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La recherche d'une vérité sur certains épisodes de la colonisation (XXIII)
Lettre à René
Publié dans La Nouvelle République le 09 - 11 - 2021

À son ami René, mais en fait aux générations montantes, Kamel Bouchama rappelle ce qu'entraîna l'acte odieux adopté par le parlement français en janvier 1830. Hélas, cinq mois après, les hordes colonialistes, commandées par de Bourmont, débarquaient sur la presqu'île de Sidi Fredj, amenant ainsi l'Algérie à engager une lutte incessante pour son indépendance... L'avenir, dit l'auteur de «Lettre à René» en filigrane, appartient aux peuples qui le construisent ensemble, une fois soustraites les lourdeurs du passé. Là, où notre vieille garde militante n'a pas cru bon devoir consigner son témoignage, ce livre vient au bon moment. Il devrait de ce fait, être mis entre les mains de tous les jeunes.
En 1871, dans la commune de Seddouk, dans la vallée de la Soummam, l'école coranique mobilisa pour l'insurrection 15.000 moudjahidine, en une seule journée, pour mener le combat contre l'envahisseur. Elle fut entièrement détruite après l'échec de l'insurrection et, ce qu'il en restait, fut rasé pendant la Révolution de 1954.
L'école, la «médersa» ou zaouia de Sidi Ali Ouyahia, dans la tribu des Beni Koufi (daïra de Boghni) a été fondée au IXe siècle de l'Hégire. Elle s'était consacrée à l'étude du Livre Saint, à la jurisprudence islamique, à l'exégèse, à la langue arabe et à la lutte contre le travail pernicieux des missionnaires de l'évangélisation. D'ailleurs, et il faut le dire pour l'Histoire, le travail éminemment efficace de cette médersa ne permit pas à l'autorité française de s'établir dans la commune. Ainsi, la population se souviendra toujours de cette funeste journée de l'année 1958 où leur école, sanctuaire du savoir et du nationalisme, fut bombardée par l'aviation française et complètement détruite.
Celle de Sidi Yahia El-Adli, fondée au début du XVe siècle de l'ère chrétienne, fut un établissement d'une grande renommée dans la région de Béjaïa, plus exactement dans la commune de Tameqra. Cette école fut détruite au début de l'occupation française, elle le fut une seconde fois pendant le soulèvement de 1871. En 1955, elle comptait plus de trois cents élèves, sous la direction de cheikh Mohamed Tahar Aït 'Aldjet qui n'hésita pas, en 1956, quand elle fut encore soumise à de rudes épreuves pour être enfin complètement détruite, à rejoindre l'ALN avec ses professeurs et une grande partie de ses élèves. Ce maître vénéré fut un brillant officier de l'ALN et compagnon d'armes du colonel Amirouche. Plus de cent jeunes de cette médersa combattante sont tombés en héros pour que vive l'Algérie et triomphent la justice et l'Islam.
Ces écoles militantes furent l'objet de tracasseries administratives, de diverses vexations et de persécutions, depuis le début de la colonisation. Plus tard, pendant la guerre de Libération nationale, elles furent exposées à toutes sortes de brimades, allant jusqu'à la fermeture arbitraire de plusieurs d'entre elles et à leur destruction systématique par les bombardements et les incendies répétés, ensevelissant à jamais de véritables trésors, constitués de riches manuscrits et d'opulentes bibliothèques. Les enseignants (les talebs dans la sémantique populaire) ainsi que les élèves ne furent pas épargnés. La plupart furent arrêtés ou tués, sous de fallacieux chefs d'inculpation, d'autres furent interdits de séjour et exilés dans des régions où ils ne pouvaient poursuivre leur mission d'éducation. C'est dire que la France coloniale savait où frapper. Car, hormis quelques écoles, implantées sous le régime de zaouias, qui devenaient les relais d'une politique totalement étrangère à notre culture, et qui faisaient dans le travail de sape et l'allégeance au colonialisme, voire dans la trahison – il ne faut pas occulter cette réalité –, les autres étaient, pour la plupart, les bastions d'une lutte opiniâtre pour le devenir d'un pays jaloux de son passé et de son authenticité, depuis la profonde Berbérie jusqu'aux conquêtes de l'Islam.
