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De l'expulsion des morisques aux transfuges de schengen, ou la répétition de l'histoire
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 01 - 09 - 2016

Des amis espagnols, fils des Républicains chassés par Franco lors de la guerre civile de 36, m'ont invité à visiter Dénia, à mi-chemin entre Valence et Alicante.
C'est l'une des cités médiévales qui, à l'instar de Grenade, garde de puissants vestiges des médinas musulmanes. La visite avait pour objet d'assister, du 15 au 17 août, å des cérémonies riches en couleur, commémorant l'expulsion des Morisques, suite au décret promulgué par Philippe III le 22 septembre1606.
Le premier jour était consacré aux processions dominées par les parades musulmanes, celles des hauts dignitaires, paradant avec leur harnachement d'époque, du haut de leurs chars tractés par des chevaux, suivis de belles infantes légèrement vêtues et avançant avec grâce dans une chorégraphie rappelant le regard colonial de la « danse du ventre « qui colle à la femme orientale. Le tout encadré par des sons de fanfares exécutés par des musiciens recrutés dans le milieu associatif local.
Le jour suivant nous révèle le temps de la revanche : combats ardents donnant la primauté aux «gladiateurs « de la chrétienté, investissant le territoire et poussant au loin les Morisques. Mis en scène sur le mode du carnaval accompagné d'un embrasement de pétarades assourdissantes et autres feux d'artifices embrasant le ciel nocturne, cette cérémonie se termina jusqu'â l'aube! Mes amis m'avaient assuré au départ que ces cérémonies populaires n'avaient rien de méchant et qu'il s'agissait d'une fête commémorative sans arrière-pensée conflictuelle.
Il se trouve que mon regard sur ces prestations, notamment celle du pugilat entre les deux communautés, m'a profondément attristé. J'ai pris soin, les jours suivants de me documenter quelque peu sur un épisode de l'histoire des Morisques, dont j'avais déjà un aperçu grâce å des lectures antérieures : il s'agit d'un gros pavé écrit en français sur le mode du roman historique par Rodrigo de Zayas , un fils de Mexicain exilé å Séville â l'époque de José Marti, intitulé» Les Morisques et le racisme d'Etat» ( Editions La Différence, 1992). En octobre 1992, ce livre qui avait faut grand bruit, a fait l'objet d'un article élogieux dans Le Monde Diplomatique d'octobre 1992, signé par Laurence Villaume. On y apprend par ailleurs que le père de Rodrigo de Zayas avait pour ascendants des arabes morisques, convertis au christianisme sous l'injonction de la Reine de Castille. Courant 95, je l'avais invité dans mon labo å Amiens pour donner une conférence sur le sujet. L'autre livre, édité chez l'Harmattan, intitulé ‘La vie quotidienne a Grenade après 1492(Catherine Guignard, L'Harmattan) la valse hésitation entre le rejet ou le maintien à la carte des musulmans, suivant leurs compétences. Dans le domaine de l'entretien des palais comme l'Alhambra par exemple, le concours des artisans arabes était incontournable, ce qui n'empêchait pas les brimades å l'avenant. Enfin, une autobiographie familiale rédigée par une Colombienne, descendant des Morisques grenadins, racontant les péripéties migratoires de ses ancêtres qui, au terme de maintes pérégrinations forcées en Espagne, gagnent pour quelque temps les Pyrénées orientales, finissent par embarquer â Port-Vendres, pour être ensuite refoulés d'Afrique du Nord contre toute attente, revenus au sud de la France, puis, de guerre lasse, partis en Amérique latine ( 1 ) . Mes investigations récentes complètent quelque peu mes informations sur la tragédie morisque, notamment les Actes d'un colloque international organisé par des universitaires tunisiens en 2009 sur le sort de la diaspora morisque (2) . N'étant pas historien, et sachant de surcroît que ce dossier n'est pas méconnu de nos spécialistes de l'histoire médiévale, je voudrais simplement rappeler â grands traits les aspects saillants de cette épopée migratoire. Le décret royal d'expulsion des Morisques, intervenu en 1609, à été précédé par des mesures similaires, notamment å la suite d'une rébellion des Alpujaras( dénomination locale des Morisques ) contre les rois de Grenade, qui ont duré trois ans(1568-1571).Il faut rappeler que le décret d'expulsion des Juifs de Grenade intervint au lendemain de la chute de Grenade ,å l'instigation d'Isabelle de Castille. A l'époque les Musulmans et Juifs n'ont pas encore été contraints de se convertir au catholicisme. Le gros des migrations vers le Maghreb et vers la Turquie avait lieu au cours des premières années qui ont suivi chute de Grenade. Les mesures de christianisation, ordonnées par le Saint-Siège, et exécutés avec ardeur et détermination par Ximenes (prononcé Jimenez, un nom de triste mémoire que tout Tlemcenien a connu puisqu'une rue du centre-ville portait son nom jusqu'å l'indépendance), et surtout par Torquemada (un homme d'ascendance juive converti dés la première heure et qui a causé le plus grand tort â ses coreligionnaires), remontent au 14 février 1502.
