Un projet visant, dans ce contexte, à mieux faire connaître en Algérie le patrimoine archivistique légué par le penseur algérien hors pair que fut Sayad a été annoncé par les participants à une table ronde initiée par le Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle d'Oran (CRASC) en partenariat avec le Centre culturel français (CCF). L'initiative en question ambitionne, notamment, la mise sur pied d'un programme d'échanges de chercheurs des deux pays dans le domaine ciblé, la mise à disposition des travaux de Sayad pour les universités algériennes ainsi que leur traduction en langue arabe. Ont été également suggérées la création d'un lexique ou répertoire usuel de citations de Sayad au profit des étudiants et l'organisation d'un colloque thématique international en Algérie. Cette rencontre qui se veut, selon les organisateurs, la première d'un cycle de rendez-vous trimestriels à Oran autour du fonds Sayad, a permis aux animateurs de mettre l'accent sur la dimension de cette personnalité incontournable dans la communauté scientifique. Ont pris part à la table ronde, Mme Tassadit Yacine, de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS, France), M. Yves Jammet, directeur de formation en difficulté et Mme Claudine Chaulet, professeur associé au département de sociologie de la Faculté des sciences humaines et sociales d'Alger. Leurs communications ont éclairé une nombreuse assistance majoritairement composée d'étudiants et d'enseignants qui ont pris connaissance, entre autres, de la consistance des archives léguées par Sayad, lesquelles sont conservées à la médiathèque inaugurée à son nom, en mars 2009, à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI, France). Selon M. Yves Jammet, qui a dirigé la formation des jeunes archivistes ayant procédé à l'inventaire du fonds Sayad, l'œuvre du sociologue algérien est de nature fragmentée, comportant 90 articles regroupés dans cinq livres et de nombreux documents évalués à 420 boîtes d'archives, des manuscrits pour la plupart mais également des photos et des enregistrements audio réalisés pour les besoins de ses recherches. Mme Tassadit Yacine a, quant à elle, rappelé que l'homme avait entamé ses travaux en France dans les années 1960, à une époque où la question de l'immigration était totalement absente du débat public dans ce pays. Elle a aussi insisté sur le fait que la tâche ne fut guère facile pour Sayad qui a vécu dans la précarité tant sur le plan matériel que médical pour avoir subi 14 opérations chirurgicales et 40 hospitalisations. «Abdelmalek Sayad a évolué dans des conditions qui l'ont placé à la fois comme sujet et objet, il n'a jamais eu de travail à plein temps, sauf de petites vacations à l'EHESS et quelques missions auprès de l'UNESCO», a fait savoir Mme Tassadit Yacine. Mme Claudine Chaulet, pour sa part, a indiqué que les travaux de Sayad doivent être exploités et complétés par d'autres études pour une bonne compréhension du phénomène tel qu'il est vécu de nos jours à travers les migrants illégaux dits «harragas». Des activités artistiques sur la même thématique ont été également animées à cette occasion, dont une vidéo signée Sadek Rahim qui examine le guet des bateaux par les candidats à l'émigration clandestine, un diaporama du photographe Bruno Seralongue sur les «errants de l'après-Sangatte» (les migrants qui cherchent, coûte que coûte, à rejoindre l'Angleterre via le nord de la France), et la présentation d'un projet théâtral sur la «harga» par une troupe locale. Abdelmalek Sayad est né, en 1933, à Sidi Aïch dans la wilaya de Béjaïa. Il effectue sa scolarité primaire et secondaire dans cette même wilaya avant d'entreprendre une formation d'instituteur à l'Ecole normale de Bouzaréah à Alger. Il poursuit ses études à l'université d'Alger où il fait connaissance avec le sociologue Pierre Bourdieu (1930-2002). Installé en France par la suite, il intègre le Centre de sociologie européenne de l'EHESS puis le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) où il fut directeur de recherches en sociologie jusqu'à son décès, le 13 mars 1998. Parmi ses ouvrages majeurs, Histoire et recherche identitaire, l'Immigration ou les paradoxes de l'altérité, et la Double absence : des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré préfacé par Pierre Bourdieu.
