Ce qui est singulier dans le débat sur la mémoire, c'est que ceux qui sont fermés à son histoire en parlent, comme d'une terre étrangère, alors que d'autres ne cessent de se revendiquer de son appartenance hier et aujourd'hui de l'autre côté de la méditerranée comme les anciens porteurs de valises. Cette terre qui continue a brûlé la mémoire et le cœur de criminels dont l'amnésie aveugle, ne cesse de nourrir une certaine nostalgie. Cependant pour nous les algériens toute mémoire est sacrée pour évoquer en ce cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, ceux qui ont été aux côtés des algériens dans la lutte pour la libération de l'Algérie et qui ont risqué leur vie tous étrangers qu'ils étaient et que l'on ne peut les considérer comme tels et à qui nous rendons hommage et reconnaissance. Ecrire cette page d'histoire est d'autant plus importante, pour connaître le rôle du réseau Jeanson ou « Les porteurs de Valises », qui a vu le jour le 2 octobre 1957, au Petit-Clamart. Lorsque l'on évoque le réseau Jeanson des noms célèbres viennent à l'esprit tels que : l'aspirant Maillot, qui avait déserté avec son camion d'armes, ou Rousset, le premier Européen qui aida le FLN en métropole ; Etienne et Paule Bolo ; les Chaulet : Pierre, médecin, Colette, Anne-Marie, la fiancée de Salah Louanchi, chef du FLN en France. Toutes ces personnes étaient des intellectuels imprégnés de « l'esprit de Résistance à l'oppression et à la colonisation» Pour revenir au réseau Jeanson, il faut remonter plus loin et ce après la deuxième guerre mondiale. Francis Jeanson, après la guerre, visitera avec sa femme l'Algérie, une partie du pays et profitera pour faire plus ample connaissance avec les algériens. Le 2 octobre, Jeanson, organisera une réunion, suite à celle tenue le 1er juin 1957, par le Mouvement pour la Paix, et qui sera organisée, au siège de la Fédération de la Métallurgie CGT, qui avait débattu sur le problème algérien. Cette deuxième réunion organisée par Jeanson concernait les grandes lignes d'une action d'aide directe au FLN, en France comme en Algérie. Pour le réseau Jeanson, l'aide consistaient tout d'abord à héberger ceux qui étaient recherchés par les autorités françaises, à savoir la prise en charge totale des éléments impliqués dans la lutte. Le réseau devait aussi organiser, le franchissement des frontières, du transport, du transfert de fonds et du recrutement. Comme l'on rapporté (Albin Michel),' Hervé Hamon et Patrick Rotman,, qui ont écrit sur "Les porteurs de valises" « héberger un Algérien, ce n'est pas obligatoirement aider le FLN, c'est pour soustraire un homme à l'arrestation, et à la torture » selon ces auteurs : « En matière de Transport, le réseau avait tout prévu du fait que des taxis bénévoles s'étaient proposés tels que : Hélène Cuénat, Etienne Bolo, entre autres, et c'était, Francis Jeanson qui lui-même se chargeait de tracer les itinéraires, les horaires, les lieux de rendez vous mais en cas de besoin ou d'indisponibilité, le FLN de France disposait de taxis de rechange conduits par des personnes qui étaient dans le réseau de ce dernier Le Passage des frontières Les premiers contacts avec Salah Louanchi, Francis Jeanson joue couramment le rôle du chauffeur-livreur-passeur. Après la réunion du Petit-Clamart, il organise de véritables filières, avec des amis dévoués à la cause qui deviennent des spécialistes. Jacques Vignes, un Ami d'enfance de Jeanson, le rejoindra, quittera Bordeaux pour Paris, y deviendra journaliste sportif, à la rubrique voile, sa passion, sous le pseudonyme de Philippe Vigneau. Connaissant la région frontalière, ce dernier sera d'un atout majeur quant au passage des frontières entre la France et l'Espagne. Pour les membres du FLN l'aide était précieuse ce qui évitait de se faire remarquer surtout au niveau des zones frontalières, car après avoir franchi la frontière ils sont pris en charge par Etienne Bolo, Davezies ou Vignes dont l'antenne se trouvait à Madrid et passaient la nuit dans une villa relais d'Ascain, où Paule Bolo s'était établie avec ses enfants : une maison occupée en permanence de façon « bourgeoise »et qui ne saurait attirer les soupçons. Le passage de la frontière s'effectuait à pied, à travers un sous-bois. Des véhicules, avec des plaques du « corps diplomatique », les attendaient de l'autre côté de la frontière. Si le transport des cadres du FLN était important, le convoyage des fonds l'était plus encore. Il s'agissait de sommes énormes d'où la contribution de plus 300 milles algériens de France. Le transfert de l'Argent Les porteurs de valises, se chargeaient de l'argent collecté et se rencontraient dans des appartements parisiens prêtés par des sympathisants. Par la suite cet argent était compté et envoyé en Suisse. Le réseau Jeanson comptait parmi ses rangs Henri Curiel, qui s'occupera de passer la majeure partie de l'argent en Suisse. D'autres personnes seront utiles à ce réseau, tels que Jacques Charby. Daniel Sorano, ils seront chargés de trouver des « planques » se sera une tâche facile du fait qu'ils faisaient partie du milieu artistique. Dont Cécile Marion, Colette Jeanson une Ancienne comédienne Laurence Bataille, qui était une sorte de boîte aux lettres et qui avait été remarquée par Francis, et sera chargée de la collecte de l'argent avec Robert Davezies. Un musicien, « aux dons multiples », qui rejoindra aussi le réseau. l'aspirant Maillot , le sous-lieutenant Jean-Louis Hurst, fils d'un notable alsacien, aussi rejoindront le réseau en juin 1958 le deuxième classe Gérard Meier qui se refugiera à Yverdon, en Suisse. En mai 1959, Gérard Meier, Louis Orhant, et Jacques Berthelet, principal correspondant à Lausanne de Jeanson, formeront le noyau « vétérans » de Jeune Résistants. Par l'intermédiaire du réseau Jenson Jacques Vignes et Robert Davezies feront passer en France une dizaine d'Algériens.
De la condamnation à mort aux arrestations Abdel Cherrouk et Mouloud Ouraghi sont condamnés à mort à l'aube de 1959, l'année où le réseau tourne à plein rendement. Au siège de leur société de production cinématographique, aux Champs-Elysées, Serge Reggiani et Roger Pigaut abritent des rencontres entre les chefs de wilayas. Charby avait aussi recruté André Thorent. Haddad Youssef, dit Haddad Hamada, coordonnateur du FLN en France, logeait souvent chez l'acteur Paul Crauchet et le réalisateur de télévision Jacques Trebouta (son confrère Raoul Sangla achète, lui, un appartement pour le compte du FLN) Des enseignants et enseignantes faisaient aussi partie du réseau tels que Janine Cahen de Mulhouse et Micheline Pouteau, professeur d'anglais à Neuilly. Le réseau qui était d'une grande utilité pour les combattants du FLN, était aussi un atout majeur dans la falsification des pièces d'identités et autres documents nécessaires et pour cela il avait un expert, un juif polonais ancien de l'Irgoun nommé Adolfo Kaminski et surnommé « Joseph ». A suivre