On sait que ces conversions étaient la seule condition du maintien des deux communautés religieuses. Dès lors on appelait Morisques les Musulmans convertis, et Marranes les Juifs convertis. Il va de soi que chacune des deux communautés pratiquait clandestinement sa religion d'origine et simulait celle d'adoption pour préserver sa vie (car les assassinats au bûcher étaient légion) et, dans le meilleur des cas, éviter l'expulsion. Ce qu'on appelle Inquisition est un mouvement émanant des rois catholiques d'Espagne , mais aussi de France et d'Italie, au moment où des schismes apparaissent un peu partout en Europe, notamment le protestantisme ,qui élit domicile en Hollande, puis en pays germanique et en Angleterre. La guerre des religions menée par l'église romaine et par les rois catholiques se durcit en Espagne â l'endroit des Morisques et des Marranes. C'est dans ce contexte que l'inquisition organise des pogromes contre les «faux convertis». Le soupçon et la délation deviennent fréquents, pour culminer dans les mesures d'expulsion irrémédiables. De tous les royaumes d'Espagne, c'est le royaume de Valence qui fut å l'avant-garde des vagues d'expulsion. Le décret royal de 1609 inaugure une série de mesures similaires, mais avec une radicalisation variable suivant les régions. Valence en avait la primauté. On cite 300.000 expulsions.
Les auteurs ne s'accordent pas sur les chiffres : elles peuvent aller de 250.000 â 400.000. Bref, peu importe la statistique. Ce qu'il faut retenir, C'est que toutes les régions n'avaient pas la même fougue face å l'expulsion. la région de Valence, où les terres sont relativement prospères (aujourd'hui encore, elle détient la plus grande orangeraie du monde en termes de surface et quantité produite), la défection des Morisques a donné il â une récession drastique, aggravée par la baisse des royalties en provenance du Nouveau Monde: Les Morisques constituent la principale force de travail, notamment dans l'agriculture et l'artisanat. Les notables et grands propriétaires fonciers étaient mécontents de la désaffection de la main-d'œuvre servile dévolue aux Morisques.
Ce n'est donc pas par sollicitude ou humanisme que ces notables ont fait savoir leur mécontentement. L'ordre inquisitorial a prévalu sur les considérations économiques. C'est ainsi que l'exode vers l'Afrique devenait inéluctable, sauf pour une minorités de transfuges qui ont réussi , dans la clandestinité ou grâce à la bienveillance de quelques familles chrétiennes notamment en Andalousie, â se maintenir discrètement dans leurs lieux d'origine.
Exilés d'hier, transfuges d'aujourd'hui
L'exode des Morisques vers le Maghreb n'était pas une sinécure. Des armateurs ottomans ou venant des régences algero-tunisiennes se sont fait fort d'embarquer ces autres hères vers Oran, Alger, Bougie, ou Tunis. D'autres ont pu rejoindre le Maroc, plus poche par le détroit de Gibraltar. L'historiographie retient l'extrême souffrance de ces migrants. Vrais armateurs ou faux passeurs, corsaires désireux de monnayer leurs prestations, les conditions de transfert étaient des plus aléatoires. On relate des noyades collectives, provoquées par ces passeurs, des assassinats en série. Les rares migrants qui parviennent â fouler le sol africain, sont le plus souvent rejetés, assassinés ou tout simplement refoulés, considérés comme des faux musulmans au motif que leurs ancêtres s'étaient convertis au christianisme. Faux chrétiens pour les Espagnols , faux musulmans pour les Maghrébins, les Morisques ont connu une souffrance génocidaire, å l'exception d'une portion congrue de rescapés,, qui ont trouvé refuge en Turquie, en Tunisie (Testour,, Nabeul), au Maroc ( Têtouan, Salé-Bouregreg), beaucoup moins en Algérie (Alger, Bougie, Tlemcen, Nedromah). Une rubrique généalogique donne le nom des descendants contemporains des Morisques. (.Sans remettre en cause la fiabilité de ces généalogies, je ne crois pas utile de les mentionner).
