Le dernier rapport de l'organisation non-gouvernementale Swissaid a révélé l'ampleur de l'exportation illégale d'or depuis le continent africain. Cette organisation estime la quantité d'or qui quitte illégalement le continent africain à une tonne par jour. En 2022, ce ne sont pas moins de 435 tonnes, représentant une valeur de 31 milliards de dollars, qui sont sortie frauduleusement du continent noir. L'enquête de Swissaid a concerné 54 pays africains. Le rapport souligne que « l'or illégal est principalement acheminé vers les Emirats Arabes Unis. Dubaï, en particulier, est devenu une plaque tournante pour l'or provenant de sources douteuses ». L'étude estime qu'au cours des onze dernières années, 2.569 tonnes d'or africain ont été exportées illégalement à Dubaï pour une valeur de 115,3 milliards de dollars.En suivant la piste du trafic illégale d'or à destination de Dubaï nous trouvons des pays africains déstabilisés, minés par les conflits et le terrorisme. En 2021 et avec 85 tonnes, le Soudan figurait parmi les plus grands pays producteurs d'or en Afrique. Le 9 mai 2019, un hélicoptère transportant 84 kilos d'or non déclaré est intercepté par les autorités soudanaises. Selon les autorités de ce pays à l'époque, l'hélicoptère ne disposait pas des autorisations nécessaires avant son décollage. L'or appartenait à la société marocaine Managem, une filiale du groupe Al Mada, dont le propriétaire n'est autre que le roi Mohammed 6. Ces dernières années, Managem a investi dans la production d'or en Afrique. Elle a acquis de petites mines au Sénégal, au Mali et en Guinée. Il n'est pas à écarter que cette cargaison d'or non déclaré au Soudan était à destination de Dubaï. La société marocaine travaille pour le compte des marchands d'or des Emirats. En avril 2023, la guerre éclate au Soudan. Les forces armées de ce pays entrent en conflit avec les paramilitaires des forces de soutien rapide. Et les observateurs estiment que c'est l'argent du trafic illégal d'or qui finance cette guerre. L'implication des Emirats Arabes Unis, qui soutiens les forces de soutien rapide dans cette guerre est avérée. Les affaires de transferts illégaux d'or vers Dubaï en Afrique sont régulièrement rapportées par les médias. Au mois de septembre 2022, deux Comoriens et un Malgache en partance pour Dubaï sont arrêtés à l'aéroport de Moroni. Ils transportaient 49 kg d'or en lingots dissimulés dans leurs bagages avant de monter dans un jet privé. Leur arrestation permet de mettre au jour un vaste trafic, entre les Comores et Madagascar, spécialisé dans le transport d'or vers Dubaï. En avril 2023, c'est au tour du Zimbabwe d'ouvrir une enquête après des allégations de contrebande d'or et de blanchiment d'argent. En janvier 2024, 1.400 kg d'or sont saisis à l'aéroport d'Addis-Abeba, en Ethiopie. Cette quantité d'or provenait du Niger. Le Mali, l'autre grand producteur d'or en Afrique est lui aussi gravement pénalisé par le trafic illégal. En 2022, une année après le coup de force des militaires, le Mali a produit 72,2 tonnes d'or. En 2024, la production va tomber à 58 tonnes, dont six tonnes attribuées par les mines artisanales. Mais certains rapports estiment que la production artisanale de l'or dans ce pays varie entre 30 et 57 tonnes. L'écart est énorme. En 2017, un rapport de l'OCDE a évalué les exportations illégales d'or au Mali à 15 tonnes annuellement. Sois l'équivalent de 900 millions de dollars. Prix de l'or de l'époque. Le paradoxe, la junte militaire malienne éprouve actuellement des difficultés à trouver 94 millions de dollars pour rembourser une dette auprès d'une société de production d'électricité qui menace de couper le courant au peuple. Selon le rapport de Swissaid, les mineurs d'or africains à petite échelle «vendent leurs trouvailles à des intermédiaires ou à des raffineries locales, qui le font ensuite sortir d'Afrique. Cet or est étonnement facile à écouler sur le marché international». Le rapport poursuit : «L'or, soit il arrive par voie terrestre dans un autre pays africain, d'où il est exporté ver Dubaï, soit il est directement envoyé par avion à Dubaï». Une fois arrivé aux Emirats, les autorités ne posent pas de questions. «Dès qu'il est refondu, toute trace de son origine illégale disparaît». Une fois refondu à Dubaï, l'or arrive en Suisse de manière tout à fait légale relève le rapport de Swissaid. Entre 2012 et 2022, 1.670 tonnes d'or africain sont arrivées en Suisse via les Emirats Arabes Unis. Dans ce dernier pays, l'or représente 42 % des biens exportés, hors hydrocarbures et réexportation. Un poids important qui explique l'intérêt que portent les Emirats aux pays africains producteurs d'or. Au Soudan, un pays en guerre depuis 2023, les Emirats apportent un soutien total aux forces de soutien rapide. Au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Tchad, ils tentent de renforcer leur influence pour préserver ce trafic qui fait la prospérité de Dubaï. Pour les observateurs, le trafic illégal d'or et en raison des difficultés à tracer son parcours, sert en partie à financer les groupes terroristes qui prolifèrent et déstabilisent la région du Sahel. Cette manne sert également à financer les troupes de mercenaires sollicités par les juntes militaires de la région pour lutter contre le terrorisme. Depuis 2024, le prix de l'or a flambé sur les marchés mondiaux. La hausse a dépassé les 38 %. Un prix qui attise l'appétit pour l'or de Dubaï. En raison de la pauvreté persistante, l'orpaillage clandestin en Afrique subsaharienne va, lui aussi, suivre la croissance de la demande en or. En Algérie, conscient des dangers que fait peser l'orpaillage clandestin sur la sécurité nationale l'Armée Nationale Populaire mène une lutte implacable contre cette activité illicite dans le Grand Sud. Les interpellations et les saisies de matériels des orpailleurs clandestins ne cessent d'augmenter ces dernières années. Si le trafic illicite de l'or fait le bonheur des Emirats, en Afrique, il aggrave la pauvreté, le sous-développement et l'insécurité.