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Il s'en est fallu de peu, Oscar…
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 14 - 07 - 2015

« La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire »Francis Bacon.
Une pile de parpaing pas même de briques -, et déjà une murette qui prend forme sous le geste hésitant d'un jeune apprenti maçon allant de sa truelle et qui éventuellement s'arrête devant la persistance de mon regard d'abord éberlué puis franchement réprobateur face à ce que je vois ; face à ce que, très consciencieusement pourtant, il fait, et qui commence à le faire douter de la qualité de son labeur, lui qui a jusque-là grandi dans son métier confiant que la verticalité que le fil à plomb aura manqué d'assurer sera ‘ramenée' par le crépissage.
La murette qui prend ainsi forme, Oscar, est, en une de ses extrémités, collée à un des pilotis d'un des édifices de la superbe structure que tu as élevé à Constantine entre 1971 et 1977 et qui a depuis pris le nom de ‘bloc des lettres' de l'Université Mentouri.
Cette imposante œuvre architecturale, comme l'Université des Sciences et Techniques Houari Boumediene, la Salle Omnisports ‘Coupole' au sein du Complexe Olympique d'Alger, une partie de l'Ecole Polytechnique d'Architecture et d'Urbanisme (EPAU), l'Université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, en Algérie, et les quelque 600 autres œuvres de par le monde que tu as légué à la postérité, Oscar, tu les voulais d'abord œuvres d'art, toi qui affirmait que ton « travail ne saurait être résumé en ‘la forme obéit à la fonction', mais en ‘la forme obéit à la beauté' ».
Les canons de cette beauté, Oscar, tu les avais en partie pris chez ton maître, Le Corbusier, et les cinq principes architecturaux qu'il détermina et qu'il considéra comme fondements de l'architecture moderne ; dont ceux de « l'élévation sur pilotis au dessus du sol de toute bâtisse, afin de créer une façade libre et de permettre un plan de sol ouvert ».
Alors, pour ce ‘bloc des lettres' de l'Université Mentouri de Constantine, Oscar, tu avais voulu une surface de quelque 400 mètres de long sur quelque 50 mètres de large qui planerait littéralement au dessus du sol, tellement qu'on en oublierait les 15 pilotis 3 pilotis en sa largeur tous les quelque 80 mètres en longueur qui la soutiennent et rien d'autre, rien d'autre ; prouesse architecturale qui te faisait dire non sans, je le suppose, une pointe de fierté, de vanité presque : « bien sûr, j'ai donné à mes ingénieurs quelques maux de tête le long des années, mais ils s'en sont accommodés. J'ai toujours voulu que mes constructions soient aussi aériennes que possible, qu'elles touchent le sol avec légèreté, qu'elles s'abattent et s'élèvent, qu'elles surprennent ».
Cette légèreté, Oscar, c'est le béton et seulement le béton qui, pensais-tu, pouvait te l'offrir, toi qui quand tu dessinais, l'affirmait matériau noble par excellence parce que suggérant des formes souples, et seul à même de permettre de maîtriser des structures à portée très amples.
Ainsi naquit peut-être dans ta tête, Oscar, l'idée de ce ‘bloc des lettres' de l'Université Mentouri de Constantine, écho lointain d'autres de tes œuvres mariant avec panache dans une même réalisation certains de leurs aspects marquants comme, de La Bourse du Travail que tu érigeas à Bobigny entre 1976 et 1978, les pilotis, et, de la Cathédrale de Brasilia (1970), la baie vitrée.
Quant à surprendre, Oscar, c'est toi qui as bien failli être surpris: Plus de plan de sol ouvert, plus de façade libre, plus de fluidité du béton que rehausse le verre, mais du parpaing accolé sans décence à une des jambes du colosse supportant ton ouvrage. Du parpaing … ultime injure à ce béton dont tu louais les capacités artistiques que tu disais tellement fantastiques que tu y voyais la voie du futur.
Une murette en vulgaire parpaing, Oscar. Quelle déception pour toi qui affirmait que « l'architecture exprimera toujours le progrès technique et social du pays dans lequel elle est entreprise », et que c'est ce progrès d'une Algérie des années 70, en plein essor, que tu voulais que ton architecture exprime.
