«Il est essentiel de parvenir immédiatement à un cessez-le-feu à Ghaza et à la libération inconditionnelle de tous les otages», a insisté jeudi António Guterres depuis Yokohama, au Japon, où il participait à une conférence internationale sur le développement de l'Afrique. Alors que l'occupant s'apprête à mettre à exécution son plan de prise de contrôle de la ville de Ghaza, le Secrétaire général de l'ONU hausse le ton, jugeant qu'une telle opération entraînerait « inévitablement» des pertes humaines et des destructions supplémentaires. Selon la presse, l'armée d'occupation israélienne a désormais encerclé l'enclave palestinienne, dans le nord de la bande. Le ministre de la défense de l'occupant sioniste, Israël Katz, aurait approuvé un plan de conquête de la ville, qui était jusqu'à récemment la plus peuplée de Palestine, avant que le génocide ne provoque le déplacement de la majeure partie de sa population. L'occupant aurait également ordonné le rappel de 60 000 réservistes pour mener à bien son opération, qui devrait se prolonger de plusieurs mois, jusqu'en 2026. Pas d'école pour les enfants de Ghaza À l'heure où la plupart des écoliers dans le monde se préparent pour la rentrée des classes, les enfants de Ghaza, eux, seront privés d'écoles pour la troisième année consécutive depuis le génocide. L'UNRWA, alerte sur les effets dramatiques de cette situation sur le long terme. «Au lieu d'apprendre, les enfants passent leur temps à chercher de l'eau et de la nourriture ». Près de 90 % des bâtiments scolaires ont été endommagés depuis le début du génocide et une génération entière est menacée d'être sacrifiée. Des Palestiniens attendent de la nourriture près d'une cuisine communautaire, dans l'ouest de la ville de Gaza. Parallèlement, la famine continue de se propager dans l'enclave. Selon de nouvelles données publiées jeudi par l'UNRWA, près d'un enfant gazaouis sur trois souffre désormais de malnutrition, soit six fois plus qu'avant la rupture du cessez-le-feu. « Il ne s'agit pas d'une catastrophe naturelle, mais bien d'une famine d'origine humaine et qui aurait pu être évitée ». Pendant ce temps, les entrepôts de l'ONU en Egypte et en Jordanie regorgent d'aide, bloquée aux frontières par l'occupant, dont le blocus humanitaire dure depuis plus de cinq mois. Depuis la mise en place par Israël, le 27 mai, d'un système de distribution d'aide militarisé, au moins 1 889 Palestiniens ont été tués alors qu'ils cherchaient à se procurer de la nourriture, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. La majorité des victimes auraient été tuées par l'armée israélienne à proximité des sites de distribution officiels ou le long des routes d'approvisionnement humanitaire. Travail des enfants Face à l'effondrement du quotidien, le travail des enfants se banalise. Entre juillet et mi-août, les partenaires de l'ONU ont constaté une hausse marquée des « activités dangereuses » : collecte de gravats, vente ambulante, travail informel sur les marchés. La mendicité et famine en forte hausse Au milieu du chaos, la réponse humanitaire continue d'être entravée par Israël : pénurie de carburant, personnel épuisé, accès restreint, fournitures bloquées. Même la distribution de bracelets d'identité, conçus pour éviter les séparations familiales lors des déplacements, a presque cessé, faute de stocks. Un enfant souffrant de malnutrition sévère est pris en charge à l'hôpital Abdel Aziz Al-Rantisi, dans la bande de Ghaza. Dans les pays voisins de la Palestine occupée, des milliers de tonnes d'aide alimentaire destinée à Ghaza s'entassent dans des entrepôts et attendent le feu vert de Tel Aviv pour être acheminées dans l'enclave palestinienne assiégée. Des agences de l'ONU mettent en garde sur les risques de détérioration et d'infestation de cette nourriture. Près de 100.000 enfants de moins de cinq ans ont été examinés depuis mars par son agence, qui constate une progression de la malnutrition aiguë à une vitesse alarmante. Un avenir de douleur «On a dû lui amputer une jambe et insérer des plaques métalliques dans l'autre, qui était fracturée. Elle souffre terriblement ». À l'hôpital Al-Shifa, une petite fille, Maryam Abu Alba, pleure de douleur. «La maison du voisin a été bombardée, et leur maison a été touchée », raconte sa grand-mère. Ghaza compte désormais le plus grand nombre