Jaime Bleda , un prêtre dominicain ( né en 1550 et mort å Valence en 1622) était le témoin vivant de cette lugubre épopée (cité par Youcef Al-Idrissidans, dans «Les racines de l'exclusion», Maroc-Hebdomadaire International, Nô 521,26 juillet 2002, p.30-31): «... Ainsi, il est certain que des millions de Morisques qui quittaient le Royaume de Valence, même pas le quart survécut. Nombreux périrent en mer noyés, jetés par-dessus bord par les patrons des bateaux qui les volaient. D'autres naufragèrent sans pouvoir atteindre les plages de la Berbérie. Les Arabes en tuèrent un nombre infini. La plupart moururent de faim, de soif, de froid et d'affliction. Apres leur arrivée en Afrique, où ils se voyaient exilés d'un paradis terrestre dans les sables, la sécheresse et la chaleur ardente de ces contrées, et aux mains de cette gent si féroce, inhumaine et barbare. C'eût été encore mieux pour l'Espagne si tous avaient péri ».
Il n'est inopportun, au terme de ce récit, de le mettre en perspective avec la saga des migrants fuyant l'Afrique sub-saharienne pour les uns, le Proche et le Moyen-Orient pour d'autres qui se trouvent, hommes valides, vieux, femmes et enfants face â l'infranchissable muraille de barbelés, incapables de se mouvoir. Et quand bien même ils arrivent â passer entre les mailles Helléno -balkaniques, ils sont stockés dans des abris-conteneurs du Limès européen, entassés, confinés, n'ayant d'autre alternative qu'entre la mort ou la faim qu'ils ont laissée derrière eux et l'humiliation entretenue par un Occident repu et nombriliste. Le sens de l'humanité en l'homme a peut-être changé dans le langage manifeste, mais l'histoire se répète, å quatre siècles de distance, å quelques nuances près, et quelles que soient les latitudes.
Notes
1-.C'est une monographie historique familiale rédigée par par l'auteure, dans une maison d'édition algéroise. Cette dame est mariée â un diplomate algérien. Ayant prêté ce document â un étudiant préparant un doctorat en histoire, ce dernier a disparu de la circulation, au point où j'ai perdu , bêlas, et la mémoire de l'impétrant et celle de l'auteure et de la référence éditoriale)
2-.Date commémorative du 4ème centenaire de l'expulsion des Morisques Valenciens. Des voix se sont élevées å l'issue de ce colloque pour que le caractère génocidaire de la tragédie morisque soit officiellement reconnue par le Roi Juan Carlos. Des personnalités politiques et intellectuelles ont, â la même époque adressé une requête au roi d'Espagne de faire la même déclaration solennelle qu'il fit en 1992 à propos du génocide des Juifs Marranes, en commémoration du 4ème centenaire du décret royal d'expulsion du Royaume de Grenade(1492). quelques unes de ces personnalités n'ont pas manqué de rappeler que des voix s'étaient déjà élevées , au 18e siècle par Voltaire se félicitant de la présence de Morisques ayant élu domicile au Sud de son pays, et, plus près de nous , la contribution du grand historien de la Méditerranée, Fernand Braudel, Aucune plaidoirie n'est parvenue â décider Juan Carlos å faire le même geste symbolique en 2009, quatre siècles après le décret d'expulsion de 1609.
On peut allègrement reprocher å l'Etat turc de ne pas reconnaître officiellement le génocide arménien, mais l'Occident chrétien doit aussi balayer devant sa porte.


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