Des mesures d'ampleur ont été prises au dernier Conseil des ministres. Par ces mesures, Bouteflika envoie un message fort aux Algériens, à ceux qui réclament un changement au lendemain des émeutes, tentatives de marche et de l'embrasement du front social. Tout le monde est unanime à dire que cette avalanche de directives sont importantes, voire exceptionnelles sur les volets politique, économique et social. Des mesures, dit-on, à même de réconcilier les Algériens avec leurs institutions si cela était mis réellement et efficacement en pratique sur le terrain. Le verrou de l'état d'urgence a sauté
La première des mesures importantes prise par le Conseil des ministres est celle relative à l'adoption du projet d'ordonnance abrogeant le décret législatif du 6 février 1993 portant prorogation de l'état d'urgence, institué par décret présidentiel du 9 février 1992. Selon le communiqué officiel, «ce projet d'ordonnance entrera en vigueur dès sa publication imminente au Journal officiel». Trois projets d'ordonnance et un projet de décret présidentiel concernant la levée de l'état d'urgence ont également été adoptés. Par ailleurs, le Conseil des ministres a adopté un décret présidentiel relatif à la lutte contre le terrorisme. Il a défini les missions de l'armée en matière de lutte contre le terrorisme et de «sauvegarde de l'ordre public». «Ce texte confirme que la conduite et la coordination des opérations de lutte contre le terrorisme et la subversion sont prises en charge par l'Etat-major de l'ANP», selon le communiqué du Conseil des ministres. Ces deux textes «viennent substituer un fondement législatif et réglementaire nouveau à celui prévu dans le texte législatif de 1993 prorogeant l'état d'urgence», précise le communiqué. «De ce fait, ces deux textes n'instaureront aucune situation nouvelle mais permettront par contre la poursuite de la participation de l'ANP à la lutte contre le terrorisme jusqu'à son terme», précise le texte.
Réconcilier les Algériens avec leurs institutions
Le gouvernement veut combler le fossé qui se creuse de plus en plus entre les Algériens et les institutions. Il a décidé de prendre des mesures pour «améliorer sans délais le service public et la qualité de l'accueil des administrés dans les administrations», selon le président Abdelaziz Bouteflika. En premier lieu, le gouvernement devra «hâter (…) la révision du Code communal en examen au Parlement», «développer une réelle politique de communication des pouvoirs publics et du service public» et «alléger sans cesse les procédures, les circuits et les dossiers administratifs pour améliorer la qualité et l'efficacité du service public ainsi que sa relation avec les administrés», selon le communiqué du conseil des ministres. La nouvelle image des institutions passe également par la lutte contre la corruption, c'est-à-dire «le gaspillage, les privilèges et passe-droits et l'atteinte aux deniers publics». Le chef de l'Etat a clairement donné consigne aux élus de montrer l'exemple. «Les responsables, à tous les niveaux, doivent donner l'exemple en ce domaine, et être fermes contre toute dérive», a-t-il dit. D'autre part, le président a donné des directives à ce que les concours pour le recrutement d'agents publics soient ouverts en priorité aux candidats issus de la wilaya concernée, qui prendra elle-même en charge l'organisation de ces concours.
Accélérer la construction de logements
Dans le domaine social, le Conseil des ministres a adopté plusieurs décisions relatives à l'accès au logement, préoccupation majeure de la majorité des Algériens. Le Conseil a décidé d'accélérer la réalisation du programme quinquennal de construction de 1,2 million de logements d'ici 2014. Il s'agit du recensement «en urgence» des assiettes foncières, notamment dans les grandes agglomérations qui souffrent le plus de la pression démographique, l'inscription dès cette année, soit trois ans avant l'échéance, de «la quasi-totalité des dotations budgétaires en étude ou en réalisation», la mise en route immédiate des 700.000 logements ruraux inscrits au programme quinquennal, ainsi qu'«un programme additionnel de 50.000 logements promotionnels sera inscrit cette année et sera réservé aux jeunes, sous la forme de la vente à tempérament». Le conseil prévoit pour mener à bien ces décisions d'accélérer la «modernisation des entreprises publiques du bâtiment». Les entreprises du BTPH bénéficieront d'une autorisation de «recourir au gré à gré simple pour contracter des contrats d'études et de réalisations et, le cas échéant, à faire appel aux moyens étrangers de réalisation». Sur le volet financier de l'accès au logement, le conseil des ministres a décidé l'instauration d'un fonds de garantie du crédit bancaire pour l'accession au logement et promet d'encourager les banques publiques à «s'engager davantage dans ce segment, aux côtés des promoteurs».
Accès aux crédits pour les entreprises et promotion de l'investissement
Le Conseil des ministres a annoncé également de nouvelles mesures en faveur de l'économie. Le Trésor public a été chargé de mettre à la disposition des banques publiques une ligne de crédit à long terme de 100 milliards de dinars renouvelables afin de permettre à ces banques «de financer les projets à maturité longue». Le Conseil des ministres a également décidé la mobilisation des sociétés d'investissements dont la création par les banques publiques est parachevée, pour gérer les fonds d'investissements des wilayas et promouvoir leur participation pendant une période initiale au capital des PME. Des sociétés publiques de leasing destinées à alléger le coût de la location-vente des équipements pour les nouvelles PME seront également créées à partir de mars 2011, selon le communiqué. L'autre mesure annoncée est la dynamisation des mécanismes déjà en place pour la garantie des crédits aux PME et l'allègement des procédures y afférentes avec le concours de l'autorité monétaire, ainsi que le soutien du Fonds national d'investissement (FNI) aux investisseurs nationaux qui le souhaitent, avec des prises de participation à hauteur de 34% dans le capital et le financement, et pour dynamiser la création des PME. Le Conseil a, par ailleurs, décidé une augmentation de l'abattement des charges patronales de cotisation à la sécurité sociale pris en charge par l'Etat, afin d'alléger les charges patronales pour le recrutement des jeunes demandeurs d'emploi. Cet abattement passera ainsi de 56 à 80% dans les wilayas du Nord du pays et de 72 à 90% dans les wilayas des hauts plateaux et du Sud du pays, selon le communiqué.
Université: l'imbroglio de l'ancien système et du LMD levé
Le Conseil des ministres a décidé aussi d'abroger le décret présidentiel du 13 décembre 2010 qui a provoqué la grève des étudiants et la paralysie des universités. Ce décret avait introduit une discrimination entre les diplômes de l'ancien système et du système LMD, actuellement en vigueur. Le Conseil a confirmé la validité du diplôme d'ingénieur d'Etat délivré par les établissements d'enseignement supérieur et le maintien des formations de magister pour les diplômés de l'ancien système de formation universitaire jusqu'à son extinction. Le Conseil des ministres a répondu ainsi favorablement aux revendications des étudiants des universités et de l'école normale supérieure (ENS). Le Conseil des ministres a également annoncé «comme priorité, l'élaboration des textes devant régir les correspondances entre l'ancien système et le système LMD, tel que prévu par la loi d'orientation de février 2008». Il a également avalisé les recommandations de la Conférence nationale des chefs d'établissements universitaires, en sa qualité d'autorité pédagogique universitaire. Le président Bouteflika a insisté sur «le dialogue et la communication permanents qui doivent accompagner la mise en place graduelle d'une réforme aussi importante et vitale que celle concernant le système national de formation et d'enseignement universitaire».