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Jacques Roumain entre dans la «Pléiade»
Publié dans La Nouvelle République le 17 - 08 - 2018

Rééditées dans une nouvelle collection, les «Oeuvres complètes» de l'écrivain haïtien Jacques Roumain permettent de redécouvrir la puissance et la diversité du talent de ce grand auteur de la Caraïbe francophone, précocement disparu en 1944, à l'âge de 37 ans. La brièveté de son existence, ajoutée aux turbulences de l'histoire haïtienne auxquelles Roumain a été mêlé de près, confèrent à ses textes de nouveau réunis, une intensité et une fulgurance hors du commun.
Ce volume des œuvres complètes du Haïtien Jacques Roumain, qui vient de paraître, est le septième de la collection «Planète Libre» aux éditions CNRS. C'est un ouvrage dense qui rassemble l'ensemble de l'œuvre littéraire de l'écrivain (romans, nouvelles, poésies) caribéen, mais aussi ses écrits journalistiques, ses correspondances, des présentations de l'œuvre, des articles critiques par des chercheurs, une chronologie analytique et une bibliographie : 1600 pages pour rendre disponibles tous les savoirs sur l'homme de lettres exceptionnel et talentueux que fut l'auteur de Gouverneurs de la rosée (1944).
Créée en 2008 sous l'égide du CNRS et également connue sous le nom de la «Pléiade» des écrivains francophones, la collection «Planète Libre» a pour objectif de réunir dans des éditions scientifiques, dotées d'un apparat critique rigoureux, les œuvres complètes des grands auteurs francophones. Les «Oeuvres complètes» du poète, romancier et journaliste haïtien Jacques Roumain ont été précédées de volumes consacrés à Léopold Sédar Senghor, Jean-Joseph Rabearivelo, Aimé Césaire, Albert Memmi et Sony Labou Tansi.
Modernité de Jacques Roumain
Pourquoi Jacques Roumain ? La question se pose car la littérature haïtienne est particulièrement riche en grands écrivains et compte au moins une dizaine d'auteurs de niveau international qui mériteraient d'entrer dans une collection mémorielle et prestigieuse comme «Planète libre». Pour Yves Chemla, professeur à l'IUT de Paris, qui a coordonné cet ouvrage en binôme, avec le plus grand spécialiste des lettres d'Haïti, le regretté Léon-François Hoffmann, la réponse à la question «Pourquoi Roumain ?», se trouve dans la «très grande modernité» de l'œuvre de cet auteur à facettes multiples. C'est une œuvre qui rappelle, selon le spécialiste, le Français Zola ou le Russe Gorki, car comme eux «il met le petit peuple au premier plan, capable de prendre en charge son histoire et son destin». De ce point de vue, Gouverneurs de la rosée, le chef d'œuvre de Roumain, devenu un classique mondial, est emblématique de l'art de cet auteur.
Qualifié de «récit paysan», ce roman posthume qui raconte la vie et la mort dans Haïti profond, au sein d'une paysannerie confrontée aux intempéries de la nature et aux injustices politiques, ne tombe pas dans l'écueil de la narration ethnologique et réussit à mettre en scène des êtres de chair et de sang auxquels le lecteur peut s'identifier. «On est loin de l'épopée des guerres coloniales qui ont inspiré les premiers auteurs haïtiens, poursuit Yves Chemla. Avec Jacques Roumain, Haïti tourne aussi la page de la littérature coloniale du XIXe qui avait du mal à prendre ses distances par rapport à ses modèles occidentaux.»
La modernité de cet auteur réside aussi dans l'inventivité de sa langue, comme l'a écrit Léon-François Hoffmann dans son article de présentation de l'homme et l'œuvre. «C'est en inventant une langue "polyphonique", faite de niveaux différents de français, de français archaïque, de français créolisé, de créole, de créole francisé, de néologismes et de calques d'un registre sur l'autre que Jacques Roumain a profondément marqué non seulement l'écriture haïtienne, mais la francographie en général».
