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Entre courses et prières: Journée ordinaire d'un retraité
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 10 - 2009

Ils sont plus d'un million et ils ne font qu'un, nos retraités, même si, par pudeur, ne l'avouant pas ouvertement, n'attendent que le 22 de chaque mois pour aller s'abreuver là où la subsistance continue à leur être servie.
Bien sûr, le 22 du mois c'est le jour de virement de la pension. Ce petit presque, un bout de dignité, de quelques billets, comptés et recomptés, fait des fois l'actualité pour aussitôt retomber dans les oubliettes d'une arrière-scène nationale parasitée par tous les bruyants tiraillements corporatistes. A défaut de parcimonie, l'augmentation de 5% décidée le mois de mai de chaque année occupe pour un moment nos seniors pour qui la vie ne s'arrête pas à cela seulement, bien au contraire ! Seniors ou aînés: c'est comme ça qu'ils sont désignés sous d'autres cieux. Pour éloigner au loin la vieillesse, cette fatale déchéance qui, ne rimant plus avec l'après vie professionnelle, ne veut plus rien dire pour ceux qui aspirent à retarder le plus longtemps possible l'autre versant de l'existence sans trop de déclin. On vit de plus en plus longtemps. Et le retraité d'une fonderie d'il y a longtemps, déjà bien installé dans le troisième âge à 60 ans, n'est plus d'actualité, heureusement. A cinquante ans et plus, des carrières et des vies s'ouvrent de nouveau pour certains pour qui le poids de l'âge n'est que pure vue d'esprit.
Meubler le vide
Ahmed, ancien cadre moyen de la fonction publique, a 62 ans. Il ne les fait pas et ça lui fait plaisir surtout quand la remarque vient de la part des jeunes qui l'affublent de «âmmou» familier et affectif sobriquet. Sa carrière est omnipotente dans ses discussions en dépit de ses huit années d'inactivité. Un passé composé sans cesse renouvelé. Une vie réglée au papier millimétré et aux marques du rituel du temps qui coule inexorablement. Lever matinal, barbe rasée et tenue correcte. Quelques zapettes sur le téléviseur, cet ami fidèle, question de voir ce qui se passe ailleurs. Sortie vers les coups de 9 heures du matin. Il faut être de bonheur au marché pour choisir en premier. La mercuriale des prix est déjà dans la tête. Une longue balade entre les étals du marché de quartier, question de tuer le temps et de voir de plus près le mets du jour. Emplettes et retour vers le domicile non sans marquer le temps d'arrêt chez le buraliste du coin.
«Tnegriche» de la compagne, qui ne le craint plus comme auparavant, l'oblige à faire la sourde oreille quand il revient en retard. Habitué à ses continuelles jérémiades pour un rien, il la nargue en jouant l'indifférent. C'est vrai qu'il s'oublie, monsieur, quelque temps pour ne venir que juste avant midi des fois comme autrefois quand avec la désinvolture des années de l'insouciance, rentrait bien tard le soir. Journal plié dans la poche, petite rencontre avec des compagnons de même âge pour parler de tout et de rien, lui font perdre quelques instants précieux de son emploi du temps. Il est 11 heures (re)télévision. Lecture de son quotidien en diagonale et autre regard sur le journal télévisé du milieu de journée. Repas, pris toujours après la prière du Dohr. Sieste réparatrice et hygiène de vie. Lever avant la prière de l'Asr à accomplir dans la petite mosquée du proche voisinage: c'est la règle immuable.
Avec ses 22.700 dinars par mois, Ahmed se débrouille comme il peut pour finir le mois sans crédit. Il s'estime plus chanceux que tous ceux qui touchent moins que cela. Il arrive de les rencontrer dans les bureaux de poste en leur remplissant même des chèques où le nouvel avoir ne dépasse guère les 10.000 dinars. Lui, il a travaillé pendant 34 ans. Il touche le plein de ce que permet la législation. Il n'a pas de véhicule et il n'a pas de regrets ou perte de l'estime de soi comme c'est le syndrome de nombreux inactifs qui n'ont vécu et existé que pour ce qu'ils ont été un jour et qui se rencontrent, une fois parti, face à eux-mêmes, sans aucun artifice, ni auréolé d'aucun titre. Lui, pragmatique et peu profond dans ses pensées intimes, n'a pas de soucis à se faire dans ce domaine: la maison, un héritage familial, même modeste situé dans un quartier populaire, lui convient convenablement. Ses repères de toujours, depuis sa naissance, sont là dans ce fourmillant quartier qui a certes perdu de sa superbe et de ses anciens habitants, mais demeure encore foisonnant de vie, de bruits et de senteurs.
