embruns (les Escales), de Karen Viggers, Points a mis sous les feux de la rampe l'écrivain Dror Mishani, tandis que Folio sortait des limbes du catalogue Gallimard 2014 L'Amie prodigieuse, d'Elena Ferrante, auréolé d'un beau bandeau: «Le roman que Daniel Pennac offre à tous ses amis». Un joli coup qui a inspiré Véronique Cardi.
Pour ressusciter le Femina étranger 2003, La Porte, de Magda Szabo, publié par Viviane Hamy, et «deuxième livre, dit-elle, conseillé par le père de Malaussène à ses amis», elle peaufine déjà un bandeau aux petits oignons: «Quel chef-d'oeuvre! Daniel Pennac». Moins cher qu'une tête de gondole et beaucoup plus efficace.


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