Outre ces lieux du culte, il y avait d'autres sanctuaires religieux qui conservaient l'Islam, cet Islam modéré et pur. Il y avait d'autres «écoles», plutôt des confréries qui, également, avaient souffert avec le colonialisme. Toujours, à titre d'exemple, je te livre René des chroniques qui peuvent t'aider à la compréhension de ce phénomène de rejet de l'armée coloniale et de certains tenants du christianisme.
Il y eut les Derqaoua de Sidi Adda, descendants de Sidi Bouabdallah, chef d'une famille illustre de la région de Chlef, inhumé à Oued-Rhiou. Ils vécurent sous l'autorité morale de Sidi Adda Ben Ghalamallah dont l'influence partait de sa zaouïa des Ouled Lakred jusqu'aux zaouïas du cheikh Bouchentouf à Tighenif et Sidi Missoum au Ghrib.
Les Derqaoua ne se laissaient pas facilement faire comme les adeptes d'autres confréries, selon les aveux des colonialistes qui connurent leur fougue et leur passion dans leur rejet de l'injustice et, plus tard, de l'oppression, du temps de l'occupation française. Les Derqaoua furent mêlés à de nombreuses révoltes tant en Algérie contre les Turcs qu'au Maroc contre les sultans. On les présente généralement comme des fanatiques toujours enclins à la rébellion contre le pouvoir établi, d'après Depont et Coppolani, qui écrivaient, en 1897, dans un ouvrage parlant des Confréries religieuses musulmanes :
«Dans tous les mouvements insurrectionnels dont l'Algérie et le Maroc furent le théâtre depuis la formation de la confrérie, l'on a trouvé partout la main de ces hommes en haillons, de ces puritains de l'Islam, de ces derviches fanatisés par des prédications ardentes, qui sont les chadélia-Derqaouia».
C'est pour cela qu'en 1954, début de la lutte de libération nationale, la confrérie était bien surveillée par l'administration coloniale qui insistait auprès de ses collectivités pour qu'elles ne perdent pas de vue les agissements de tous les adeptes derqaouis, connaissant leurs grandes capacités d'établir et d'organiser des liaisons avec le Maroc. Effectivement, cette confrérie eut d'énormes problèmes, à l'instar des autres qui ne plièrent jamais devant les injonctions des militaires et de l'administration coloniale.
Des abus, toujours des abus, pendant cette guerre qui nous semblait ne jamais se terminer. Nos combattants ne désemparaient pas, nos jeunes se mobilisaient de plus en plus et les colonialistes impénitents, au plan de la tromperie, déclaraient, dans leurs discours triomphalistes, que nous étions affaissés, cloués au sol par les bienfaits de leur pacification. En réalité, nous étions épuisés et accablés par la torture et la peur. Ils n'évaluaient pas le danger qu'ils causaient à l'Humanité, en oppressant un peuple comme le nôtre qui ne demandait que ses droits légitimes. Notre problème était posé devant le monde entier et les représailles contre les civils redoublaient de cruauté, de même que l'intensification de l'action militaire, la création de «zones interdites» et de «camps de regroupement», le vote de pouvoirs spéciaux pour les généraux en place, la mascarade du «13 mai» avec la «fraternisation» et la création des comités de «salut public». Oui, le monde entier connaissait les souffrances et les larmes de notre peuple assoiffé de liberté.
