«Dans l'intitulé, nous avons cette insigne impression qu'un druide celtique est passé par là pour nous montrer quelques arcanes secrets d'un art qui sort de l'ordinaire. Traitée indûment de nouvelle Baya, l'aberration est à son comble quand on traite son travail d'art naïf, pour ce qui relèverait dans une attitude fondamentalement contemporaine de figuration narrative plutôt. Dans une exposition passée, observée à la galerie Racim, quelque 77 tableaux de différents formats n'ont pas daigné nous raconter tout ce qui se passe dans l'esprit lumineux de cette artiste de talent, issue d'abord de l'univers de feu qu'est la céramique pour intégrer ensuite l'atelier Martinez et nous livrer ainsi une œuvre régulière, généreuse, ouverte, souvent enjouée, souvent mélancolique, mais jamais absoute de poésie. Cette druidesse de la couleur est Djahida Houadef, digne fille de Barika, là où le soleil fait chanter les abricots, et où les palmiers enfantent aussi des pommes délicieuses et des grenades qui craquent leur bonheur sous la dent. Houadef, devenue citadine depuis, «chante» sa propre mémoire en faisant de la peinture d'une manière compulsive, vivante, engagée pour les autres. Elle atterrit à la galerie Racim, en octobre dernier comme dans un retour obligé des choses, elle dit à ce sujet : «C'est une exposition qui s'est mise sur les rails vers un lieu illustre, celui de la galerie Mohammed Racim. Un lieu historique où la peinture algérienne a connu ses jours de gloire et a vu défiler de nombreux artistes, qui ont su défier les ignorances, les vents et les marées et qui ont su aussi séduire les profanes et sensibiliser un système fermé à la culture du beau. Ils ont majestueusement et fertilement occupé le lieu. Avec leurs productions, ils ont marqué leur temps et ont même réussi à faire sortir leurs œuvres au-delà des murs de la galerie pour représenter l'Algérie à travers le monde entier. Mon exposition se veut spirituellement saisissante. Elle a créé en moi un sentiment de nostalgie, celui d'une quête révolutionnaire, celle où l'on croyait fortement à ce qu'on faisait, celle où la volonté dépassait toute tentative d'abandon. Un ressourcement indispensable à suivre attentivement pour stabiliser les intuitions et larguer ses amarres. Une clairvoyance n'est-elle pas mieux captivée que sur une solide fondation ! J'ai entamé cette exposition tout en étant chargée d'un sentiment de renaissance, celle de revivre une réussite réalisée, celle de prendre en exemple les existences des belles âmes. J'ai déballé mes œuvres triées comme des fragments de mon histoire, celles de toutes mes expériences à travers ses diverses collections. Avec optimisme, j'ai scruté ce sentier avec un bouquet de chacun de mes jardins. Une belle manière de marquer les arrêts pour s'accomplir, se régénérer, avoir du repli et comprendre la répartition des sillons en éveil. Une sorte de rétrospective pour reprendre le souffle nécessaire pour le recommencement. Cette exposition vient s'ajouter à la liste des précédentes que cette galerie a connues. Elle est tout à fait sur le rituel de son temps. Elle se veut comme un appel déclenché, à maintenir avec ses mains et ses dents, et à soutenir ses portées pour l'accouchement pour la pérennité. Nul n'a le droit au recul, surtout que l'art, chez nous, est déjà sur la lancé. Ceci dit, un seul acteur ne saura sur quel pied évoluer, sa force et sa performance ne trouveront puissance qu'avec toutes les énergies rassemblées de tous bords et tous horizons. L'ensemble de mes œuvres ne pourra être mieux abrité que dans ce lieu symbolique, une exposition comme une cerise sur le gâteau ! Ce fameux passage qui nous a montré une infinité de travaux sur plusieurs techniques est ancrée dans la stylistique particulière à la plasticienne, elle a invité le 20 octobre dernier la conteuse aux yeux de lapis lazulis, Assia Lafi, pour une session avec les enfants, conquis par ces deux passionnées de l'enfance qui ont offert «mille et une histoires» aux bambins du cru, en passant par le dessin et coloriage. Nous sommes allés à la rencontre de cette artiste hors pair qui arrive à transformer des scènes apparemment triviales en jardins poétiques puissants, composés souvent d'une manière iconoclaste, asymétrique, en passant par une technique d'aplats qui se superposent pour installer un personnage, plusieurs mêmes, des scènes qui parlent d'une manière autonomes, entre courbures, arabesques, couleurs franches, tissus collés, techniques mixtes qui ouvrent tous le champs des possibles dans une interprétation heureusement ardue. Djahida Houadef, entre formats minuscules, et d'autres assez majestueux laisse sa sensibilité heurter nos sens par son incursion aujourd'hui dans une originalité irisée qui laisse peu de chance à l'assurance, sur ses tableaux nous sommes tout le temps entre deux eaux, flottant dans les concepts et les départs imaginaires sans cesse sur le qui-vive, les femmes sont les reines de son royaume, nous y sommes malgré tout sans arrêt invités dans son domaine fait des plus belles images, il ne se fait pas de refuser ses appels à la découverte de la quintessence de son talent.