Une murette en vulgaire parpaing, Oscar ; mais laisse-moi te dire pourquoi. Attiré par mes vociférations, car oui, Oscar, je m'étais mis à pester à haute voix moins contre le parpaing que contre l'imposture, un monsieur dont j'apprendrai qu'il était le maître d'œuvre de ce qui s'érigeait commença par donner raison à mon désappointement avant que d'expliquer que la construction de la murette avait été décidée par son ordonnateur pour créer un obstacle qui protégerait le mur de l'ancienne cafétéria du bloc des lettres devenue siège de la Faculté des Lettres et Langues, dont un coin, justement contre le pilotis que dénaturait une extrémité de l'excroissance «parpaingneuse», aurait été transformé en urinoir par quelques personnes au sens de la propreté et du civisme hélas peu développé. «Mais n'ayez crainte cher frère», continua ce brave homme, comme pour effacer mes dernières appréhensions, «l'espace ouvert entre chaque rangée de parpaing que vous voyez sera comblé par du fer forgé comme celui que vous remarquez là, aux fenêtres. »
Parpaing et barreaux de fer, Oscar ! Prise au piège de l'inculture, ta bâtisse ne planera plus. Pire, les générations à venir n'en soupçonneront même pas la dimension ni la portée première. Une page d'histoire était en train d'être tournée dans l'indifférence.
Et tout cela pourquoi, Oscar ? Une vision du beau rendue possible par combien de calculs minutieux, de savoirs, d'efforts, de moyens mis en œuvre et d'années de labeur pour permettre à une œuvre unique de littéralement sortir de terre, contre un vulgaire petit pipi. J'ai alors pensé, Oscar, et je sais que tu ne m'en voudras pas, à l'histoire qu'on raconte de ce jeune universitaire retourné chez lui, dans un petit douar des Hauts plateaux, après sept années d'études de météorologie à l'étranger, et qui aimait montrer son savoir nouvellement acquis à sa mère, en prédisant chaque jour le temps qu'il ferait le lendemain. Vint un jour où, ayant prédit du beau temps pour la journée à venir, il fut contredit par sa génitrice qui lui fit remarquer qu'elle avait vu leur chien uriner contre le troisième arbre longeant leur cour et que cela signifiait qu'il pleuvrait demain.
Demain vint et il plut. Dépité, le pauvre garçon eu pour seule réponse cette phrase, entrée depuis dans la geste populaire : «sept ans d'études sont partis dans le pipi d'un chien ». Je ne te ferai pas l'injure d'expliciter plus avant le lien entre cette histoire et mon propos.
Puis, sans doute pour me racheter de ce parallèle bassement scatologique et ultime mea culpa pour l'injure que ce que tu avais offert à Constantine subissait, me sont revenus en mémoire, élégie pour ton bloc des lettres et pour toi, ces vers : « exilé sur le sol au milieu des huées / Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. » Oscar, ça nous fait un peu mal … L'architecture fini ! L'architecture ! En l'an 2015, plus d'architecture ! Et pourtant, c'était beau … Charles Baudelaire ? Tu connais ?
Il s'en est fallu de peu, Oscar …
Et puis, aussi vite qu'elle est apparue, Oscar, la murette a disparu laissant place nette, balayée même du plus petit morceau de parpaing, de la plus petite éclaboussure de ciment, comme sous l'effet d'un coup de baguette magique d'une bonne fée protectrice du bon sens, de l'histoire et des arts.
Mais ne nous emballons pas, Oscar, car les bonnes fées, nous sommes au moins deux à ne plus y croire et ta quiétude retrouvée (ou presque), tu la dois vraisemblablement à une personne d'autorité mais aussi et surtout de culture et de bon sens … A moins bien sûr que dans les jours qui suivent, les quatre climatiseurs, répugnantes verrues qui dénaturent la façade de béton du bloc des lettres et suinteront du pus de leurs eaux sur le trottoir qui le longe dès le retour des beaux jours et tout au long des grandes chaleurs, venaient eux aussi à disparaître, tout comme, pour faire place nette, cet hideux fer forgé qui ne protège rien à quoi servent les gardes universitaires et autres agents de sécurité et jure avec justement l'idée même de ton architecture.
Alors, Oscar, tu pourras à nouveau vraiment reposer en paix et je ne sais pas pour toi mais moi, je me remettrais à croire aux fées.
* Professeur au département des Lettres et Langue Anglaise, Faculté des lettres et Langues, Université Mentouri de Constantine.


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