L'horreur, pour les Tunisiens, ce n'est pas seulement cette plage maculée de sang après l'attentat terroriste du vendredi dernier, à Sousse, qui a fait 39 morts et autant de blessés, ce sont aussi ces lendemains qui déchantent avec une saison estivale qui bat de l'aile et la crise socioéconomique qui en découlerait, fatalement. Déjà, le 18 mars dernier, après l'attentat terroriste du Bardo, où 21 touristes et un policier tunisien avaient péri, le tourisme en Tunisie a marqué un net recul, enregistrant en avril des résultats négatifs (baisse sur un an de 25,7% du nombre de touristes et de 26,3% des recettes touristiques en devises). Et ce second attentat, en pleine période de pic de la saison estivale, ne devrait pas laisser beaucoup de chances au secteur du tourisme pour tenter de retrouver ses esprits et charmer les estivants dans un effort de redressement de la barre. Coup dur pour le secteur du tourisme. Assommant. Des milliers d'emplois disparaissent, une conjoncture économique des plus mornes depuis quelques années déjà, apparition du terrorisme depuis la chute de l'ancien président Ben Ali, la Tunisie vit vraiment très mal sa transition démocratique. La survie économique, surtout, car entièrement dépendante des rentrées en devises amassées par le secteur touristique, qui place ainsi le pays, après ces deux dernières attaques meurtrières, dans une posture très difficile. La clientèle européenne ne privilégie plus la destination Tunisie depuis 2011 (printemps arabe), seul un tourisme de « troisième âge » (des couples de retraités européens) a subsisté sur les plages de Djerba ou d'Hammamet, et maintenant, suite au choc de Sousse, il ne faut plus espérer un retour, du moins pas dans l'immédiat, de touristes européens. Ceux qui s'y trouvaient encore, hier et avant-hier, quittaient la Tunisie d'une manière massive, en catastrophe. Vers qui va-t-on se tourner donc ? La réponse est presque toute faite, « les touristes algériens qui n'ont jamais déçu leur voisin de l'Est ». « Dans les pires moments de l'insécurité qui a régné en Tunisie à la suite de la chute du régime Ben Ali, les Algériens y passaient volontiers leurs vacances, pas toujours en famille, certes, mais ils sont nombreux à passer les frontières « Est » durant la saison estivale surtout », a rappelé M. Farid Larbaoui, président du Syndicat national des agences de voyages (SNAV) de la région Est. Joint au téléphone, hier, au sujet des vacances en Tunisie à l'ombre des attentats terroristes du 18 mars et du 26 juin 2015, ce dernier n'a pas hésité un instant pour affirmer que « la destination Tunisie restera parmi les meilleures dans le choix des Algériens ». Tout le monde sait que c'est plus fort qu'eux, dira-t-il au sujet des deux derniers attentats, le terrorisme peut frapper n'importe où et n'importe quand, dans des pays du Nord et ceux du Sud, sans distinction de race ou de statut sur l'échelle du développement. Ajoutant dans ce sillage que « le million de visiteurs algériens attendus cet été en Tunisie » est un challenge qui sera encore tenu cette année. Pour notre interlocuteur, « il n'y a pas lieu de faire marche arrière, c'est maintenant que nous devons marquer notre solidarité et notre soutien au peuple tunisien ». M. Larbaoui signalera dans ce cadre que « 90% des voyagistes ont signé des contrats avec des partenaires tunisiens, et des avances financières conséquentes ont été débloquées, d'où l'exclusion de toute option d'annulation », non sans préciser à ce propos qu'« il n'y a pour l'instant aucune déprogrammation ou annulation de vacances au niveau de l'ensemble des agences de voyages, avec lesquelles je suis en contact ». Aussi, considère notre interlocuteur, il ne faut pas oublier que « la Tunisie demeure parmi les destinations les moins chères, si l'on considère le rapport qualité/prix, pour des vacances en famille ». Faible consolation pour les Tunisiens, qui peuvent tout au plus espérer sauver quelques meubles avec le soutien des Algériens, car il est difficile pour eux de ne pas trop compter sur les devises des touristes européens. La saison touristique en Tunisie est toute désignée, selon les spécialistes, pour être l'une des plus effroyables de ces quatre dernières années. D'autres gérants d'agences de voyages, à Constantine, soutiendront la même tendance, celle de « garder le même cap et les mêmes rapports avec les Tunisiens ». « Qui connaît mieux que nous ces situations dramatiques, nous avons été meurtris dans notre chère durant de longues années et on sait ce que c'est que de subir, seul, les affres du terrorisme. Peut-être que les autres ne savaient pas, à l'époque, mais nous on sait, on sent, dans quelle détresse peuvent se trouver les Tunisiens », indique pour sa part un voyagiste de Constantine, M. Djamel, qui estime dans ce contexte que « plus que tout autre temps, les Tunisiens ont besoin de notre solidarité ». Bien sûr, il faut attendre les prochains jours, après la fin du Ramadhan, qui devraient mieux nous renseigner sur la tendance touristique des Algériens. Une tendance dont les contours n'ont pas trop changé ces dernières années, adoptant invariablement les destinations vers la Tunisie, la Turquie, Dubaï et le Maroc.
