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Au cœur des Hauts Plateaux de l'Atlas saharien, Aflou offre bien plus qu'un paysage rude et majestueux Quand la pierre et le fil racontent l'histoire d'Aflou
Cette ville du Djebel Amour incarne une mémoire millénaire : celle des hommes qui ont gravé la roche pour raconter leur monde, mais aussi celle des femmes qui, par le tapis et le burnous, ont su transmettre un art du fil inégalé. Des gravures millénaires aux récits gravés dans la pierre Comme ses voisines El Bayadh, Laghouat, Aïn Sefra ou Tiaret, la région d'Aflou abrite de nombreuses stations rupestres datant du Néolithique. Situées dans la continuité géographique et culturelle des sites de Figuig et d'Aïn Sefra à l'ouest, elles annoncent celles de Tiaret à l'est. Dès le milieu du XIXe siècle, ces gravures attirent l'attention des chercheurs européens. Dès 1863, des explorateurs comme Gsell, Pome, Vaufrey, Frobenius ou encore Joleaud entreprennent des missions dans la région, multipliant les relevés et les publications. Leurs observations seront rassemblées, des décennies plus tard, dans des ouvrages de référence, comme ceux de la collection du Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques d'Alger, alors dirigé par Mouloud Mammeri. Parmi les chercheuses contemporaines, l'anthropologue Malika Hachid joue un rôle essentiel dans la valorisation de ces sites, en menant un travail patient de terrain depuis la fin des années 1970. Les stations les plus notables dans les environs d'Aflou portent des noms aux résonances locales : El Hamra, Fedjet El Kheil, Djebel Taggout, Kef Raaïlle, El Ghicha, ou encore Aïn Sefsafa. Aïn Sefsafa, joyau naturaliste À une dizaine de kilomètres d'El Ghicha, Aïn Sefsafa constitue sans doute le site le plus emblématique du secteur. La gravure découverte ici en 1898 par le capitaine Maumene a traversé les frontières. Elle représente un éléphant abritant son petit tapi contre une panthère. Cette œuvre saisissante a été qualifiée de « chef-d'œuvre de l'art naturaliste monumental » par la géologue et préhistorienne Ginette Aumassip. En 1986, elle a même été choisie par l'UNICEF comme emblème mondial de la protection de l'enfance, preuve que les messages des anciens peuvent encore toucher les consciences d'aujourd'hui. El Khotara et El Hamra : scènes de la vie animale Parmi les premières stations découvertes (en 1897), El Khotara rassemble des figures de rhinocéros, d'autruches et d'animaux non identifiés. À El Hamra, on observe une ânesse entourée de ses petits, un affrontement de buffles, ainsi que des éléphants et divers mammifères. Si certaines gravures y sont plus schématiques ou sommaires, elles témoignent néanmoins d'un lien profond entre l'homme de l'époque et son environnement. Le tapis d'Aflou : un art tissé de mémoire Mais Aflou ne se limite pas à l'art pariétal. Elle est aussi la terre d'un artisanat d'exception : celui du tapis du Djebel Amour. Réalisé avec une minutie transmise de génération en génération, ce tapis se distingue par ses teintes intenses — notamment le rouge et le noir, obtenus à partir de pigments naturels — et ses motifs géométriques aux noms évocateurs : regmet el kheznadji, el khentachia, el louchi... Selon certaines sources, l'influence ottomane y aurait laissé une empreinte particulière, peut-être grâce à une femme turque qui aurait joué un rôle déterminant dans la diffusion et la valorisation de cet artisanat local. Dès les années 1970, le tapis d'Aflou s'exporte et séduit à l'international. Il obtient des prix et des distinctions dans des capitales comme Paris, Berlin, Moscou ou Washington. Pourtant, malgré cette reconnaissance, il reste fidèle à ses racines : fabriqué à la main, dans le respect des traditions. Entre pierre et laine, une identité vivante Le territoire d'Aflou est à l'image de son patrimoine : dense, discret, profondément enraciné. De ses collines gravées à ses ateliers de tissage, il témoigne d'une culture fière, à la fois tellurique et vivante, où chaque forme, chaque trait, chaque fil raconte une histoire ancienne que les habitants continuent de faire vivre.