Le président de la République reçoit l'ambassadeur du Portugal à Alger    Le G3 est né à Carthage: Le Maghreb de l'action succède au Maghreb des slogans    Le président de la République décide d'attribuer à certains magistrats à la retraite le titre de «Magistrat honoraire»    «Le haut commandement attache un grand intérêt au moral des personnels»    Le bel hôtel de Mermoura accueillera ses clients dans les prochains jours    L'adhésion de l'Algérie à la Nouvelle banque de dévelop-pement sera bientôt finalisée    «Faire avorter les plans et menaces qui guettent l'Algérie sur les plans interne et externe»    Un avion d'affaires utilisé par le Mossad a atterri à Riyad    Ghaza : le bilan de l'agression sioniste passe à 34.488 martyrs    Arrestation de plusieurs individus lors d'une vaste opération    Les manifestations contre le génocide gagnent les campus européens    Exemples de leurs faits et gestes d'amour !    Ligue de diamant 2024 : L'Algérien Slimane Moula sacré sur 800 m à Suzhou    Les favoris au rendez-vous    Trois nouvelles médailles pour l'Algérie    Le développement entravé par 1.120.392.119 DA d'impayés    Vingt nouveaux établissements scolaires    165 étudiants participent à la 14ème édition de la manifestation nationale universitaire « Marcher en Montagne »    Des pluies à partir de lundi soir sur plusieurs wilayas    Valoriser le patrimoine architectural du vieux Ksar    Conférence sur «130 ans de cinéma italien à travers le regard des critiques»    Plusieurs monuments historiques proposés au classement    Tiaret: lancement prochain du projet de réaménagement du centre équestre Emir Abdelkader    Coupe de la CAF : RS Berkane continue dans sa provocation, l'USMA se retire    Festival du film méditerranéen : "une occasion rêvée de fidéliser le public au cinéma"    Armée sahraouie : nouvelles attaques contre les positions des forces de l'occupant marocain dans les secteurs d'El Mahbes et El Farsia    Constantine : l'hôtel Cirta, réhabilité et modernisé, rouvrira ses portes "dans les prochains jours"    Nouveau système électronique de cryptage des données pour le suivi des demandes d'importation    Ligue 1 Mobilis : le MCO bat le CRB et respire pour le maintien    Finance islamique: les produits proposés par les banques en Algérie sont en conformité avec la "Chaaria"    La wilaya de Mascara bénéficie d'un complexe de wakfs de l'Emir Abdelkader    La sécurité hydrique en Algérie, thème d'un colloque national à Béchar    L'Algérie a assuré tous les mécanismes de protection des personnes âgées et de renforcement de leur place sociale    Hidaoui salue "l'initiative intelligente de former les jeunes à la lutte contre les discours de haine"    Jijel : Rebiga préside la cérémonie commémorant le 66ème anniversaire de la bataille de Settara    Festival du film méditerranéen: les difficultés rencontrées par les cinéastes palestiniens soulevées    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La m?canique raciste
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 11 - 2008

À rebours des discours convenus de «l'antiracisme d'État», qui réduisent complaisamment l'oppression raciste à un réflexe naturel et compréhensible de «peur de l'autre», il souligne le caractère social et systémique du racisme français, et son enracinement dans notre culture : loin d'être naturel, le racisme est une production culturelle, et loin d'être une pathologie individuelle, qui ne concernerait que quelques extrémistes, il traverse toute la société, sous des formes plus ou moins distinguées, adaptées à tous les univers sociaux et à toutes les sensibilités politiques.
A l'heure où le passé colonial, le présent postcolonial et la question des «minorités visibles» font un retour violent dans le débat public, ce livre remonte à la racine du problème et en mesure tout l'enjeu : non pas «l'intégration», «le vivre-ensemble» et autres mascottes de l'antiracisme d'État, mais ni plus ni moins que l'égalité de traitement. Nous en publions, en exclusivité, l'introduction.
L'engagement dans différentes luttes politiques m'a, ces dernières années, amené à rencontrer et combattre le racisme sous diverses formes et à l'envisager sous des angles divers : comme concept, comme percept et comme affect. Le racisme est, en effet, une réalité complexe et multiforme, qui peut être appréhendée à la fois comme
- un corpus théorique, un édifice conceptuel, une conception du monde ;
- un rapport aux autres, une manière de percevoir l'autre, sa présence, son corps, sa parole ;
- un rapport à soi, un choix de vie, une manière d'être affecté et de vivre cette affection.
