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«Porteurs de valises», «porteurs de mémoire»
Au-dessus de la citoyenneté et du patriotisme s'érige l'humanisme
Publié dans La Tribune le 03 - 08 - 2009

Qu'est-ce qui a pu conduire des Français à épouser une cause qui, a priori, n'était pas la leur ? Au début du conflit, ce sont des personnes isolées qui aidaient les Algériens. Après, c'est dans les franges de la gauche notamment parmi les humanistes que se recrutaient les sympathisants actifs de la cause algérienne : intellectuels, chrétiens progressistes, prêtres-ouvriers, trotskistes, tenants de la «nouvelle gauche» et communistes en rupture avec la ligne de leur parti à l'époque. Le 12 octobre 1957 apparaît, pour la plupart des «porteurs de valises», comme la date de la vraie fondation du réseau qui fusionne ce jour-là avec celui des prêtres-ouvriers. 500 millions de francs de l'époque sont désormais transférés, chaque mois, vers la Tunisie et la Suisse pour le compte du FLN. Le réseau, qui dispose d'un service -remarquable- de confection de faux papiers, élargit ses ramifications et s'étend vers Lyon, Grenoble, Marseille et d'autres villes françaises. En automne 1957, le journaliste Robert Barrat présente à Francis Jeanson un étrange personnage : Henri Curiel. Cet égyptien, juif, apatride, communiste et fils de banquier, est un révolutionnaire professionnel. Les amitiés qu'il avait conservées dans les milieux bancaires serviront à perfectionner le système d'évasion de l'argent vers le FLN. Ces années-là étaient fertiles en événements : manifestations contre le départ des rappelés, premières exécutions de membres du FLN à Alger et arraisonnement par l'armée française de l'avion transportant les dirigeants historiques du Front. Le gouvernement français poursuivait ses intimidations contre tous ceux qui pouvaient développer une opinion différente sur la question algérienne. Au plus fort de la bataille d'Alger, un jeune professeur de mathématiques, Maurice Audin, «disparaîtra» après un interrogatoire des parachutistes, et Henri Alleg, directeur du quotidien Alger républicain, est soumis aux interrogatoires. Le parti communiste rompt alors le silence sur ses militants qui ont préféré la prison à la guerre. Le 25 août 1958, dans toute la France, des objectifs civils sont mis à mal par les hommes du FLN. Les Algériens ont décidé de porter la guerre dans l'Hexagone. Il s'en est fallu de peu que ce ne soit des attentats «à l'aveuglette», selon les confidences de feu Francis Jeanson. Découvrant ces projets, ce dernier menace d'arrêter le réseau s'il y a des victimes. «Toute mon action depuis deux ans est fondée sur cette conviction, dit-il à Omar Boudaoud, sauvegarder l'amitié franco-algérienne. Vous allez tout foutre en l'air.» La direction du FLN suivra pour l'essentiel les critiques de Jeanson. La population civile ne doit pas être frappée.
Le réseau fonctionne à plein régime et les «porteurs de valises» élargissent leurs activités. D'autres filières sont installées en Suisse, en Belgique et en Allemagne, où le FLN disposera d'une antenne à Düsseldorf. Aux Pays-Bas, Michel Raptis, dit Pablo, dirigeant trotskiste de la IVe Internationale, fabrique de la fausse monnaie française pour le FLN. Une opération interrompue par la police qui finit par découvrir cette filière. Avec la Ve République et après la «paix des braves», de Gaulle accepte enfin le principe de l'autodétermination alors que les militants algériens se faisaient encore supplicier dans les centres de tortures. Des arrestations sont opérées parmi les porteurs de valises. L'année suivante, la nouvelle vague d'arrestations de ces derniers dévoilera au grand jour le réseau Jeanson. Comme les journaux de l'Hexagone s'obstinaient à négliger l'aspect politique de la démarche des «porteurs de valises», Francis Jeanson donne une conférence de presse clandestine en plein Paris. L'écrivain Georges Arnaud, qui en publie un compte rendu dans Paris-Presse, est arrêté.
A son procès, Georges Arnaud tourne en ridicule ses accusateurs. Prévenu, le tribunal militaire qui doit juger, le 5 septembre 1960, six Algériens et dix-huit «porteurs de valises» pour atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat compte bien couper court à toute manifestation politique des accusés. C'était oublier les vingt-six avocats notamment Mes Vergès et Dumas : le procès devient celui de la guerre d'Algérie. Paul Teitgen, ancien secrétaire général à la préfecture de police d'Alger, fait une déposition dramatique pour l'Etat colonial. Les excès et les tortures ont été la raison pour laquelle il a quitté ses fonctions. Le lendemain, la lettre de Jean-Paul Sartre, que Me Dumas lit devant le tribunal, fait l'effet d'une bombe. Le père de l'existentialisme se range aux côtés des «porteurs de valises». Le tribunal n'est pas encore revenu de ses émotions que les avocats font témoigner un à un les signataires du Manifeste des 121 sur le droit à l'insoumission. Envisagé pour quelques jours, le procès du réseau Jeanson s'achève le 1er octobre. La France entière apprenait désormais que des Français aident les Algériens pour des raisons politiques. L'arrestation d'Henri Curiel, de Didar Fawzy puis d'Etienne Bolo n'interrompt pas le fonctionnement des réseaux : la relève est assurée. La France en a assez de la «sale guerre». Rien n'y changera : ni les barricades d'Alger, ni le putsch des généraux, ni la terreur de l'OAS. Le dernier procès d'un «porteur de valises» s'ouvre le 9 janvier 1962. Louis Aragon écrit aux avocats de l'inculpé : «Veuillez, je vous prie, transmettre à M. l'abbé Davezies, que je n'ai pas l'honneur de connaître, l'expression de ma reconnaissance pour ce qu'il a fait, pour ce qu'il est, et qui s'inscrit à l'actif de notre patrie, et risque un jour de faire oublier qu'il y eut des tortionnaires qui se dirent français.» Et l'abbé Davezies dit du 19 mars, date du cessez-le-feu : «Ce jour-là, j'ai compris que les hommes avaient le pouvoir de faire leur histoire.» Les porteurs déposeront leurs valises mais ne seront amnistiés qu'en 1966. Les nostalgiques de l'Algérie française les considèrent à ce jour comme des traîtres. Aux détracteurs de leurs engagements Francis Jeanson répondait : «Notre cause n'est certes pas toute blanche. Mais la vôtre, de quelle couleur la voyez-vous».
G. H.


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