Le Commissaire à la paix et la sécurité de l'Union africaine, Smail Chergui a alerté sur la situation sécuritaire au Sahel qui s'aggrave malgré les efforts déployés par les Etats et la communauté internationale pour rétablir la paix dans la région. Intervenant lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la violence intercommunautaire et le terrorisme en Afrique de l'Ouest tenue lundi à New York, le Commissaire Chergui a qualifié la situation "d'alarmante" comme en témoigne les attaques récentes au Mali et au Niger. Smail Chergui qui s'exprimait par visioconférence depuis Addis-Abeba a prévenu que les "liens étroits entre groupes armés de la région sont de plus en plus sophistiqués". Ces groupes, a-t-il ajouté, participent à des trafics d'armes, d'or, de combustibles et d'espèces sauvages pour financer leurs activités et alimentent les conflits locaux, agissant même parfois en médiateurs pour les régler. La situation est d'autant plus aggravée par la vulnérabilité de la région aux changements climatiques, alors que la pénurie alimentaire débouche sur une augmentation des déplacements dans la région et pourrait rendre les jeunes plus sensibles à la propagande extrémiste, a-t-il poursuivi. Selon M. Chergui, cette situation gravissime a également provoqué la fermeture de 2.850 écoles au Burkina Faso, au Mali et au Niger à cause des violences, et des centaines d'écoliers ont été enlevés, violés, et tués par des extrémistes. En parallèle, la présence de l'Etat demeure faible dans de nombreuses régions sahéliennes, a souligné le Commissaire du l'UA dans son intervention. Smail Chergui a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine avait demandé, en avril dernier, l'élaboration d'un cadre crédible pour prévenir et régler les conflits locaux et intercommunautaires comme ceux liés à la transhumance. L'UA a également convoqué une conférence sur les ressources naturelles et les conflits communautaires et adopté la Déclaration de Bamako qui encourage notamment les Etats membres à élaborer un cadre politique pour gérer les conflits locaux. La déclaration appelle aussi à un plan d'action pour appuyer les efforts nationaux et régionaux de règlement des conflits locaux en demandant aux gouvernements de faire preuve d'unité, a-t-il relevé. Repenser le soutien militaire apporté à la région Le 13 décembre dernier, a poursuivi M. Chergui, le Conseil de paix et de sécurité a estimé que la Déclaration de Bamako le dotait d'une feuille de route a même de l'aider à répondre aux conflits locaux. Mais malgré ces efforts, la tendance n'est pas inversée et la situation se dégrade toujours, a-t-il déploré. Le Commissaire Chergui a suggéré quatre propositions clé sur la voie à suivre pour rétablir la paix dans la région. Il s'agit en premier lieu de "repenser de manière créative le soutien militaire apporté aux pays de la région", relevant que les défis au Sahel dépassent les capacités des Etats concernés. La crise sécuritaire au Sahel nécessite aussi " une approche globale " qui intègre des actions politiques et socio-économiques telles que le renforcement de la présence de l'Etat dans les régions et l'amélioration de la capacité des Etats de la région à fournir des services de base. "L'UA et l'ONU guidées par la déclaration de Bamako et de manière intégrée peuvent travailler à développer un mécanisme pour soutenir nos Etats membres dans les différents domaines", a-t-il plaidé devant le Conseil de sécurité. Ensemble, l'Union africaine et l'ONU devraient coprésider un mécanisme coordonné sur la stratégie au Sahel et condamner la stigmatisation de certains groupes dans la région qui crée une attitude dangereuse "de nous contre eux", a estimé M. Chergui, avant d'exhorter à redoubler d'efforts, car l'absence de solidarité aux niveaux régional et national est préoccupante. "Nous sommes confrontés à des menaces qui ne respectent pas les frontières et qui ont le potentiel de se propager rapidement sur le continent et au-delà. La situation actuelle en Libye est une grande leçon pour nous tous", a-t-il dit. Le conflit non seulement ravage le pays lui-même, mais il affecte toute la région du Sahel et au-delà. Suite au tablant alarmant dressé lors de cette réunion par Smaill Chergui et le représentant spécial du SG de l'ONU et Chef du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS), Mohamed Ibn Chambas, les trois pays africains membres du Conseil de sécurité, ont prévenu que le Mali et le Burkina Faso constituent aujourd'hui les dernières digues contre l'expansion des groupes terroristes vers les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest. En cas de rupture de cette digue, "la déferlante terroriste" aurait l'occasion de contrôler les ports et les énormes potentiels économiques de la sous-région, a alerté la Côte d'Ivoire qui s'exprimait également au nom de l'Afrique du Sud et de la Guinée équatoriale.