Ce qui compte pour lui c'est son petit chez-soi, tout son univers, cloîtré mais tranquille dans son gîte et dans son emploi du temps de tous les jours. Les enfants ? Fortunes diverses. L'aînée, mariée avec un cousin tranquille, mère de deux enfants. Son cadet, diplôme de DEUA international en poche, travaillant chez un transitaire avec 12.000 dinars par mois depuis deux années. Le père savait que ce diplôme ne mène pas loin sauf à atterrir chez ce transitaire qui a eu la gentillesse tout attentionnée de «déshydrater» le petit au travail, en attendant mieux. Le plus jeune est tôlier, il gagne bien sa vie, mais le paternel se fait du souci pour un métier très nuisible pour la santé à la longue.
Ne jamais sombrer
Notre retraité n'a jamais compris comment a été calculée la dernière augmentation de 5%. Normalement il devait percevoir 1.100 dinars d'augmentation alors qu'il n'en a reçu que 700 dinars. On lui a expliqué que cette hausse ne concerne que la pension principale qui est logiquement inférieure au net qui comprend entre autres indemnités de femme au foyer et pension complémentaire. Ajouter à cela la ponction de l'IRG qui continue d'être collé aux basques de ces inactifs qui ont déjà tout donné. A ne rien comprendre à tous ces calculs, se dit-il. Pourvu qu'il y ait hausse, car impossible, pense-t-il, de devoir s'accommoder d'une pension statique et rachitique connue 20 années à l'avance. L'espoir fait vivre, et les bonnes surprises sont le sel de la vie, surtout pour ceux qui en manquent tant, dira sûrement, en son for intérieur, notre bonhomme qui a toujours su se contenter du peu et de l'indispensable.
Avant la prière d'El Maghreb, grande discussion du match Algérie-Egypte, de la grippe H1N1, de l'Iran, de la Palestine et du temps qui fait. Retour au domicile juste après la dernière prière du soir. Télévision et repas du soir, léger avec son petit diabète, il ne faut pas trop se faire plaisir. Pas toujours, car les envies sont plus fortes que la retenue, Dieu merci, il y a le carnet du tiers payant pour l'acquisition du médicament gratuitement. Discussion avec les enfants des faits du jour. Le transitaire revient toujours exténué de son travail et le plus jeune, pressé comme toujours, est appelé par ses amis en fin de soirée, donne des soucis au paternel qui le suit de l'oeil et de loin, surtout durant les fins de semaines où il rentre tard. Sait-on jamais, à 25 ans on peut tout risquer même si sa mère qui le gâte et lui, la gâtant en retour en nature, sans qu'elle le dise ouvertement, le défend constamment avec vigueur contre ce père devenu liberticide. Le paternel, à 25 ans, était déjà père de famille. Et quand il revoit les photos de son mariage qui font rire ses enfants, il se dit que c'était hier, il y a 37 années de cela. Cheveux encore abondant tirés par un sèche-cheveux, maigre comme un clou dans son costume trois pièces, patte d'éléphant, entouré, dans un banquet, tenu dans le café du coin, maintenant disparu, par ses amis d'enfance, perdus de vue, depuis.
Une scolarité stoppée net à un niveau moyen, vie professionnelle, sans grand relief, calme et un peu monotone. Un solde de tout compte, vite englouti et une aventure professionnelle de courte durée, traumatisante quand le beau- frère, après la retraite, lui proposera un travail de caissier dans sa pharmacie. Mais c'était sans connaître le vrai visage de ce familier un peu grippe-sou qui lui mènera la vie dure pendant quelque mois. Jamais plus, il ne repensera travailler même à prix d'or. La pension de retraite et le train-train quotidien d'une vie suffisent à sa peine. Souci permanent, c'est de devoir placer le transitaire, il a l'âge du mariage et il ne veut pas que ce garçon sage et peu bavard continue à gâcher sa vie sans vraiment avancer. Il a en vue un lointain et vague cousin, haut responsable dans une entreprise qu'il compte accrocher pour un emploi pour son fils, s'il voudrait bien le reconnaître... les hésitations lui ont fait perdre beaucoup de choses.
La nuit, le sommeil léger et le coeur lourd, il comptera les étoiles en regardant, sans vraiment voir, les images défiler dans la lucarne et dans sa tête. Ses années de service national de la première classe de fin des années soixante, ses anciens projets avortés, d'une émigration sans cesse retardée par les parents qui ne sont plus de ce monde, les frères et soeurs éparpillés et les enfants qui grandissent. Un rêve éveillé et, chaque fois, pour tromper le désespoir, il se décide à entreprendre quelque chose d'anodin mais qui le projette dans le futur proche. Le vide est mortel, il se promet à la prochaine augmentation ou une rentrée d'argent inespérée, quelque peu soutenu par le tôlier, à retaper la cuisine, rien que pour le plaisir de le faire. Toujours un projet en tête, pour mieux supporter le vide abyssal d'une vie pas toujours facile, mais qui se laisse vaincre quand la volonté de ne pas se laisser abattre est plus forte que le trou noir de l'inaction. Des Ahmed, il y en a beaucoup qui survivent grâce à leur volonté, sans se plaindre, pourvu que la santé soit, et tout ira pour le mieux.


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