Avant-hier, je cheminais tranquillement en solitaire, loin du tumulte du centre-ville sur une ruelle ombragée et tranquille, une voie pas trop fréquentée par les piétons, lorsque je fus accosté par un copain. Cheminant ensemble, on papotait du temps et des difficultés de la vie que rencontrent les retraités dans ces moments de « Tayhawenawdha » (de chute et de relèvement), tout en cassant du sucre sur le dos des spéculateurs et des inflationnistes responsables de notre mal-vie continue. Aussi, mon camarade n'arrêtait pas de parler de tout ce qui lui passait par l'esprit, de construire et de démolir des projets qui le hantent dans ses rêves farfelus. Le mec est un sacré parleur, farceur et un peu chouia perfide et quelque peu dissimulé. Sachant que je suis un passionné d'objets anciens, quelques fois, il me propose de vieux objets que je lui achète. Ce jour-là, je sentis qu'il avait quelque chose à me proposer et à me rouler. Il glissa sa main dans sa poche pour la ressortir avec une belle montre rutilante, qu'il me présente pour la vente. Tu sais cheikh, au moment où j'ai acheté cette montre, wallah, j'ai tout de suite pensé à toi. Cette montre t'est destinée. Elle te sera très utile pour être à l'heure et à la date et être au top du temps. Mais que veux-tu que je fasse avec le top du temps, mon ami et de quel avenir tu me parles, sahbi, tu as oublié que je suis en retraite et que je n'ai que faire du temps et de sa précision, lui répondis-je. Tu sais cheikh, me dit-il, cette montre est un bijou de grande marque célèbre, elle est signée et réglée « aalachaara » (fonctionne avec précision). Mon ami est un habile démarcheur invétéré, qui sait écouler ses produits vintage. Cheikh ! me dit-il, avec cette montre-bracelet à la main « t'zidfikenouss » (avec cette montre, tu vas gagner 50% d'élégance) et tu vas être dans l'air du temps. Admire cette antiquité, son boîtier en métal brillant et regarde ce bracelet extensible facile à mettre au poignet, c'est une véritable bombe. Ecoute son tic-tac, c'est un régal pour l'ouïe. Tu me remercieras un jour pour cette belle affaire. Cheikh, ne rate pas cette occasion, car le temps ne revient jamais sur ses pas. Aller, prends-là mon ami ! Tu ne trouveras pas pareille montre avec tous ces éclats lumineux. Son design est splendide et son mouvement automatique est d'une finesse de la haute technologie de l'horlogerie. Je te la cède au meilleur prix. C'est une production limitée que tu ne verras pas sur tous les poignets que tu croiseras. Elle marque l'heure et la date avec une grande précision. Regarde ce beau cadran incrusté avec des chiffres arabes comme il n'y en a pas. Aller, mon ami, décide-toi et je vais te faire un bon prix d'ami. Cheikh, je sais que tu connais l'histoire et l'origine de l'horlogerie depuis son invention par les arabes. Pour te dire, qu'on raconte qu'au Moyen-Âge, alors que la civilisation arabo-musulmane était à son apogée, le calife Haroun al-Rachid avait offert une horloge au roi Charlemagne pour sceller l'amitié entre eux. Aussi, c'est presque dans ces circonstances historiques que je t'offre cette belle montre en signe d'amitié, le seul bémol, c'est que tu dois la payer rubis sur l'ongle. La montre est un bijou de grande valeur aux yeux des connaisseurs et elle vaut ce qu'elle vaut. Je te remercie mon ami, lui dis-je, mais les montres elles sont toutes pareilles et j'en ai quelques-unes et c'est suffisant pour moi et pour ma passion, et je ne vais pas investir tout mon argent dans les montres. Il me répondit, mais cela n'est pas peine perdue, alors « bedel saa be saa » (change une montre par une autre montre), et tu seras un « montrophile » heureux toute ta vie