Le racisme comme concept
Envisagé sous l'angle de la logique, le racisme se caractérise par plusieurs opérations, dont la combinaison produit une conception du monde, une philosophie, une idéologie qui, à défaut d'être pertinente et estimable, possède une cohérence relative :
- la différenciation , c'est-à-dire la construction mentale d'une différence sur la base d'un critère choisi arbitrairement (la race, la culture, la religion, la couleur de peau…) ;
- la péjoration de cette différence (sa transformation en stigmate, c'est-à-dire en marqueur d'infamie ou d'infériorité) ;
- la focalisation sur ce critère et la réduction de l'individu à son stigmate (quiconque est – entre autres choses – noir, arabe, musulman ou juif, devient «un Noir», «un Arabe», «un musulman», « un juif », et chacun de ses faits et gestes trouve son explication dans cette identité unique) ;
- la naturalisation, l'essentialisation, l'amalgame, autrement dit : l'écrasement de toutes les différences d'époque, de lieu, de classe sociale ou de personnalité qui peuvent exister entre porteurs d'un mêmes stigmate («les Noirs», «les Arabes», «les musulmans» ou «les juifs» sont «tous les mêmes») ;
- la légitimation de l'inégalité de traitement par la moindre dignité des racisés (ils «méritent» d'être exclus ou violentés en tant qu'inaptes ou dangereux).
Pour résumer, le racisme est, sur le plan logique et idéologique, une conception particulière de l'égalité et la différence, une manière d'articuler ensemble ces deux concepts sur un mode particulier : celui de l'opposition radicale. Pour le dire plus simplement encore, le racisme est sur le plan conceptuel l'incapacité de penser ensemble l'égalité et la différence. C'est à cette incapacité – et à sa déconstruction – qu'est consacré le premier chapitre de ce livre.
Le racisme
comme percept
Mais le racisme n'est pas qu'une théorie. Comme toute idéologie, il s'insinue partout et se répercute directement dans la pratique en orientant, informant, construisant notre perception du monde extérieur. Il construit en particulier notre perception du corps de l'autre, ou plus précisément la différence entre notre perception des «autres ordinaires» – appréhendés, sans a-priori négatif, comme des êtres singuliers inconnus – et notre perception de «certains autres», «plus autres que les autres» : les racisés – appréhendés au contraire comme des exemplaires interchangeables d'une série déjà connue, et à ce titre identifiés a priori comme méprisables, redoutables ou repoussants. En même temps qu'une logique qui pose l'égalité et la différence comme antinomiques, le racisme est donc une esthétique, au sens où l'entend Jacques Rancière : une certaine manière de sentir – et de ne pas sentir. C'est à cette esthétique raciste qu'est consacré le second chapitre de ce livre, et à la manière dont elle «fait exister» les racisés comme des «corps d'exception» invisibles, infirmes, ou «furieux».
Le racisme comme affect
Enfin, le racisme n'est pas seulement une manière de penser l'altérité et une manière de sentir l'autre : c'est aussi une manière de se sentir et de se penser. En même temps qu'un rapport au monde et aux autres, c'est un certain rapport à soi. Sartre l'a souligné avec force dans son analyse de l'antisémitisme : adhérer au racisme, c'est non seulement adopter une certaine opinion sur les Noirs, les Arabes ou les juifs, mais aussi se choisir soi-même comme personne. S'il y a dans le racisme une part de choix individuel, elle réside moins dans le choix de la cible – construite et mise à disposition par la collectivité, en fonction d'enjeux socio-historiques, et simplement reçue en héritage par l'individu – que dans le choix préalable d'un certain mode de vie – et donc d'un certain personnage, d'un certain rôle pour soi-même. Le choix d'une «vie raciste», qu'on peut résumer par le mot privilège. Saisir la perche que nous tend une société, un État, une culture, une tradition racistes, choisir de mépriser, redouter ou détester les juifs, les Noirs ou les Arabes, c'est en effet choisir pour soi-même la position enviable du «Blanc», de l'«Aryen», du «vrai Français», bref :
- de celui qui, en infériorisant le groupe racisé, peut se vivre comme supérieur ;
- de celui qui, en l'accusant de tous les maux, peut du même coup s'en innocenter ;
- de celui qui, en choisissant l'aveuglement et les «raisonnements passionnels», échappe du même coup au doute, à l'incertitude, et à l'effort incessant vers le vrai ;
- de celui qui, en s'appuyant sur une discrimination systémique, accède plus facilement à des positions sociales dont sont exclus d'office les discriminés.
Pour le dire plus vite encore, le racisme est, sur le plan éthique, le choix d'adhérer à un certain rôle et de jouir d'une certaine position sociale : celle du dominant. C'est à cette question éthique qu'est consacré mon dernier chapitre. J'y aborde la question : «Que faire face au racisme ? » du seul point de vue qui m'est accessible : le mien – celui d'un Blanc qui occupe, dans les «rapports de race» tels qu'ils sont socialement construits dans notre république postcoloniale, la place du dominant.
Il manque donc un chapitre dans ce livre, que je ne suis par définition pas en mesure d'écrire : celui qui décrirait les multiples manières dont les concepts, percepts et affects racistes font système, alimentent une oppression, se manifestent sous forme d'actes – regards, paroles, discriminations – et sont de ce fait vécus, endurés, affrontés par celles et ceux qui les subissent. Ce chapitre, ce sont elles et eux – les racisé-e-s, les stigmatisé-e-s, les discriminé-e-s, les corps d'exception – qui l'écrivent, sous forme de livres, mais aussi de journaux, de tracts, de banderoles, de chants et de bien d'autres canaux d'expression.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.