En attendant son titre de Père de la nation (on a déjà décerné celui de Frère de la nation à son Frère), l'actuel Président est au centre d'une course terrible entre poètes, cuillères, mauvais peintres, assiettes, chaussures et vieilles peaux et joueurs de foot et imprimeurs d'affiches et de portraits. D'abord le Ballon d'Or d'un joueur pauvrement conseillé qui sera suivi du prix des droits de l'homme par l'un de ses employés dans les droits de l'homme comme salaire. Liste close ? Que non ! Bouteflika est déclamé Mandela de notre terre, Précieuse intelligence internationale par Sidi Saïd, amis des travailleurs, par le même pantin. Et ensuite ? Eclaireur, guide et volant, Réconciliateur, faiseur de pluies par une sénatrice, Commandeur des armées, des Croyants, des DRS, des égarés, des officiers. Ami de la paix, consultant international, Grand voyageur, mille fois mort, dix mille fois revenu, Ancien et toujours Moudjahid, Combattant de la liberté, cousin de Che Guevara, fabricant de l'autoroute et de l'espoir sol-air, grand Timonier, Distributeur automatique des logements, gardien du but et de la paix et des frontières et de son Frère, Sagacité nord-africaine, immortel en attendant la mort. Et cela ne s'arrête plus. Il y a dans la course aux médailles à accrocher sur le poitrail de cet homme, la preuve d'une panique sourde et d'un populisme de plus en plus ridicule et grossier. Celui qui réduit, éternellement, ce peuple aux diodes de deux instruments antiques : le bendir et le bâton. Bouteflika n'est plus un homme depuis des mois, mais l'objet d'un culte de fétichistes et de courtisans qui, a défaut de pouvoir lui embrasser la main, embrassent tous les objets qu'il touche du regard et bénit par un coup de fil de son frère. Comme si ce pays est passé de la colonisation au socialisme puis aux gardiens de parkings sauvages et aux «services» avant de finir son élan dans la monarchie de la fratrie. Car, il n y'a plus de limites désormais. Quand un clown malheureux en arrive à déclarer qu'il va voter pour Bouteflika «mort ou vivant», c'est là qu'il faut réinventer la machine à remonter le temps, aller en 54, dans un café d'Alger, frapper à la porte d'une arrière-salle obscure, interrompre la réunion de quelques jeunes aux cheveux gominés et à l'œil ardent et leur dire «pas la peine». Pas la peine d'inventer le FLN, l'indépendance, la guerre et le reste. Ou faites-le autrement. Cela finira mal, en semelles, rires, en blagues et misères. Excès dans cette image ? Oui. Et pourquoi pas ? Quand un Benyounès vous crie, lui le lettré supposé, que Bouteflika sera élu et «Rabbi Kbir», dans le langage de quelque portefaix joueurs de dominos, que reste-t-il du rêve de notre patrie ? Quand le principal argument de soutien à un homme est l'écrasement, le mensonge et le comique, pourquoi ne pas oser ? Quand on fait passer un homme malade avant un pays vivant, pourquoi se gêner ? Des internautes algériens ont déjà inventé le prix de la Chitta d'Or sur le net. C'est vous dire que les partisans de cette comédie qui tue notre pays sont déjà jugés. Aujourd'hui par le rire. Demain par l'histoire et des tribunaux. Les mandats à vie mènent toujours à des histoires violentes. C'est une loi.