Tous les comptes rendus des journalistes et les postes des internautes ont relevé l'intervention musclée des policiers contre des manifestants au centre d'Alger, qui ont organisé le samedi 7 mars des rassemblements qu'on veut comme un prolongement au «Hirak» du vendredi. La veille, donc, lors des manifestations du 55e vendredi, le 6 mars, tout s'est déroulé dans le calme, même si on a parlé de quelques arrestations de manifestants par des policiers, arrestations préventives, routinières, puisque généralement, les personnes arrêtées sont relâchées en fin d'après-midi. Mais le samedi 7 mars, la situation, qui a changé du tout au tout, a vraisemblablement surpris et choqué les manifestants, qui se sont retrouvés face à des forces de l'ordre intransigeantes, usant de tous les moyens pour les disperser. Ainsi, plusieurs interpellations ont eu lieu dans les rangs des journalistes, activistes et même de simples citoyens, venus participer au Hirak pacifique du samedi. Qu'est-ce qui a changé chez les policiers, tolérants le vendredi et inflexibles le samedi ? Les manifestations du vendredi et mardi, qui se déroulent depuis plus d'une année et qui ont créé un paysage social intégré à l'Algérie nouvelle, sont tacitement agréées par les autorités, mais en dehors de ces deux jours, tout mouvement est considéré comme suspect. Les manifestations du samedi, qu'on veut vivre comme un prolongement du «Hirak» du vendredi, n'ont pas la même signification aux yeux des autorités, qui donnent des ordres stricts pour y mettre fin aussi rapidement que possible. Et, de toute évidence, cela ne peut que générer de la résistance de la part des manifestants, qui revendiquent leur droit à manifester, et le recours à l'usage de la force par les policiers pour exécuter leur mission et les ordres reçus pour mettre un terme à toute forme de protestation populaire. Dans ce contexte, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a apporté un démenti catégorique aux informations relayées par des sites d'information et sur les réseaux sociaux, selon lesquelles la police aurait utilisé, samedi à Alger centre, la force contre des manifestants. Mais elle reconnaît implicitement que les services de police sont intervenus, conformément aux lois et réglementations en vigueur, pour maintenir l'ordre public, rouvrir la voie à la circulation et rétablir la quiétude parmi les citoyens, et ce, après avoir enregistré une marche non autorisée dans une rue à Alger lors de laquelle les manifestants ont occupé la voie publique, ce qui a mené à l'obstruction totale du trafic routier et à la fermeture de certains locaux commerciaux. La DGSN reconnaît également que cette opération a permis d'arrêter nombre de participants à cette marche, qu'elle tient à qualifier de «non autorisée», soulignant que le même jour, la majorité d'entre eux ont été relâchés, tandis que le reste des interpellés sera déféré devant la juridiction compétente. Les forces de police ont agi dans le cadre de leurs engagements constitutionnels, mais cela enlève-t-il toute véracité aux comptes rendus des journalistes et aux posts des internautes ? Bien au contraire, cela conforte une réalité. Le pouvoir ne veut pas se laisser faire, vaille que vaille, devant une certaine incitation à amplifier les manifestations, dont des appels à les rendre quotidiennes. Et la tentative de déborder avec le Hirak du vendredi sur la journée du samedi n'est qu'un prélude à d'autres débordements sur les autres jours de la semaine. Même au plus fort de la protesta, avec des millions d'Algériens dans les rues, le «Hirak» n'a pas débordé hors de ses cadres du vendredi et mardi. A quoi peut-on alors s'attendre si on jauge les capacités de riposte du pouvoir face à cette stratégie ?