d'enfants amputés par habitant au monde, la population civile est durement touchée par la guerre qui continue sans relâche. Les frappes aériennes et les tirs israéliens à proximité des centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Ghaza, soutenue par les Etats-Unis et Israël, ont entraîné une augmentation des décès et des blessures conduisant à des amputations. A Al-Shifa, le jeune Mohammad Hassan regarde sa jambe gauche lourdement bandée et le moignon où se trouvait autrefois à son pied. « J'allais acheter des falafels », raconte-t-il. « Sur le chemin du retour, j'ai levé les yeux et j'ai vu une roquette se diriger vers moi. J'ai essayé de courir, mais c'était trop rapide. Je me suis retrouvé plaqué contre le mur, et mon pied a été arraché. Puis quelqu'un m'a soulevé et emmené à cet hôpital ». Saturation des hôpitaux Sur le terrain, la situation humanitaire s'aggrave d'heure en heure. Selon l'OMS, les ordres d'évacuation et les bombardements massifs confinent la population dans des zones toujours plus réduites, transformant les hôpitaux en antichambres du chaos. Les deux principaux établissements de la ville Al-Shifa et Al-Ahli, fonctionnent à « environ 300% de leur capacité, avec un afflux constant de blessés souffrant de traumatismes complexes ». L'hôpital Al-Ahli, en particulier, de même que la Patient Friends Association, un autre centre de santé majeur de la ville, sont situés dans la zone d'évacuation définie par l'armée israélienne. Sans protection, l'OMS craint que les deux établissements ne soient prochainement mis hors service, ce qui aurait des conséquences catastrophiques pour la prise en charge des patients. Le matériel médical, déjà rare, s'épuise à vue d'œil. Sans un flux « soutenu, sans entrave et accru» de l'aide sanitaire, prévient l'OMS, le système hospitalier va s'effondre prochainement. En mai, la Fondation humanitaire de Ghaza a pris en charge la distribution de l'aide, contournant les itinéraires établis et réduisant considérablement le nombre de points de distribution à une poignée de centres fortifiés, une politique critiquée par l'ONU et les ONG partenaires. Lundi, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a qualifié les tentatives d'accès à ces sites de « poursuites mortelles ». Des milliers de Palestiniens ont été tués ou blessés depuis mai alors qu'ils cherchaient de la nourriture. Lorsque la Fondation a commencé ses opérations, Ibrahim Abdel Nabi était l'un des nombreux Palestiniens à se rendre dans ces centres dans l'espoir de trouver des provisions indispensables pour leurs familles. Dans sa tente, dans un site de déplacés du quartier côtier d'Al-Mawasi à Khan Younis, M. Nabi, entouré de sa femme et de ses enfants, explique comment le voyage s'est terminé par un désastre et des blessures qui ont bouleversé sa vie. « On nous a dit que la Fondation humanitaire de Ghaza avait ouvert ses portes pour distribuer de l'aide. À mon arrivée dans le quartier d'Al-Alam, à l'ouest de Rafah, j'ai été touché par une balle explosive à la jambe. J'ai saigné pendant environ une heure et demie, et personne n'est venu à mon secours. Ils cherchaient tous de la nourriture pour leurs enfants ». Finalement, un groupe de personnes est venu à son secours et l'a emmené à l'hôpital de la Croix-Rouge voisin. «J'y suis resté environ un mois et demi, subissant une douzaine d'opérations. J'ai souffert de malnutrition et j'ai perdu beaucoup de sang. L'infection s'est propagée et une partie de ma jambe a dû être amputée ». «Elle provoque une inflammation et aggrave la douleur. Nous n'avons ni soins médicaux ni fournitures, mais je l'utiliserai, même si ça fait très mal». Tandis qu'il parle, la femme de M. Nabi se met à pleurer. «Si Dieu le veut, nous survivrons à cette épreuve», affirme-t-elle. Nabi se lève avec des béquilles et se dirige vers une tente voisine, où sa femme l'aide à mettre la prothèse rudimentaire. «Ne te force pas», répète-t-elle sans cesse. « Prends ton temps. Marche lentement». Alors que Nabi tentait de se rétablir, il savait que sa famille manquait encore de nourriture. Malgré la douleur, il a décidé de fabriquer une prothèse simple avec les matériaux qu'il a pu trouver pour lui permettre de se remettre sur pied et de tenter à nouveau de trouver de la nourriture et de l'eau. «La prothèse me blesse la jambe ». Samir Sabek