Journaliste, poète et romancier
Le futur écrivain est né en 1907, dans une famille aristocratique et prospère, avec un grand-père qui fut plusieurs fois ministre et président de la République. Il a huit ans lors du débarquement des marines nord-américains en Haïti qui mettent le pays sous tutelle. Le spectacle quotidien des exactions dont est victime le petit peuple, mais aussi les gens de son milieu élitiste, suscite chez le petit Jacques la haine des soldats yankees et un sens aigu de nationalisme patriotique qui deviendra une des sources d'inspiration majeures de Roumain poète et romancier. Mais c'est surtout en tant que journaliste que Roumain s'inspire de la pensée nationaliste. Les «Oeuvres complètes» est la première publication à réunir une grande partie de sa production journalistique du poète. Rendant compte des thématiques et de la tonalité des écritures journalistiques de Jacques Roumain, Léon-François Hoffmann écrit : «(…) la plupart des articles dénoncent, plus encore que le racisme et la brutalité des soudards américains, la veulerie de ceux qui les ont accueillis et se sont mis à leur service, soit par manque de confiance dans leur propre pays soit pour les avantages matériels qu'ils espèrent tirer».
Cette rage dont témoignent les articles de journaux de Jacques Roumain, explique aussi sans doute l'intérêt qu'affiche l'écrivain pour les petites gens, les opprimés, les paysans qui sont eu cœur de son oeuvre littéraire. C'est en Europe où il est envoyé au terme des études secondaires pour parfaire sa formation et se spécialiser en agronomie, que le jeune homme s'initie aux grandes littératures occidentales et aux langues européennes : l'allemand, l'espagnol, l'anglais, le français. D'ailleurs, une partie de son œuvre littéraire est composée de traductions des textes cubains et allemands.
L'écrivain haïtien René Depestre qui avait rencontré Roumain en 1943 se souvient encore, comme il l'écrit dans un texte liminaire de ces «Oeuvres complètes», comment son aîné «mit le feu aux poudres de (son) imagination» en lui parlant de Faulkner et de Joyce, de Malraux et de Kafka, d'Hemingway et de Proust, de Maïakovski et de Lorca». Sa propre œuvre, Jacques Roumain la rédige entre 1925, alors qu'il est encore en Europe, et sa mort précoce survenue en Haïti, en 1944.
Cette oeuvre est composée d'essais qui sont autant de professions de foi communistes, publiées dans les pages des revues aux titres prometteurs : «La Trouée» et «La Revue indigène». Ces essais qui relèvent surtout de la théorie littéraire font l'apologie d'une littérature engagée, au service du «combat pour la défense et illustration de l'authenticité nationale d'une part, et pour la libération du territoire et les réformes sociales de l'autre», décrypte Léon-François Hoffmann.
La poésie de Jacques Roumain, composée en partie en Europe pendant ses années d'études et plus tard entre 1936 et 1941 lorsqu'il est exilé à Paris suite à sa fondation du Parti communiste haïtien, et en partie en Haïti, témoigne de l'évolution de la sensibilité du poète, passant du romantisme mélancolique à la poésie révolutionnaire et politique. Les poèmes qui constituent le recueil posthume Bois-d'ébène, évoquant la réalité haïtienne mais aussi la passion de l'homme noir, à la manière des poètes américains de la «negro-renaissance» dont l'Haïtien avait été proche.
Dans la partie de ce volume consacré plus spécifiquement aux fictions de Jacques Roumain, on pourra lire La Montagne ensorcelée et Gouverneurs de la rosée, deux romans qui ont fait la réputation de l'écrivain, mais aussi ses nouvelles qu'éditeurs et critiques ont négligées au profit de ses romans. Chargé de présenter l'œuvre romanesque de Roumain, l'universitaire Jean Michael Dash attire l'attention sur l'importance des nouvelles qui préfigurent, selon l'analyste, les motifs que le romancier haïtien va développer avec plus de moyens narratifs dans ses romans, notamment le thème de sa propre révolte contre son milieu social bourgeois et prospère.
«Cette crise est exacerbée, rapporte Dash, par le scandale d'une élite se concevant comme la seule représentante de la nation, méprisant la majorité paysanne de la population, et incapable de se réformer.» Ecrites entre 1928 et 1931, les nouvelles qui constituent deux recueils peu connus de l'écrivain, La Proie et l'ombre et Les Fantoches sont les révélations de ces «Oeuvres complètes», dont l'une des ambitions était, selon le coordinateur du volume Yves Chemla, de faire découvrir la «cohérence d'une vie et d'une œuvre». Une ambition très largement réussie, mais pour s'en rendre compte il ne faudra pas se laisser décourager par le format volumineux des ouvrages de la collection «Planète libre». Ce format si peu «reader-friendly» est peut-être le seul défaut qu'on puisse reprocher à ces volumes qui nous donnent à lire «l'insoutenable légèreté du monde».


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