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Haraga ou les naufragés de la vie
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 27 - 12 - 2018

Qu'est-ce que peuvent bien nous dire les abîmes sombres et silencieux de la mer de ces enfants du pays qu'ils avalent ? Et quel plaidoyer peut réhabiliter leur mémoire ?
Comme le prisonnier dont la seule et unique préoccupation est «l'évasion», le jeune en mal de vie chez lui cherche, légitimement, à «vivre» même au prix d'un exil ailleurs, loin des siens lorsqu'il arrive au bout de son voyage et, si ce n'est le cas, au prix de sa vie, celle qu'il subit et porte comme un calvaire chez lui, comme une dette insupportable et impayable. S'il disparait aux fonds des abîmes sombres et silencieux de la mer, sa mort est oubliée comme vivant il le fut. S'il est rescapé par les siens, point d'indulgence et il risque, selon les lois de son pays, de finir en prison d'où il rêvera à nouveau «d'évasion».
Question presque provocatrice: pourquoi le jeune, la jeune et les autres rêvent-ils d'évasion ? Ne vivent-ils pas chez eux dans ce pays béni par la nature, aux mille et un contrastes ? Ah ! Dame nature ! Mais qu'est-ce que le soleil et la lumière lorsqu'ils deviennent une morsure, une brûlure, un aveuglement ? Qu'est-ce que les montagnes et forêts majestueuses et inaccessibles parce qu'elles cachent des monstres et ogres menaçants, des périls et des peurs ? Qu'est-ce que l'immensité du désert lorsque seuls les mirages l'habitent ? Enfin, qu'est-ce les plages de la belle Méditerranée lorsqu'elles privent le corps, de l'homme comme de la femme, d'être libre, de rire, d'admirer l'horizon infini et d'aimer le «bain de minuit» ? Il reste l'ultime acte de survie : l'évasion par le corps pour rattraper celle du rêve...qui finit dans le cauchemar, dans les larmes et dans le mur de cette monstrueuse réalité qui agresse, oppresse, enferme le corps, la tête et le rêve : une prison, une immense prison.
Comment en est-on arrivé à s'enfermer chez soi, à se faire douleur, à se priver d'être «Libre» ? Qui a construit cette forteresse qui emprisonne nos gestes, nos regards, nos paroles et nos désirs les plus naturels et les plus humains ? Des villes et villages entiers sont dépourvus de ce qui fait le frémissement de la vie et le lien social : pas de salles de cinéma, pas de salles de théâtre, pas de communion dans les rues, pas de rues heureuses la nuit tombée, pas de terrasses de cafés mixtes, pas de terrasses de bars. Interdits. Nos nuit sont sombres, silencieuses, pesantes, solitaires, longues comme le temps infini. Au petit matin, les muezzins s'affrontent à coups de décibels pour appeler à la prière «Haya ala Essalat», à la félicité «Haya ala El Falah». Et la journée sera ponctuée et rythmée par la répétition de l'appel du muezzin. La prière pour préparer l'autre voyage après la vie. Nul besoin de celle que vous a donnée le «Créateur» ici sur terre. Première hérésie du musulman : abandonner, fuir la vie donnée par le Créateur. Prier n'est pas se préparer à la mort. Prier est avant tout se mettre à la hauteur de ce don de Dieu : le respect de la vie, en être digne par le travail, la capacité d'empathie et de sympathie avec les autres, ses semblables et tout ce qui vit sur terre. Prier c'est manifester de la solidarité là où elle nous appelle, dénoncer l'injustice là où elle frappe, c'est respecter les autres dans leurs différences et croyances, sans juger pour que l'on ne soit pas jugé, pour que l'on soit respecté en retour. «Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu'il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans de bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Dieu, Il vous éclairera alors au sujet de vos différences» (sourate 5. Verset 48).
En respectant ce seul principe du saint Coran, nous manifesterons non seulement notre respect du texte sacré mais aussi notre foi dans l'infinie générosité de Dieu et de son incommensurable cadeau : la vie. Cette vie devenue si difficile à porter, à vivre par un très grand nombre de nos concitoyens jusqu'à pousser certains d'entre nous à la jouer sur une frêle embarcation face à la furie des vagues de l'insondable mer qui ne dit rien et se contente de dévorer des âmes épuisées. Les jeunes, femmes ou adultes qui fuient sur ce qui s'apparente plus à des radeaux qu'à des bateaux ne fuient pas l'absence de confort matériel ou le chômage comme le pensent et le disent nos gouvernants qui braillent sur les réalisations des routes, des logements gratuits et du crédit de l'Ansej. Ils fuient autre chose : l'absence de liberté, l'absence de tendresse et d'amour du pays, l'absence de la vie qu'ils rêvent de vivre. Ils fuient des lois qui les punissent même après l'échec d'une traversée. Ceux qui passent de l'autre côté de la mer ne reviennent plus ou qu'après être «régularisés». Etrange locution...Régularisé...pour une vie décente et acceptée. Les autres, ceux qui auront pour sépulture le ventre de la mer, il reste les larmes des parents, amis, proches. Puis l'oubli. «Le radeau de la Méduse» célèbre les rescapés du naufrage par un magnifique tableau de Théodore Géricault et symbolise pour beaucoup de critiques de l'époque (19ème siècle) la dérive et le naufrage de la société de cette époque. Les «radeaux de la Méduse» qui partent de nos côtes et échouent dans l'abîme sont l'échec de notre époque, l'échec de nos ambitions, l'échec de notre amour pour ce vaste pays. Terrible «cadeau» pour les naufragés du désespoir et, bien plus, pour leurs parents et familles en ces fêtes de fin d'année célébrées partout dans la ferveur, la joie et l'espérance de lendemains meilleurs.
Qu'avons-nous à proposer à ces enfants, garçons et filles qui crient leur légitime besoin d'être compris, aimés, libérés ? La vie de l'au-delà après la mort ? Alors pourquoi les juger, les punir, les maudire quand ils se précipitent pour la rejoindre maintenant dans le ventre de la mer ? Ailleurs, d'autres s'amusent et ébrouent leurs corps sur les vagues des mers et océans en surfant sur des planches. Ils opposent à la colère des vagues la force du plaisir de la joie de vivre. Chez nous les vagues sont rêvées planche de salut et elles répondent par l'amertume de leur écume versée par les mamans, papas, frères et sœurs restés impuissants sur les rivages. Le reste du pays observe et se tait. Les gouvernants détournent le regard et s'empiffrent autour de tables grasses et abondantes : le réveillon toute l'année. D'autres construisent dans le secret des sectes des stratagèmes pour perdurer indéfiniment ce règne de l'indifférence, de la suffisance en soi et pour soi, pour le mépris de ces jeunes et moins jeunes, mendiants de vie et de la liberté qui crient leur immense besoin de tendresse et d'amour.
Un jour peut-être, des plages, des navires et des ports porteront les noms de ces naufragés de la vie. Alors nous pourrons frémir de plaisir face au coucher du soleil sur l'horizon imaginaire de notre belle Méditerranée. Nous pourrons ne plus avoir de colère contre la beauté de la mer. Nous serons libres. Peut-être.


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