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Quelle politique économique pour l'Algérie face au nouveau pouvoir mondial à l'horizon 2030 ? Rappel de l'intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul devant le gouvernement et les cadres de la nation
Cette présente contribution, sans changement, toujours d'une brulante actualité, au moment de la chute drastique du cours des hydrocarbures et des tensions budgétaires – comme actuellement pour l'année 2025, l'AIE prévoyant un baril de 65/67 dollars pour 2025 et moins de 60 dollars pour 2026 – gouverner c'est de prévoir tous les scénarios avec une baisse du niveau des réserves de change. Mais avons-nous été écouté, est mon intervention à Club des Pins (Alger), le 4 novembre 2012, en présence des membres du gouvernement dont M. le président de la république Abdelmadjid Tebboune qui était alors ministre de l'Habitat, la majorité des responsables des institutions de l'Etat civil et militaire, les syndicats, les représentants de la société civile, les députés et sénateurs sur le thème : « Quelle politique économique pour l'Algérie face au nouveau pouvoir économique mondial horizon 2030 ? ». Cette intervention faisait suite au débat à Radio France internationale (RFI), le 24 octobre 2012, à Paris, que j'avais tenu avec le professeur Antoine Half, d'Harvard, économiste en chef du président US Barack Obama, et qui était alors directeur de la prospective à l'AIE. Ci-joint la contribution intégrale. Premièrement, la politique économique doit tenir compte des engagements internationaux de l'Algérie et évaluer sans passion, les impacts des accords de libre-échange avec l'Europe, avec le monde arabe avec le continent Afrique, ainsi que les déséquilibres de la balance commerciale avec d'autres pays comme la Chine et la Russie, accords qui nécessitent des dégrèvements tarifaires progressifs ne pouvant pénétrer les marchés mondiaux ne règne une concurrence acerbe qu'avec des entreprises publiques et privées performantes, innovantes Sans compter l'assainissement des entreprises publiques qui ont coûté des centaines de milliards de dollars depuis 1970 avec des réévaluations incessantes du fait de la non-maturation des projets et de la non-maîtrise des coûts, avec 97/98% des exportations relevant des hydrocarbures y compris les dérivés. Deuxièmement, la forte croissance peut revenir en Algérie. Mais elle suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active dynamique, un savoir, le goût du risque et des innovations technologiques sans cesse actualisés, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d'attirer du capital et une ouverture à l'étranger. Ces réformes passent fondamentalement par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et l'équité, les politiques parleront de justice sociale. Troisièmement, la conduite d'ensemble de ces réformes ne peut ni être déléguée à tel ou tel ministre ni mise dans les mains de telle ou telle administration. Elle ne pourra être conduite que si, au plus haut niveau de l'Etat, une volonté politique forte les conduit et convainc les Algériens de leur importance d'où avec l'ère d'internet une communication active transparente permanente. Ensuite, chaque ministre devra recevoir une « feuille de route » personnelle complétant sa lettre de mission et reprenant l'ensemble des décisions qui relèvent de sa compétence. Au regard de l'importance des mesures à lancer et de l'urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l'accélération de projets et d'initiatives existantes, le vote d'une loi accompagnée, dès sa présentation au Parlement, des décrets d'application nécessaires à sa mise en œuvre et pour les urgences seulement des décisions par ordonnance pourront être utilisées. Quatrièmement, les actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigent le courage de réformer vite et massivement, non des plâtrages conjoncturelles mais de profondes réformes structurelles à tous les niveaux en ayant une vision stratégique pour le moyen et le long terme, devant donc réhabiliter la planification et le management stratégique L'Algérie peut y parvenir dans un délai raisonnable. Elle en a les moyens. Pour cela, elle doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, libérer l'initiative, la concurrence et l'innovation car le principal défi du XXIe pour l'Algérie sera la maîtrise du temps. Le monde ne nous attend pas et toute Nation qui n'avance pas recule forcément. Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l'appauvrissement, une perte de confiance en l'avenir puisqu' avec l'épuisement de la rente des hydrocarbures, l'Algérie n'aura plus les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l'emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Cette croissance exige l'engagement de tous, et pas seulement celui de l'Etat en organisant les solidarités devant concilier efficacité économique et équité par une participation citoyenne et un dialogue productif permanent. Cinquièmement, les différents gouvernements successifs ont vécu longtemps sur l'illusion de la rente éternelle. La majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir que l'avenir de l'emploi et de leur pouvoir d'achat n'est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n'est plus dans les subventions à répétition. L'essentiel de l'action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d'avenir, d'apprendre davantage, de s'adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d'oser. Sixièmement, la gouvernance doit également changer impliquant qu'il passe de l'Etat gestionnaire à l'Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés, étant le cœur de la conscience collective, par une gestion plus saine de ses différentes structures. Pour mener à bien ces réformes, l'Etat et les collectivités locales doivent être très largement réformés par une réelle décentralisation à ne pas confondre avec déconcentration et la création de nouvelles entités administratives bureaucratiques ( les nouvelles technologies à travers les réseaux permettant une gestion des régions éloignées) autour de sept à huit pôles économiques régionaux homogènes à ne pas confondre avec l'avatar du régionalisme qu'il y a lieu combattre car menaçant l'unité nationale. Septièmement, une plus grande rigueur budgétaire s'impose à tous les niveaux devant dépénaliser l'acte de gestion afin de ne pas décourager les créateurs de richesses, avec corruption en réhabilitant la Cour des comptes en léthargie. Les différents appa‹reils de l'Etat doivent réduire leur train de vie devant concentrer les moyens dans des segments à avantages comparatifs concurrentiels et sur les groupes sociaux qui en ont réellement besoin, faire place à la différenciation et à l'expérimentation, évaluer systématiquement toute décision, a priori et a posteriori en analysant tous les impacts politiques sociaux et économiques. Huitièmement, pour s'inscrire dans la croissance mondiale, l'Algérie doit d'abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l'informatique au travail en équipe, de l'arabe, du français, du chinois à l'anglais, du primaire au supérieur, de la crèche à la recherche. Elle doit ensuite faciliter la concurrence, la création et la croissance des entreprises, par la mise en place de moyens modernes de financement, la réduction du coût du travail et la simplification des règles de l'emploi. Elle doit favoriser l'épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont : le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l'environnement, les services à la personne avec le vieillissement de la population. Neuvièmement, il est nécessaire de créer les conditions d'une mobilité sociale, géographique et concurrentielle et de permettre à chacun de travailler mieux et plus, de changer plus facilement d'emploi, en toute sécurité, de concilier l'efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, en intégrant la sphère informelle représentant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, plus de 30% du PIB et non compris les hydrocarbures entre 40/50% de la superficie économique et de l'emploi, que l'on ne combat pas par des mesures administratives ayant comme effet son extension . Cependant, la justice sociale à laquelle je suis profondément attaché, ne signifiant pas égalitarisme, source de démotivation, n'est pas l'antinomie de l'efficacité économique. Mais toute nation ne peut distribuer plus que ce qu'elle produit annuellement, si elle veut éviter la dérive sociale. En résumé, l'Algérie dispose des compétences lui permettant de dépasser la situation actuelle. Pour cela, il est nécessaire d'avoir une vision positive de l'avenir et d'éviter les positions et comportements défaitistes. L'Algérie dispose de tous les atouts pour créer la richesse hors rente devant s'adapter au nouveau monde avec la transition numérique (lutter contre les cyberattaques) et énergétique à l'horizon 2030. L'entrave principale au développement en Algérie provient de l'entropie qu'il s'agit de dépasser impérativement, renvoyant pas seulement aux facteurs économiques mais également sociaux et politiques dont une autre gouvernance par la profonde moralisation des dirigeants et de la société. Espérons donc que cette présente rencontre ne sera pas encore des redites des anciennes propositions sans concrétisation réelle sur le terrain et permettra de dynamiser l'économie nationale, car en ce mois de novembre 2012, la configuration socioéconomique a peu évolué depuis de longues décennies, une économie de nature publique rentière. Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités