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Quand la vulnérabilité nous joue des tours
La voyance, tendance et arnaque
Publié dans La Voix de l'Oranie le 10 - 07 - 2010

Dépendances aux tabac, alcool, drogues, Internet… ce ne sont pas les seules dépendances. On peut mettre dans le lot la voyance et l'art divinatoire, commerce florissant qui attire de plus en plus de clientèle, majoritairement de la gent féminine affaiblie par les problèmes divers.
Tout le monde passe par des moments pénibles et a envie d'être rassuré sur son avenir amoureux ou professionnel. C'est naturel! Il y a toujours un moment dans la vie où l'on est en proie aux doutes et aux angoisses. Et de ce fait, certains personnes dans le désarroi décident de se tourner vers des gens qui leur semblent détenir un certain pouvoir ou savoir sur le futur et l'avenir, telles les voyantes (shawaffat) à qui elles confient leurs peines et douleurs, tout comme d'autres le feraient avec un thérapeute, attendant d'elles la solution miracle à leurs soucis. D'autres vont carrément demander de l'aide à un Taleb et dépensent des sommes exorbitantes et mirobolantes…
Qui n'est jamais tombé dans le piège de la voyance ?
Nous nous introduisons dans cet univers où la science n'a guère sa place, où certains prétendent connaître le monde occulte et prédire l'avenir. Ce que l'on y apprend est terrible. Des femmes arnaquées, déçues et en colère racontent leur histoires. «J'ai vécu une expérience avec une voyante suite à un divorce que je n'ai pas voulu. Je m'étais sentie très affaiblie, attendant une aide que j'ai cherchée partout et n'ai pas trouvée. C'est ainsi que je suis tombée sur ce taleb qui m'a fait miroiter la possibilité de m'en sortir. Au début, c'était gratuit. Il disait qu'il me comprenait et voulait m'aider. Mais très vite, il a commencé à me réclamer de l'argent. De plus en plus. Je me rendais compte par la suite que l'éventuel retour de mon mari était un pur mensonge. Maintenant, je m'en remets à Dieu. Et mon chagrin est terrible. J'aurai voulu ne jamais avoir à connaître cette personne», dit Dounia. Et les témoignages poignants de ces femmes ont commencé à défiler. L'une d'elles s'est exprimée avec colère: «J'avais posé des questions à une voyante au sujet de ma sœur qui traversait une crise grave dans son couple. Cette dernière m'a rassuré en me disant que son mari a toujours été fidèle et qu'il n'y avait pas à s'inquiéter. Quelques jours après, le mari de ma sœur lui a avoué qu'il avait l'intension de divorcer et d'épouser sa maîtresse». Une autre dira : «Moi, j'ai consulté, il y'a un an de ça, un taleb au sujet de mon copain, ce dernier m'a demandé de lui verser la moitié de la somme de 6.000DA et l'autre moitié après et m'a affirmé que mon copain pensait toujours à moi mais qu'il était sous l'emprise d'un sortilège. J'ai rencontré mon ex par hasard dans la rue, je lui ai posé la question, et il m'a répondu qu'il ne comptait pas reprendre avec moi, que c'était bien fini. Qui croire, que croire, Taleb ou mon ex qui m'a dit qu'il ne veut plus rien avoir avec moi?»
La voyance, des conséquences parfois lourdes
Certaines femmes ressentent le besoin d'être rassurées, de trouver une oreille compatissante, elles recherchent les conseils et les solutions miracles et ont une confiance aveugle en leur guérisseur et parfois les dégâts sont désastreux, viols, agressions, attouchement et abus sexuels. Voilà le lot quotidien de certaines femmes adeptes de la voyance.
Selon l'expérience de Wafaa, une jeune fille de 23 ans, dont l'histoire témoigne de la vulnérabilité de beaucoup d'autres comme elle qui n'osent pas porter plainte ni mettre un terme à ces dépassements: «J'ai été violée il y a deux mois, par un Taleb qui a l'âge de mon grand-père. Ce dernier m'a affirmé que j'étais ensorcelée et qu'il était le seul à pouvoir m'exorciser. Un jour il m'a demandé de lui ‘faire des gâteries', d'accepter d'assouvir ces besoins sexuels. J'ai accepté par désespoirs. Depuis, je me sens salie et je regrette amèrement mon choix, d'autant que mon problème ne s'est pas réglé. Je sombre dans la dépression et je ne sais pas quoi faire.»
D'autres vont encore plus loin dans ce commerce et le viol devient presque une banalité pour eux en proposant d'offrir leur aide aux femmes en échange de plusieurs rapports sexuels. Pire, certains demandent à ces mêmes femmes de leur régler leur problème à condition de leur ramener des jeunes filles, de la chaire fraîche comme ils le disent.
Nous avons demandé l'avis d'une psychologue très renommée, R. Khedria, sur ce phénomène destructeur et dévastateur qui prend de plus en plus d'ampleur. «Nous vivons une époque stressante et très insécurisante», dit-elle tout de go. Elle poursuit: «D'un point de vue social, aucun domaine de la vie n'est épargné: la vie professionnelle autant que personnelle est jalonnée de questionnements qui occasionnent bien de l'angoisse, dans la recherche d'un emploi ou d'un futur mari, à la gestion d'un poste, ou d'une maladie incurable, La situation familiale est aussi souvent source de conflits sur lesquels vient se greffer la solution qui apparaît, dans ces moments-là, solution miracle et discrète du Taleb. Et ce marché fait beaucoup plus de mal que de bien en vendant du rêve et des mirages à des personnes fragilisées qui ne demandent qu'à y croire, Croire que l'élu de leur cœur reviendra un jour, croire qu'elles arriveront à avoir cet enfant tant attendu, croire que leur mari, frère ou père guérira de cette longue maladie… Et c'est comme ça que la dépendance se crée, certaines vont jusqu'à s'endetter ou vendre leur corps pour bénéficier de leur dose de voyance.» «Cette dépendance, ajoute-t-elle, au bout d'un moment, finit par évoluer pour son propre compte: plus on lui cède, plus elle devient forte, se muscle, s'enracine en nous. Et c'est un vrai problème de perte de liberté car le taleb nourrit l'attente, l'espérance et les consultantes en redemandent, et reviennent chercher ce pansement affectif, cette dose de réconfort, et cette consultation si apaisante. Cela peut durer des semaines, des mois, voire des années avant que les adeptes ne s'aperçoivent de l'arnaque et la supercherie. Car ce dernier s'abrite derrière le fait qu'il est très difficile de dater ses prédictions, que les faits annoncés peuvent se réaliser plus tard que prévu, qu'il faut être patient et de ne surtout pas abandonner tout en profitant de leur argent et leur naïveté. Psychologiquement parler, lorsque les pronostics sont en décalage avec la réalité, le réveil est très brutal et souvent dévastateur, les consultants auront du mal à retrouver leur objectivité et une vie normale pour sortir du piège de l'apaisement artificiel, ces derniers risquent de se renfermer encore plus sur eux mêmes, certains vont même jusqu'au suicide.»
Quels sont finalement les dangers de la voyance ?
Toujours selon R. Khedria, «il n'y a rien de pire qu'un voyant qui prédit des choses négatives, telles que: «non, vous n'y arriverez pas tant que je ne vous ai pas exorcisé». Ou encore : "Vous aller avoir un grave accident". Qui finira peut-être même par provoquer inconsciemment ces prédictions malheureuses. C'est comme si un professeur disait à son élève: «tu es nul en math " c'est du pure fatalisme qui peut engendrer chez le consultant des réactions négatives et forcément dont la route sera forcément semée d'embûches». Par


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