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Frontières, lignes rouges, démarcations
Actualité
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 10 - 2020

Nous venons de recevoir, successivement, le patron des forces US pour l'Afrique, une délégation militaire russe chargée de la coopération militaire, enfin le Secrétaire d'Etat à la défense des Etats-Unis. Ces visites sont le prélude d'un repositionnement américain, en lien direct avec la situation en Méditerranée orientale influencée par la Russie et avec l'extension des routes chinoises de la soie vers l'Afrique en faisant d'Alger l'une de ses principales portes d'entrées sur le continent. Elles donneront l'occasion au Président Tebboune, de préciser sa stratégie sur l'enveloppe de notre influence dans la région aussi bien pour ce qui concerne la délimitation de nos frontières maritimes avec les pays du Nord de la Méditerranée – contestées par l'Italie et l'Espagne – qu'en relation avec des lignes rouges sur lesquelles la direction du pays issue d'un processus démocratique ne transigera pas afin d'éviter le pourrissement de la situation en Libye, au Mali, au Niger et au Sahara occidental. Le récent changement de pied américain au profit de la Grèce, sous l'influence d'une inspiration israélienne antiturque, vise à s'opposer au gaz russe tout en ouvrant une fenêtre de convergences en Méditerranée occidentale aussi bien avec l'Algérie qu'avec la Libye. Reste pour les Algériens à bien saisir les nuances d'une telle esquisse d'opportunités en se démarquant d'un contexte en évolution rapide. La nature de notre géographie à forte pénétration géostratégique, nous oblige à maintenir notre effort d'équipements pour la guerre tout en ajustant la nécessaire coopération militaire pacifique avec l'ensemble de nos partenaires qui ont des visées directes sur le processus en gestation du Maghreb arabe. En raison du statut de première puissance mondiale des Etats-Unis, il est impératif de circonscrire l'intersection de nos intérêts communs aussi bien sur les plans énergétiques, politiques, diplomatiques et cela sans perdre de vue la souplesse tactique dont sait faire preuve l'Etat-Major américain en fonction d'intérêts liés aux questions géopolitiques et énergétiques qui se multiplient autour du bassin méditerranéen.
Pour comprendre le sens profond de la visite du Secrétaire d'Etat à la défense Mark Thomas Esper au Maghreb, il faut suivre les voyages diplomatiques d'un autre Secrétaire d'Etat américain, celui aux Affaires étrangères, Mike Pompéo. Ce dernier s'est rendu en Grèce et s'est exprimé à partir de la base navale de l'OTAN à Souda, en Crète. Ce n'est pas mis sur le compte du hasard par des Turcs attentifs aux moindres évolutions des rapports de force dans une région en pleine renégociation des délimitations des zones maritimes riches en hydrocarbures. La France ayant échoué à établir une pression suffisamment importante sur la Turquie qui n'attend d'elle plus rien en retour, et certainement pas un début d'intégration politique au sein de la CEE, laisse aux Américains le soin de régler les différends européens. L'Amérique imposera les découpages maritimes à sa guise pour accommoder non seulement les intérêts de ses compagnies pétrolières mais également ceux d'Israël, à la recherche d'une évacuation du gisement de gaz (dénommé le Léviathan) découvert au large de ses côtes et qu'elle voudrait faire passer par... la Crète et la Grèce.
En l'absence de données fiables sur la taille réelle de ce gisement, il est autorisé de s'interroger sur la faisabilité d'un tel gazoduc sous-marin, au vu de sa longueur aussi impressionnante que les contentieux qu'il charrie, pour approvisionner les besoins énergétiques européens en concurrence du Turkstream russe et accessoirement de nos propres gazoducs. Nous pourrions assister à une instrumentalisation de la promotion de cette nouvelle autoroute énergétique par l'alliance américano-israélienne, pour aligner des rapports de force désormais inscrits, pour cette région du monde, dans un momentum russo-turc, accéléré par la situation syrienne et libyenne mais opportunément ralenti par les développements conflictuels récents entre l'Arménie (parrainée par la Russie) et l'Azerbaïdjan (sous influence turque).
La concomitance des évènements est trop flagrante pour ne pas autoriser l'hypothèse d'un contre-feu allumé par les stratèges de l'OTAN pour réveiller les vieux démons caucasiens en contrepoint du succès du Nord Stream ayant finalement reçu le feu vert des autorités danoises pour alimenter les besoins de l'industrie allemande. Cette même préoccupation de freinage de dynamiques jugées trop favorables à une alliance russo-turque contre nature aux yeux des Américains caractérise le voyage au Maghreb de Mark Esper, le Secrétaire d'Etat à la défense de Donald Trump avec une attention portée sur l'Algérie car elle représente le point d'Archimède à partir duquel «on peut se tenir ferme pour ébranler la terre» pour reprendre une expression prêtée au philosophe grec.
L'Algérie, cœur battant du Maghreb arabe
En effet, l'Algérie est le seul pays d'Afrique possédant 9 voisins (7 sur terre et 2 en mer, l'Espagne et l'Italie), dont la masse s'impose aussi bien en direction du détroit de Gibraltar que du verrou sicilien mais encore plongeant profondément au cœur des pays sahéliens. L'importance de son domaine maritime, son incontournable réalité minière se superposant à ses richesses énergétiques fossiles remarquables mais aussi à ses gisements renouvelables du solaire et du sable source de silicium, sa vitalité démographique, sa démocratisation d'ordre sociétale productrice d'universalismes culturels modernes, son partenariat s'ouvrant inéluctablement en raison de l'immensité même de son territoire à la sollicitation de visions mondialisées portées naturellement par la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne et l'Allemagne lui confère une place importante sur le flanc Sud-Ouest de l'OTAN. Alger se découvre au fur et à mesure qu'elle sort de son face-à-face exclusif d'avec Paris, en pôle incontournable, à la croisée des influences arabo-afro-ouest européennes, en recherche d'une invention maghrébine qu'elle sait être, depuis la définition qui en a été faites par le mouvement national de l'Etoile Nord-Africaine, la clé de voute de sa destinée inéluctable.
Si la trajectoire est écrite, comme le destin des hommes est soumis à la volonté divine, nous avons tout intérêt à nous «hâter lentement» tant les routes de l'enfer sont pavées de bonnes intentions. Instruits de l'expérience chaotique en Méditerranée orientale, il nous parait indispensable de régler rapidement les différends à nos frontières maritimes avec l'Espagne et l'Italie. Nous fermerons ainsi la porte à toutes les manipulations possibles et les déstabilisations potentielles qui cherchent à nous déclasser comme un fournisseur important d'énergie du riche marché ouest-européen. Les grands efforts que nous déployons pour la restauration de la paix en Libye sont basés autant sur le principe de non-ingérence dans les affaires internes de pays souverains que sur celui, plus impérieux encore, de la solidarité en avenirs communs maghrébins. Un seul de ces deux axiomes rencontre, en heureuse circonstance, la position américaine qui se prononce, pour ce qui concerne la Libye – mais pas pour la Palestine, ni l'Afghanistan, ni l'Irak, ni la Syrie, ni le Yémen – contre la présence de troupes étrangères et donc contre celle des conseillers turcs et leurs milices radicales ainsi que les contractants jouant le rôle de chiens de guerre de la Russie. L'unification à terme des marchés maghrébins n'est pas une préoccupation immédiate américaine.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle invite l'armée algérienne à une implication plus forte chez ses voisins sahéliens. Ce que réfute catégoriquement la Direction du pays car le jour où elle cèderait à ces sirènes, cela en serait fini de l'objectif fédéral maghrébin qui ne saurait s'accommoder de velléités à la prussienne. C'est là une ligne rouge que nous ne franchirons pas au risque d'oblitérer les perspectives imprimées dans l'intimité de notre personnalité historique. Ce qui intéresse dans l'immédiat les convergences algéro-américaines, c'est la manière de contrôler les routes sahéliennes (celles des trafics des hommes, des cigarettes, des drogues, des armes, de la fausse-monnaie, des enlèvements, du terrorisme) impactant directement la Libye et les pays du Sahel. Dans ce contexte, nous pouvons désormais espérer recevoir enfin des équipements spécialisés aériens en guerre électronique commandés de trop longue date mais jamais livrés. Cela est d'autant plus urgent que Tripoli s'enfonce dangereusement dans un pourrissement qui mènera d'abord à la somalisation intra-libyenne, puis inéluctablement aux affrontements entre Touarègues et Toubous avec leurs conséquences porteuses d'éclatements d'Etats sahéliens aux structures institutionnelles faméliques.