René, mon ami,
Ceux qui voulaient mettre en exergue les bienfaits de la colonisation peuvent-ils cacher à la face du monde les massacres de populations, même s'ils se défendaient de les avoir commis ? Peuvent-ils oublier ces assassinats collectifs, ces viols, et ces pillages perpétrés par ce détachement de l'armée française, dans les Aurès en juin 1956 et qu'un administrateur civil – plus correct et plus humain – avait dénoncés en ces termes :
« Il faut que soit bien affirmé que nous nous désolidarisons de tous ces procédés barbares ! »
C'était la conclusion de son rapport. Peuvent-ils ne pas se rappeler de ces scènes d'horreur qui se sont déroulées à Annaba, anciennement Bône, en ce 19 août de la même année quand, après un attentat commis par un de nos vaillants «fidaiyne» – on les appelait des «terroristes» –, l'armée coloniale a semé la terreur ? Oui, elle a commis l'irréparable. D'ailleurs c'est une historienne française, Georgette Elgey, qui en parle avec écœurement et répugnance :
«La population musulmane terrorisée subissait l'assaut d'une foule de militaires, pour la plupart permissionnaires, armés seulement de poignards, de gourdins, de morceaux de chaises ou d'objets divers saisis à la terrasse des cafés maures. Cela dura au moins 90 minutes. Le bilan final fut de 21 morts et 17 blessés graves. Le nombre des blessés légers qui préfèrent ne pas se faire connaître est inconnu, mais doit être de l'ordre de quelques dizaines. La plupart des morts sont, comme les blessés, des pauvres gens dont le seul tort, si c'en est un, fut de se trouver sur les chemins des hordes déchaînées et de ne pas savoir fuir assez vite...Il est difficile d'imaginer que des soldats français puissent commettre des atrocités. C'est pourtant le cas ici».
Peuvent-ils occulter ce massacre, pire ce génocide des 4 et 5 mai 1959, lorsque cette même armée de mercenaires a abattu, froidement, à la grenade, dans la grotte du Kouif, 112 Algériens, en majorité des femmes et des enfants ?
Peuvent-ils taire cette barbarie que les «forces de l'ordre» ont si rapidement ressuscitée en ces manifestations du 11 décembre 1960 où les jeunes étaient sortis, les mains nues, pour crier leur refus du colonialisme et de l'exploitation ? Des jeunes étaient tombés sous leurs balles assassines ! Ils n'eurent même pas le temps de relever la tête pour faire leur dernière prière. Leurs mitrailleuses étaient là, pointées avec insolence, pour ravir l'innocence de ces pauvres gamins. Le journal Le Monde annonçait «135 000 soldats, cinq compagnies de CRS et de gendarmes mobiles qui étaient sur le pied de guerre, dans la seule ville d'Alger.» Le Figaro écrivait, après avoir décrit des scènes «hallucinantes », «fantasmagoriques» – c'était des termes qu'il avait employés dans son article – :
«Un avion d'observation donnait l'alerte. Gendarmes mobiles et «paras» interviennent rapidement. L'accrochage a fait des morts et des blessés. Les mêmes scènes sanglantes devaient se répéter à Miliana, Bérard, Zéralda et en de nombreuses localités de l'Algérois».
Vont-ils nous obliger à oublier ces odieuses chasses au faciès et ces lynchages en séries tolérés par votre armée de «pacification» ? Tu m'excuses René si chaque fois, je te tarabuste avec ces termes non élogieux et principalement par cet euphémisme de pacification. Je reviens à mon constat : Vont-ils nous obliger à leur pardonner cette répression monstre «d'Octobre à Paris», voire ce massacre d'Etat, lorsque la réponse fut donnée avec une telle violence à plus de 80.000 Algériens qui sont sortis pour s'exprimer pacifiquement en clamant à la population française et à l'opinion internationale leur indignation contre votre politique colonialiste ? Sauront-ils cacher les massacres, les «ratonnades» et les centaines de cadavres d'Algériens que charriait la Seine, indifférente, insensible..., ces Algériens qu'on précipita et noya dans ses eaux glacées en cette nuit d'octobre ?
(A suivre)


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