Les images du football local est la nouvelle arme pour faire décoller les abonnements de Canal Plus Maghreb en difficulté depuis son lancement il y a plus d'un an. Mais le piratage du " vrai " Canal Plus est toujours là. A moins que l'arrivée de la TNT ne change la donne. Dans l'intervalle, la saison risque d'être fatale. Sur le site du groupe Canal Plus Overseas, la filiale qui s'occupe de diffuser les programmes du bouquet Canal Plus dans le monde, notamment au Maghreb, une vidéo tourne en boucle : l'anAimateur sportif Rodolph Pires annonce, le plus enjoué possible, que " Canal " va désormais consacrer le week-end au championnat algérien de football avec un " plus " considérable, l'arrivée de Rabah Saadane en tant que consultant. Par ce choix - relativement coûteux, puisque le groupe va aussi "s'allouer les services des équipes techniques de la télévision algérienne " -, Canal Plus Maghreb décide, après une année d'existence et un ancien échec (Canal Plus Horizon), de jouer l'offensif par le football. Le grand bouquet à péage français sait pour autant qu'il en faut beaucoup plus pour battre l'adversaire dit " pirate " qui se professionnalise d'année en année. La saison risque d'être fatale. Une allure de " liquidation " Lorsqu'on visite la grande boutique Canal Plus d'Alger dans le fameux quartier de la présidence, le Golf, on a l'impression d'entrer dans une boutique en période de liquidation, à part une affiche, des " flyers " datés, et un écran plat qui diffuse avec une qualité moyenne un programme lambda, pas grand-chose à se mettre sous les yeux. L'hôtesse, un peu solitaire derrière son grand comptoir essaye tant bien que mal de combler le vide avec un sourire qui disparaît dès qu'elle se met à " vendre " ce qui " reste " : plus d'abonnement de 6 mois disponible, il n'y a que celui d'un an ; la promo de 12 000 DA l'année affichée concerne le mois de Ramadhan passé, désormais le bouquet est à 15 000 DA et le " démo n'est pas compris bien sûr " ; puis sur le ton de la confidence, elle préfère vous avertir que " la Champions League et certains programmes sportifs ne sont pas disponibles ici, pour des histoires de droits que détient Jazeera sport ". Sinon le bouquet contient une quarantaine de chaînes francophones plus une nouvelle " pas affichée sur cet ancien flyer " spécialisée dans le luxe ! Quant " aux plus " de l'abonnement, là aussi, il ne reste plus rien. "Avant, on nous donnait des petits livrets de programmes du mois et de la semaine à distribuer à nos clients, dit-elle, l'air encore plus désolé, mais on ne nous les envoie plus, on ne vous donne donc à la souscription que la carte à puce ". Et la HD ? " ". Kouba travaille mieux que le Golf Ce décalage entre l'offre virtuelle et l'offre réelle, impossible de se l'expliquer avec les responsables de Canal Plus Maghreb, introuvables. Du moins sur le territoire algérien. L'explication se trouve peut-être ailleurs. Dans une petite boutique d'un quartier populaire d'Alger, Kouba, spécialisée dans tous les bouquets satellitaires. Même un vendredi matin, heure connue pour l'inactivité qui la caractérise, les clients sont à l'étroit avec leur démos sous le bras. Derrière le comptoir ils sont deux à la manœuvre. Le premier tient deux télécommandes, le second manipule répond à des questions techniques au téléphone qu'il serre avec son épaule pendant qu'une main cherche quelque chose dans le fouillis fait de câbles et autres objets électroniques et que l'autre main manipule une télécommande. Sur les quatre écrans défile la liste des chaînes " ouvertes " sur les différents démodulateurs qu'attendent impatiemment les clients. "C'est bon, dit le jeune aux deux télécommandes, voilà le bouquet canal satellite complet, taa el kharedj (celui de l'étranger), toutes les Jazeera sport et les chaînes suisses ". Le client compte les billets : " C'est 18 000 DA l'année ", dit-il satisfait. " Le " démo " est compris. Ils sont bons ces démos Dreambox, mon voisin en a un depuis un moment déjà, il est pénard ". " Mais y a aussi les démos Géant, lui rétorque derrière le comptoir celui qui vient de raccrocher le téléphone, ils coûtent un peu plus cher, 19 500 DA, mais j'en ai plus ", tranche-t-il anticipant la question d'un autre client. " Ils partent comme des petits pains, c'est normal, avec ça t'es tranquille, tu as le WI-FI, plus besoin de fil pour le brancher à Internet ". Internet nouveau sésame du piratage Grace à Internet, le piratage des bouquets satellitaires est passé à un autre niveau, il y a encore quelques mois il fallait acheter un boîtier spécial pour brancher le démo à la ligne téléphonique, désormais, les nouveaux modèles en sont équipés d'origine. Le système dit "sharing " consiste, comme son nom l'indique, à partager les codes de cryptage " officiels " des bouquets via des réseaux Internet de plus en plus grands et nombreux. Canal Plus Maghreb est clairement concurrencé par l'accès pirate par Internet au bouquet Canal Plus français. Mais aussi, accessoirement, par la carte officielle de Canal Plus. " Pour ceux qui hésiteraient à mettre de l'argent dans un produit jamais garanti à 100% ". Cher tout de même. La carte de 6 mois est à 43000 DA. Toujours à Kouba les plus fortunés peuvent trouver aussi, pour 63000 DA et 72000 DA, les nouveaux démodulateurs Canal Plus haute définition avec disque dur de 512 giga octets, ainsi que le tout dernier, équipé de la diffusion en 3D ! A en juger par le site officiel qui s'intéresse d'abord et essentiellement au public algérien, Canal Plus Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) semble faire de l'Algérie le marché numéro un pour elle. Terrain glissant. La conquête des publics algériens paraît compromise sur le court terme. A moins que le grand leader européen de la télévision à péage ne se place dans une autre perspective. La collaboration de Canal Plus et de la Télévision algérienne s'étendrait alors au-delà du football avec l'arrivée imminente de la TNT (télévision numérique terrestre) en Algérie qu'il faudra remplir avec " plus " qu'une chaîne qui se dédouble.