Il se trouve que l'analyse américaine pour les pays du Sahel rejoint, pour l'essentiel, celle des autorités algériennes bien plus que celle des centres de décision français (perçus comme concurrents et exclusifs en matière d'exploitation de richesses de toutes sortes). Cependant les Américains ne trouvent pas, chez les Algériens, la disponibilité militaire qu'ils recherchent et s'en remettent par défaut aux Français. Notre stratégie semble cependant gagner du terrain au vu des récents développements au Mali qui soulignent toute la prétention à vouloir régler une question d'intégration nationale par des moyens coercitifs. Par ailleurs, le retour d'expérience irakien de l'armée US a peut-être fait évoluer une doctrine s'appuyant exclusivement sur la force, là ou une vision intégrée de la sécurité nationale voire de l'architecture régionale serait plus pertinente. Gageons qu'aura été réaffirmée notre seule obsession légitime, la préservation de l'intégrité algérienne dans une expression d'intérêts maghrébins en devenir, que des forces centrifuges régionales menacent.
Un mode d'action en logique d'intégration régionale
En maintenant des lignes de démarcations fermes entre la nécessaire coopération anti-terroriste internationale que les forces algériennes sont capables de mener sur l'ensemble de la région (C'est la démarche du CEMOC qu'il est nécessaire de relancer) en s'appuyant sur la souveraineté des Etats concernés et le respect absolu des légitimités populaires, Alger propose non seulement un mode opératoire à plusieurs niveaux d'interventions (de l'aide humanitaire à un appui militaire ponctuel en passant par des logiques de développements économiques et d'échanges commerciaux) mais façonne dans le même temps les principes qui aboutiront à la convergence des efforts pour des mises en œuvre partagées, librement consenties, seules à même de bâtir des synergies, et, pourquoi pas, à terme, un marché de libre circulation des marchandises et des hommes comme extension naturel d'un noyau maghrébin producteur de sens politiques et de richesses économiques pour l'ensemble de la sous-région.
Cette démarcation revendiquée par Alger entre les objectifs à atteindre pour abaisser les tensions régionales et le mode opérationnel de mise en œuvre s'appuyant sur une morale politique exemplaire est une voie difficile à suivre mais elle est la seule viable. Cette persévérance n'est recevable aux yeux des Américains que si le pays lui réserve un large accès à ses ressources énergétiques en cours de discussions avec les grandes compagnies américaines, d'autant que l'équipement de nos vecteurs de force continuera sur le long terme à être d'origine russe alors que nos infrastructures de tous types se développeront au rythme de la coopération fructueuse avec Pékin.
La France vient de connaître une série de revers dont elle aura du mal à se remettre sur le long terme (Libye, Tunisie, Turquie, Liban, Biélorussie). La Libye et même le Mali s'inscrivent désormais dans des agendas américains qui recherchent une plus grande implication en Afrique dont tous les experts prédisent qu'elle reste une terre de grandes découvertes énergétiques et minières. Les progrès de l'intégration politique et bientôt économiques à une échelle continentale, la mondialisation du commerce africain, l'implication chinoise en investissements de très grande ampleur changent la donne. Les Etats-Unis, première puissance mondiale ne peuvent y rester insensibles et se trouvent à la recherche de partenaires expérimentés et fiables. Tel est le sens du voyage du Chef du Pentagone dans notre pays.


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